samedi 13 juin 2009

Critique 59 : FALLEN SON - LA MORT DE CAPTAIN AMERICA, de Jeph Loeb et Leinil Yu, Ed McGuiness, John Romita Jr, David Finch et John Cassaday

Cette collection d'épisodes spéciaux constituent l'épilogue du crossover Civil War.
Au terme de la saga écrite par Mark Millar et dessinée par Steve McNiven, au cours de laquelle les super-héros de l'univers Marvel se déchiraient après le vote d'une loi les obligeant à se faire recenser auprès des autorités, les partisans - menés par Iron Man - de cet enregistrement remportaient la bataille au détriment des résistants - dirigés par Captain America.
Depuis, les héros travaillent pour le gouvernement, mais d'autres, refusant toujours ls nouvelles règles du jeu, continuent de lutter contre le crime - et s'opposent occasionnellement à leurs amis d'hier - dans la clandestinité. Puis, dans sa série régulière, Captain America allait ensuite être victime d'un assassinat ourdi pa son ennemi Crâne Rouge, avec la complicité du Dr Faustus, qui avait mentalement conditionné la maîtresse du héros, Sharon Carter, pour le tuer lors de son transfert devant un tribunal.
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L'idée de Victime de Guerre : La Mort de Captain America (en vf) revient à J. Michael Straczynski : il s'agissait d'étudier les réactions de personnages-phares de Marvel après le décés du héros en explorant les cinq stades du deuil - refus, colère, marchandage, dépression, acceptation. C'est à Jeph Loeb que fut confié la rédaction de ces récits, chacun étant illustré par un dessinateur différent.
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Captain America alias Steve Rogers, le super-soldat créé durant la seconde guerre mondiale pour lutter contre les nazis, porté disparu après une mission, puis miraculeusement retrouvé vivant dans les glaces polaires, devenu membre des Vengeurs et le champion des valeurs américaines, est mort. Tout le pays est en émoi. A travers cinq justiciers qui l'ont côtoyé de près, se battant avec (ou contre durant la "Guerre Civile") lui, nous découvrons comment son décés affecte la communauté des super-héros.
- Wolverine (membre des X-Men et des Nouveaux Vengeurs) va s'introduire dans un héliporteur du SHIELD où est détenu Crossbones, le meurtrier du héros national. Il refusait d'admettre que Cap' reposait dans un cercueil à bord du vaisseau autrement qu'en le vérifiant lui-même.
- Spider-Man n'admet pas, lui, que les amis de Cap' puissent tranquillement jouer au poker après ce qu'il lui est arrivé. La colère le submerge mais oblige tout le monde à avouer son impuissance, alors que les Puissants Vengeurs sont en mission.
- Hawkeye, revenu d'entre les morts après House Of M, revient à New York après avoir cherché en vain la Sorcière rouge, qui l'a ressucité. Il est appréhendé par Iron Man qui marchande avec lui pour qu'il revêtisse le costume de Cap' - ce qu'il accepte dans un premier temps avant de reprendre le maquis, refusant d'être instrumentalisé par Tony Stark et le SHIELD.
- Spider-Man retrouve Wolverine après avoir affronté le Rhinocéros. Cette bagarre lui a servi de défouloir mais il reconnaît ensuite être rongé par une profonde dépression car la mort de Cap' le renvoie à celle de son premier amour, Gwen Stacy, qu'il n'avait pas pu empêcher non plus.
- Iron Man dirige les funérailles nationales de Cap', mais au moment de prononcer son éloge funêbre, est incapable de prononcer un mot, saisi par l'émotion. Pour rendre dignement hommage à son partenaire et accepter sa mort, il lègue sa dépouille à Namor et aux profondeurs de la mer arctique, là même où il fut retrouvé après la seconde guerre.
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Jeph Loeb s'est acquitté de cette tâche bien particulière avec les honneurs : les copies qu'il a rendues sont toutes de bonne facture, et même parfois excellentes.
Les trois chapitres les plus convaincants sont ceux consacrés aux refus avec Wolverine, au marchandage avec Hawkeye et à l'acceptation avec Iron Man : ils réussissent à la fois à rendre hommage à Captain America, à ce qu'il incarnait, en restant logique par rapport aux motivations des acteurs, en traduisant les sentiments évoqués, en suscitant une vraie émotion.
Le meilleur numéro et le plus beau est, à mon sens, celui de l'Acceptation : à la fois solennel, sobre, avec un dénouement astucieux, poignant et poétique, il synthétise parfaitement le projet. Il se suffit à lui-même et représente un adieu à la mesure du personnage. En même temps, il dégage une sorte d'apaisement sans négliger la prise de conscience d'Iron Man, qui salue à la fois son adversaire de Civil War mais surtout honore la mémoire de celui qui fut son acolyte chez les Vengeurs, l'emblême de la nation américaine, celui qu'il ne sera jamais.
Le moins bon est sans conteste celui consacré à la colère : la narration ne fonctionne pas, le traitement est bancal avec son alternance de scènes d'action spectaculaires et inutiles, déplacées et en dehors du propos, et des passages lourdement dialogués, mis en scène sans finesse.
Pour le reste, le bilan est inégal sans être ni honteux ni inoubliable.
L'épisode avec Hawkeye (Marchandage) est malin.
Celui avec Spider-Man (Dépression) est d'un symbolisme poussif.
Et celui avec Wolverine (Refus) est assez creux finalement malgré un face à face tendu entre le mutant griffu et Crossbones, on ne comprend surtout pas trop pourquoi Daredevil y a été convoqué si ce n'est pour jouer les détecteurs de mensonges...
Ce qui rend l'objet troublant, c'est le fait que Jeph Loeb ayant perdu son fils, on a, semble-t-il, jugé qu'il était le mieux placé pour parler du deuil et de ses conséquences psychologiques. L'analyse est facile mais n'a rien d'évidente et surtout rien de légitime : ce n'est pas la perte d'un être cher qui donne le talent pour traiter de la douleur qui en résulte. A moins d'avoir atteint un grand recul sur cet évènement, il reste toujours difficile d'écrire, et de bien écrire qui plus, c'est-à-dire en sachant à la fois faire partager ses émotions, en sachant les décrire et les interpréter avec pudeur, sur ce sujet.
Le fait d'avoir compilé en un seul ouvrage ces épisodes souligne qui plus est davantage leurs défauts et le peu d'évidence de cette initiative que leurs qualités et la cohérence de l'entreprise. Le choix des protagonistes y est d'ailleurs pour beaucoup, selon qu'on apprécie ou pas chacun d'entre eux.
Et, contrairement à ce qui est indiqué, chaque volet n'est pas consacré à un personnage en particulier : dans celui du Marchandage, paru en complèment de la série Captain America, c'est à Hawkeye que Loeb s'intéresse, et Wolverine, après avoir tenu le haut de l'affiche dans le Refus, est encore présent dans la Colère avec les (Nouveaux et Puissants) Vengeurs puis dans la Dépression de Spider-Man.
En soi, qu'un héros traverse plusieurs récits n'est pas dérangeant (Iron Man squatte quatre sur cinq d'entre eux) mais leur disposition rend ce procédé un peu pesant et finalement restreint le nombre d'acteurs concernés par le sujet - ainsi n'aurait-il pas été plus normal de s'intéresser au sort du Faucon, fidèle parmi les fidèles du Captain, plutôt que de favoriser ainsi Spidey ou Wolvie ?
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En revanche, graphiquement, l'éditeur a mis à disposition du scénariste la crème de ses illustrateurs : le casting a de quoi faire rêver, que des vedettes !
Leinil Yu livre un Wolverine bouillonnant à souhait, torturé et prêt à tout, comme on l'aime.
John Romita Jr (encré par Klaus Janson) n'a pas besoin de forcer son talent pour nous emballer avec Hawkeye.
Et John Cassaday nous gratifie d'un splendide final, et je pèse mes mots : ponctué de "splash-pages" renversantes et d'une double page fabuleuse, le chapitre Acceptation lui doit énormèment.
En revanche, le choix de David Finch pour illustrer la Dépression est surprenant : son trait déjà touffu est encore surchargé par l'encrage plombant de Danny Miki.
Et Ed McGuinness rate complètement son affaire en traitant de la Colère, avec un découpage totalement raté par-dessus le marché.
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Finalement, ce receuil est honnête mais moyen, il laisse une impression mitigé et la conviction que cela aurait pu être bien meilleur, plus puissant, avec un auteur (ou même plusieurs) plus inspiré(s). Visuellement accrocheur, c'est parfois davantage un beau livre d'images, de fulgurances, qu'un grand et digne hommage à la hauteur du personnage.

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