jeudi 30 juillet 2009

Critique 80 : THOR 2, de J. Michael Straczynski, Olivier Coipel et Marko Djurdjevic



Thor 2 rassemble les épisodes 7 à 12 et 600 de la série publiée par Marvel Comics, relancée en 2008 par J. Michael Straczynski au scénario et Olivier Coipel au dessin (Marco Djurdjevic a illustré les n°7 et 8 et participé au n°600).
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Dans le précédent volume, les six premiers volets écrits par J. Michael Strackzynski mettaient en scène le retour de Thor et du peuple asgardien, échoués dans les lîmbes à la suite du cycle de Ragnarok. Nous avions eu droit à une histoire qui jouait habilement avec la mythologie du personnage et du folklore dont il est issu mais aussi avec des plages plus intimistes et réalistes, qui voyait les dieux nordiques voisiner avec une bourgade du middle-west, le héros aller à la Nouvelle-Orléans après l'ouragan Katrina ou en Afrique en plein conflit ethnique.
Pour parfaire l'entreprise, la série bénéficiait de magnifiques illustrations du français Olivier Coipel, aussi en l'aise dans les séquences calmes que dans l'action.
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D'aucuns ont reproché à ce "relaunch" un tempo un peu trop "cool", reproche récurrent fait à la narration décompressée prisée par tant d'auteurs actuels. Mais plutôt que de juger du procédé en général, je dois avouer que cette option appliquée à un titre comme Thor, où l'on attend plus de spectacle, m'avait agréablement surpris (et d'ailleurs, du spectacle, il n'en manquait pas entre la réapparition d'Asgard, le duel Thor-Iron Man ou Thor-The Destroyer !).
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Ce volume 2 rassemble donc les épisodes 7 à 12 plus le 600 (plus long, comme un "annual"), toujours écrit par Stracynski (qui a annoncé son départ de Marvel après le 602, suite à des désaccords avec l'éditeur en chef Joe Quesada) et illustré par Coipel et Djurdjevic.
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Ce nouveau tome s'ouvre par un récit en deux parties justement dessiné par Djurdjevic (qui abandonne pour l'occasion son style peint et est encré par Danny Miki) :

Thor, qu'on avait laissé sans connaissance à la fin du livre précédent après qu'il ait ramené à la vie tous les asgardiens pris dans leurs enveloppes humaines et mortelles, doit, pour se régénérer, entrer dans le "Odinsleep".
Il passe ainsi dans une dimension parallèle où il rencontre l'esprit de son père, qu'il n'a pas ressucité, et où il apprend la malédiction qu'Odin doit affronter pour l'éternité, en combattant chaque jour le démon Surtur.
Mais ces brêves retrouvailles entre le fils et le père permettent surtout de découvrir un important secret au sujet de la jeunesse d'Odin : comment, pour ne plus être hanté par le fantôme de son propre père, Bor, il adopta le fils d'un géant des glaces... Loki !

Coipel reprend les commandes avec JMS à partir de l'épisode 9 jusqu'au 12 pour aborder plusieurs histoires qui vont converger jusqu'au n°600.

Parmi elles, l'une est entièrement traitée selon le point de vue de Balder, qui se fait manipuler par Loki, et une autre complètement dédiée justement à Loki, qui avec la complicité d'Hela retourne dans le passé pour y pièger Bor puis Odin et dicter à l'enfant qu'il fut le plan à suivre pour se venger de Thor.
Entretemps (au n°11), on assiste à un vibrant hommage de Thor à son ami disparu, Steve Rogers alias Captain America, mort un an avant.

Ce segment mérite une considération spéciale car il est superbement écrit par Strackzysnki, très sobrement : l'invocation de l'esprit de Captain America par Thor et leur dialogue sont magnifiquement mis en images par Coipel.
Le scénariste en profite pour expliquer que le héros disparu n'incarnait pas un concept politique mais l'idée de justice d'un pays. Si en lisant cela, on sait que JMS donna l'idée initiale au crossover Civil War où Iron Man est devenu le symbole du sécuritarisme Bushiste face à l'icone démocrate-libéral qu'était Captain America et quand on se souvient de la correction qu'administra Thor à Iron Man pour l'avoir cloné durant cette saga, cela forme un tout très cohérent et particulièrement efficace.

Le 12ème épisode où Loki voyage dans le temps pour inflêchir sur son propre futur comporte également son lot de séquences mémorables (même la physique quantique en prend un coup...) : désormais, il est établi que le dieu du mensonge a toujours haï son demi-frère mais a surtout toujours oeuvré pour lui nuire, non pour venger sa famille (il détestait son père biologique) mais parce qu'il est mauvais par nature.
Enfin nous arrivons au "gros morceau" de cet album, avec l'épisode "giant-size" 600. Intitulé Victory, c'est l'apothéose pour Loki - et sur le plan éditorial, on assiste à la correspondance entre l'arc narratif et le Dark Reign, soit la période qui a succédé à la Secret Invasion dans l'Univers Marvel.

Loki a ramené Bor à la vie tout en l'ensorcelant : lorsqu'il rencontre Thor, son propre petit-fils qu'il n'a jamais vu auparavant (étant mort avant sa naissance), il est victime d'hallucinations qui le lui font voir comme un démon. Le dieu du tonnerre ignore également qui est Bor et ne comprend pas la folie furieuse qui agite cet asgardien surgi de nulle part.
Leur affrontement se déclenche donc sur une dramatique ignorance et l'on devine que l'issue du combat sera tragique. Mais on comprend surtout le machiavélisme de Loki et à quel point son influence sur Balder va peser lourd...

Visuellement, on atteint un sommet du genre : l'intensité du duel, l'expressivité des personnages, le spectacle des ravages causés par les deux adversaires, sont extraordinairement restitués par Coipel, qui découpe ces séquences avec une explosivité fabuleuse. Djurdjevic se charge de dessiner les scènes du point de vue de Bor et produit des images baroques tout à fait saisissantes. L'alternance des visuels par les deux artistes provoque un effet à la fois déroutant et puissant, parfaitement orchestré.
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Du fait que l'histoire se concentre plus particulièrement sur les manoeuvres de Loki, Thor lui-même apparaît presqu'en retrait dans ce nouveau recueil, mais ses apparitions sont soigneusement traitées et le personnage de Balder se pose comme le trait d'union entre le dieu du mensonge et celui du tonnerre. Le brave guerrier asgardien n'est-il que le jouet de Loki, un naïf influençable ? Ou va-t-il se révèler plus complexe maintenant qu'il est seul à trôner sur ses sujets, après que Thor, son demi-frère, ait été banni pour avoir tué un membre de la famille royale ?
Et Thor lui-même n'accepte-t-il pas trop facilement son expulsion ? Il est évident qu'il va vouloir se venger et qu'il sait que Loki l'a trompé pour précipiter sa disgrâce. Mais il semble aussi acquis que le dieu du tonnerre a à faire ailleurs : il n'a toujours pas retrouvé Sif, sa bien-aimée, captive du corps d'une vieille dame atteinte d'un cancer, soignée dans l'hôpital où travaille... Jane Foster, la femme dont Donald Blake (l'alter ego de Thor) est épris !
D'autre part, la bataille contre Bor a laissé des traces : le marteau de Thor est partiellement brisé, ce qui risque de compliquer sa transformation en Don Blake. Et durant le combat, Thor a fait la connaissance des Dark Avengers, l'équipe formée par Norman Osborn/Iron Patriot, Marvel Boy (le fils de feu Captain Marvel), Daken (le fils de Wolverine), et d'anciens Thunderbolts (Venom, Bullseye et Moonstone - ces deux derniers revêtant les costumes d'Hawkeye et Ms Marvel). Ces Vengeurs-là sont devenus un commando gouvernemental et la déculottée qu'ils ont pris contre Thor et Bor ne restera certainement pas sans suite. 
Tous ces éléments sont riches en promesses et JMS s'est arrangé pour à la fois intégrer ces points du Dark Reign tout en obligeant le scénariste qui lui succédera sur Thor à retenir ce qu'il a fait du personnage.
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Quoi qu'il en soit, ce volume est une grande réussite. D'un côté, on suit une épopée épique entre dieux, ponctuée de saynètes bien senties sur leur cohabitation avec les humains, et de l'autre, on voit avec plaisir des affrontements classiques dignes des meilleurs comics super-héroïques traditionnels, entrecoupées d'aperçus sur l'évolution de la situation de Donald Blake.
C'est vraiment un des meilleurs livres Marvel actuels : la démonstration bluffante de talents sur le point de se séparer - ne la ratez pas !

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