dimanche 19 août 2012

Critique 345 : CATWOMAN, VOL. 3 - RELENTLESS, de Ed Brubaker, Cameron Stewart et Javier Pulido


Catwoman, volume 3 : Relentless rassemble les épisodes Secret Files #1 et 12 à 19 de la série écrits par Ed Brubaker, publiés en 2002-2003 par DC Comics. Les dessins sont signés Cameron Stewart (Secret Files #1, et #12 à 16) et Javier Pulido (#17-19).
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Black Mask à l'oeuvre : un vilain tortionnaire
sui veut se venger de Catwoman...

- Secret Files #1 & Relentless (Catwoman #12-16). Dessiné par Cameron Stewart. Roman Sionis alias Black Mask, un malfrat défiguré par un incendie lors d'un combat contre Batman, s'est installé dans l'East End de Gotham pour en devenir le caïd. Son homme de main, Xavier Dylan, avait arrangé avec des policiers corrompus un échange de drogue contre des diamants, mais le deal a échoué à cause de Catwoman et Slam Bradley. Black Mask est déterminé à faire payer la voleuse-justicière en la faisant souffrir, elle et ses proches. 
Holly découvre les sentiments
que Slam éprouve pour Selina...

Pas plus que Selina Kyle, Slam Bradley ne devine qui leur en veut au point de détruire le centre communautaire qu'a fait bâtir Catwoman avec l'argent de la vente des diamants et l'aide de Bruce Wayne (Slam est d'ailleurs jaloux de l'alter ego de Batman qui flirte avec elle, et avoue ses sentiments à Holly Robinson, la meilleure amie de la féline). Maggie Kyle, la soeur de Selina, revient au même moment à Gotham City où son mari, Simon Burton, a été engagé sans le savoir par Xavier Dylan. Et Catwoman elle-même, en enquêtant sur une bande d'enfants voleurs, renoue avec une vieille amie, Sylvia Sinclair, également complice de Dylan...

L'origine du contentieux entre
Catwoman et Sylvia Sinclair...

L'entourage de Catwoman tombe sous les coups de Black Mask et ses complices les uns après les autres : Simon et Maggie sont enlevés, Slam blessé, Holly piégée cherchant Maggie. Selina comprend que son adversaire connaît son identité secrète et il n'y a qu'une personne ayant pu la lui révèler : Sylvia.





Réglements de comptes au Robbins Building...

Catwoman va donc aller défier Black Mask et Sylvia dans leur repaire. L'affrontement sera terrible et personne n'en sortira indemne...

- No Easy Way Down (Catwoman #17-19). Dessiné par Javier Pulido. Au lendemain de la bataille contre Black Mask et Sylvia Sinclair, tout le monde est sous le choc : Selina entame une liaison avec Slam mais sans certitude pour l'avenir ; Holly est traumatisée et refuse de se confier à Karon (sa girlfriend) qui craint de la voir se droguer à nouveau. Une affaire sur laquelle enquête Slam va mettre en évidence le malaise qui agite la bande et pousser chacun à faire des choix...

La romance de Selina et Slam fait écho à
la nouvelle affaire du détective...


Ce qui ne nous tue pas
nous rend-il vraiment plus fort ?
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D'abord, il faut impérativement avoir lu Crooked Little Town (Catwoman, vol. 2) pour comprendre et apprécier Relentless. Ensuite, une fois terminé ce troisième recueil du run d'Ed Brubaker, on se rend à l'évidence que c'est sans doute le sommet de son travail sur la série (même s'il reste encore un tome, et des épisodes jamais compilés).
A la fin de l'arc précédent (Disguises), le scénariste révèlait qui était le nouveau caïd qui tirait les ficelles dans l'ombre de l'East end de Gotham City, le patron de Xavier Dylan : le terrifiant Black Mask. Si vous n'avez pas lu toutes les histoires de Batman (comme moi), une présentation des protagonistes au début de l'album vous informera qu'il s'agit d'un certain Roman Sionis, défiguré dans un incendie à la suite d'un combat contre la chauve-souris. Cette mutilation l'a rendu psychotique et il aime à torturer ses ennemis avant de les achever. Quand il apprend que Catwoman a fait échouer son deal drogue contre diamants avec des flics ripoux du GCPD, il veut se venger mais en la faisant souffrir. Et pour l'attirer dans sa chambre des supplices, il va s'en prendre aux proches de la féline dont il apprend l'identité secrète par une de ses anciennes amies, criminelle installée dans le quartier.
Brubaker développe un suspense très efficace et angoissant où, pendant quatre épisodes, tous les proches de son héroïne tombe les uns après les autres grâce aux sinistres manoeuvres de Black Mask mais aussi de Sylvia Sinclair. Cette dernière appartient au passé de Catwoman et offre à l'histoire deux flash-backs rappelant à la fois la jeunesse sordide puis la carrière malhonnête de Selina Kyle, des additions nécessaires à la fois pour mesurer l'évolution de la féline mais aussi pour comprendre les origines de la haine que lui voue Sylvia.
Relentless signifie "implacable" et c'est un titre parfait pour cette histoire où Brubaker n'épargne rien à ses personnages (brutalisés, torturés), sans pourtant jamais sombrer dans la violence complaisante (même si les supplices qu'inflige Black Mask à Simon et Maggie sont abominables), misant plutôt sur la suggestion, et conduit Catwoman à être aussi intraitable quand elle riposte. Cela fournit un épilogue à la fois musclé et jubilatoire à cette aventure, culminant avec une longue séquence de combat palpitante. L'équilibre, encore une fois, entre le polar et les codes super-héroïques est fabuleusement trouvé, mené sur un rythme haletant, avec des personnages forts, aux motivations claires, et qui sont réellement troublés par ce qui leur arrive.

Les conséquences sont traitées dans le deuxième récit, No easy way down, dont la structure est plus singulière : il compte en effet 10 segments où la narration est alternativement assurée, en voix-off, par Selina, Slam et Holly. Selina essaie de trouver du réconfort en devenant la maîtresse de Slam mais elle est trop accablée par le sort de sa soeur Maggie pour s'investir dans une vraie relation amoureuse. Slam comprend progressivement que son couple avec Selina est condamnée quand une affaire qu'il a acceptée présente des similitudes avec ce qu'il vit - la différence d'âge, l'engagement, la compréhension et l'acceptation de l'autre et de soi-même. Enfin, Holly s'isole et est rattrapée par ses vieux démons, refusant de se confier à Selina, Karon, Leslie Thompkins.
Brubaker livre encore ici une copie brillante, inspirée et originale, en osant s'attarder sur ce que les comics escamotent souvent, les conséquences psychologiques d'une bataille qui, si elle a permis d'écarter le vilain, ronge les vainqueurs. Le talent du scénariste pour manier les voix-off et donner un langage intérieur propre à chacun de ses personnages est mis à contribution et le résultat est poignant, intense, sonne vrai. Le parallèle entre l'enquête de Slam et le constat qu'il va dresser de sa liaison avec Selina est très habile. Les seconds rôles, comme Karon, Leslie et Batman (le temps d'une scène) valorisent intelligemment la nouvelle épreuve que traversent les vedettes de la série.
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Graphiquement, ces épisodes marquent aussi une culmination après le précédent volume où la succession de Darwyn Cooke n'était pas facile.
Cameron Stewart (que Cooke avait désigné comme son dauphin mais qui n'a pas tout de suite eu la confiance de DC) dessine l'arc Relentless (avec l'aide ponctuelle à l'encrage, sur un épisode, de Mike Manley) et prouve toute sa valeur. Ses découpages possèdent une énergie et une fluidité exceptionnelles, avec des effets de raccords, de mise en page, remarquables. L'animation des personnages, leur expressivité, et le jeu des ombres et lumières sont également sensationnels. Il réussit parfois à être même plus complet que ne l'était Cooke car il exploite pleinement les décors, les ambiances, il est rigoureux dans ses cadrages d'une densité saisissante (les pages sont parfois fournies en cases de petite taille sans que la lecture n'en soit freinée, au contraire : une prouesse que de communiquer visuellement autant d'informations sans ralentir la lisibilité).
C'est vraiment la marque d'un storyteller de haute volée.

Puis Javier Pulido illustre la seconde histoire. Pour qui, comme moi, est fan de l'artiste espagnol, c'est un régal, dans la lignée de ce qu'il a accompli sur Human Target : un trait d'une simplicité extrème, à la limite parfois de l'abstraction, mais redoutablement éloquent, aérien, efficace.
Le découpage est là encore un modèle du genre, avec des alignements de vignettes serrées mais disposées, employées si justement, et ponctuées par des gros plans ou des plans larges épurés, d'une élégance exemplaire.
Encore plus que Cooke, Rader ou Stewart, Pulido s'éloigne du réalisme pour lui préférer le dessin juste, dont le dépouillement est d'une grande richesse en vérité.

Et n''oublions pas de saluer la toujours impeccable colorisation de Matt Hollingsworth.
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Un chef-d'oeuvre ! Si bien écrit, mis en images : une suite d'épisodes d'une qualité impressionnante pour une histoire mémorable.  


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