mercredi 15 août 2012

Critique 344 : CATWOMAN, VOL. 2 - CROOKED LITTLE TOWN, de Ed Brubaker et Brad Rader, Cameron Stewart, Mike Avon Oeming, Eric Shanower


Catwoman, Volume 2 : Crooked Little Town rassemble les épisodes 5 à 10 et Secret Files #1 de la série écrite par Ed Brubaker, publiés en 2002 par DC Comics. Les dessins sont signés par Brad Rader (#5-9), Cameron Stewart (#5), Mike Avon Oeming et Eric Shanower (Secret Files #1).
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Catwoman au chevet de la "mule" d'un dealer...

- Trickle Down Theory (Catwoman #5). Dessiné par Brad Rader et Cameron Stewart. Devenue la protectrice de l'East End de Gotham, Selina Kyke/Catwoman peut compter sur son amie Holly Robinson pour être ses yeux et ses oreilles dans le quartier. C'est ainsi qu'elle découvre le traffic de drogue dirigé par Dexter Garcia qui se sert de jeunes enfants comme de "mules" pour faire passer sa marchandise depuis l'Amérique du Sud. Mais Garcia n'est qu'un sous-fifre...



Un questionnaire qui éclaire d'un nouveau jour
le personnage d'Holly Robinson...

- Disguises (Catwoman #6-9). Dessiné par Brad Rader. Après avoir répondu à un questionnaire sur internet, Holly fait le point sur sa vie et sa situation actuelle. L'informatrice de Catwoman a connu un passé douloureux et chaotique et seule son amour pour Karon lui permet d'entrevoir des jours meilleurs. Sur la piste d'un nouveau dealer, David G., la jeune femme découvre les malversations de plusieurs officiers de police avant d'être repérée et blessée...
Slam Bradley toujours prêt à donner
un coup de main à sa féline préférée...

Pendant qu'Holly est confiée aux soins de Leslie Thompkins, Catwoman et Slam Bradley mènent leur enquête sur ces flics ripoux à qui ils vont tendre un piège...
Karon ment...

L'héroïne et le détective privé vont profiter des investigations de l'officier du G.C.P.D Crispus Allen (un des héros de Gotham Central) pour confondre MacNulty et Rickett, les policiers corrompus. 
Le terrifiant Black Mask prépare sa revanche...

Xavier Dylan, qui semblait être le cerveau de l'affaire, s'en tire et se révèle n'être que le bras droit d'un malfrat plus important et terrifiant, désireux de se venger de catwoman désormais : Black Mask.

- Joyride (Catwoman #10). Dessiné par Brad Rader. Lors d'un déjeuner en tête-à-tête avec Bruce Wayne/Batman, Selina Kyle lui demande une aide technique pour une opération dont elle se garde bien cependant de lui livrer les détails. C'est qu'il s'agit de faire évader une amie d'enfance, Rebecca, accusée à tort d'un meurtre et qui risque la peine de mort... 
Une amie d'enfance dans le besoin...

- Secret Files #1 :
*The Many Lives of Selina Kyle. Dessiné par Mike Avon Oeming. Quelques truands vont apprendre à leurs dépens que Catwoman, sans avoir totalement renoncé à ses coupables penchants, n'est plus non plus une des leurs.
*Why Holly isn't dead. Dessiné par Eric Shanower. Holly et Selina dialoguent sur la manie qu'ont les scénaristes de comics de ressuciter des personnages mortes - par mépris de la continuité ? Ou par affection pour ces héros ?
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Après avoir brillamment ramené Catwoman sous le feu des projecteurs, dans un rôle ambigü de voleuse-justicière, ce deuxième tome allait-il être à la hauteur du relaunch de la série initié par Ed Brubaker ?
Le scénariste est toujours aux commandes du projet mais Darwyn Cooke est parti vers de nouvelles aventures (l'artiste avait été en désaccord avec Brubaker sur la fin de leur premier arc, que l'auteur avait consenti, sous la pression de son editor, à modifier, et avait préféré partir bons amis ensuite).
Les épisodes 5 à 9 forment en fait une seule histoire, avec un prologue et une fin ouverte qui promet des développements ultérieurs. On trouve là deux aspects essentiels à la fois de Brubaker et de toute bonne série : d'abord, broder une trame d'envergure qui pourra alimenter le récit sur la durée, et ensuite, aboutir à l'apparition d'un méchant qui est resté dans l'ombre mais va devenir l'opposant principal de l'héroïne pour le futur. C'est ainsi qu'on assiste à une sorte de progression dramatique en escalier où, successivement, Dexter Garcia, David G., MacNulty et Rickett, Xavier Dylan et enfin Black Mask passent pour être cette fameuse némésis de Catwoman. Le procédé est habile et efficace, promettant un deuxième acte plus musclé.
Brubaker inscrit la série dans le genre policier comme dans son futur creator-owned Criminal. Les éléments (super-)héroïques sont secondaires, quand Catwoman agit masquée, c'est presqu'un détail cosmétique, comme si elle enfilait une tenue de travail plus commode pour impressionner ses adversaires et se mouvoir dans ses acrobaties. Réussir à faire passer cela avec autant de facilité, de naturel, est la preuve que le scénariste anime aussi bien son récit que ses personnages sans que le lecteur ne soit embarrassé par un certain folklore.
L'intrigue elle-même, par ailleurs, permet aussi d'approfondir les seconds rôles qui entourent Selina Kyle : en premier lieu, c'est Holly qui est dépeinte comme une post-ado au parcours difficile, se lamentant sur son rôle passif, assumant son homosexualité (avec Karon - mise en scène très subtilement, sans que cela semble jamais forcé et encore moins racoleur) ; puis Slam Bradley revient dans la partie et là, c'est plus suggestif, avec une attirance entre lui et Catwoman esquissée de manière progressive.
On remarquera enfin, en guest-stars, la présence de Crispus Allen, présent dans la série Gotham Central, co-écrite par Brubaker et Greg Rucka à la même époque. C'est un autre élément qui contribue à ancrer la série Catwoman dans une toile ambitieuse (mais accessible si on n'a pas suivi ces deux productions). Batman fait une très brêve apparition dans le 10ème épisode, confirmant qu'il existe bien une relation entre le Dark Knight et la féline sans trop la détailler - disons qu'elle agit en marge de la loi avec l'accord de la chauve-souris et flirte avec lui.
Le tout est mené sur un rythme soutenu, avec une très bonne alternance d'action et de moments calmes, une ambiance nocturne soignée, des dialogues sobres et une voix-off très présente mais toujours bien dosée.
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Cooke parti donc, les dessins sont confiés à Brad Rader. Il possède également un style non-réaliste, très mobile et expressif, mais peut-être un peu léger : la relève est difficile et donne du coup à ces épisodes des allures de chapitres de transition sur le plan graphique.
Le choix des encreurs est plus intéressant : au 5ème épisode, Cameron Stewart, disciple de Cooke (à qui il devait directement succéder en tant qu'artiste mais qui n'avait pas la pleine confiance de DC), assure les finitions, puis est ensuite crédité comme encreur jusqu'au #7. Il est ensuite remplacé par Rich Burchett qui, sans avoir son talent, s'accorde très bien avec le dessin cartoony de Rader.
La mise en couleurs de Matt Hollingsworth puis de Lee Loughridge (qui se chargeait aussi de Gotham Central) contribuent à l'unité visuelle, avec des teintes mates très bien distribuées.

L'album se conclut sur deux petits récits, les Secret Files, qu'illustrent Mike Avon Oeming (encré par Mike Manley) dans son style typique, nerveux et exubérant, et Eric Shanower (les deux pages sur Holly, savoureux exercice ironique sur le 4ème mur et les incohérences scénaristiques), très élégant et sexy.
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6 nouveaux épisodes impeccables, même si le dessin est un cran en-dessous. Mais indéniablement une des meilleures séries DC de la décennie écoulée.

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