mercredi 8 avril 2009

Critique 16 : THOR 1 de J. Michael Straczynski et Olivier Coipel


Le personnage de Thor chez Marvel a été créé en 1962 par Stan Lee et Jack Kirby. Il devient rapidement l'un des fondateurs et piliers de l'équipe des Vengeurs.

Thor est un super-héros à part car c'est à la fois un dieu et un homme (le Dr Donald Blake). C'est son père Odin qui l'a dôté de cette double condition pour lui enseigner l'humilité et le préparer au Ragnarök. Blake ignore d'abord sa part divine mais il recouvre la mémoire et ses pouvoirs en découvrant son marteau, Uru Mjolnir. Il doit alors concilier ses vies de médecin et de héros surpuissant, tout en essayant de préserver sa romance avec son assistante, Jane Foster.
C'est dans ces circonstances qu'il s'allie aux Vengeurs (composés alors d'Iron Man, L'Homme-fourmi, La Guêpe et Hulk) pour contrecarrer les plans de son demi-frère, le maléfique Loki. En apprenant l'existence de son royaume natal, Asgard, Thor va désormais être partagé entre ses deux patries : sur Terre (Midgard), il lutte contre des super-vilains, et aux côtés d'Odin et ses semblables, il combat des créatures provenant de plusieurs mythologies - quand il n'est pas engagé dans la résolution de problèmes cosmiques.
L'irrésolution du héros à choisir entre ses deux territoires l'opposeront fréquemment à son père, qui le prive alors de ses pouvoirs ou l'exile. Thor veut à la fois s'affirmer tout en sachant qu'il protège la Terre comme l'émissaire d'Odin.
Un temps, Thor deviendra le nouveau régent d'Asgard qu'il déplacera sur Terre, suscitant des réactions contrastées : l'engouement du peuple idôlatrant ses nouveaux dieux, la méfiance des autorités gouvernementales et religieuses, la scission avec les Vengeurs. Cette parenthèse annonce un futur bouleversement encore plus profond : le Ragnarök.
Cet événement n'est pas la fin d'Asgard à proprement parler, mais la désignation de cycles de mort et de renaissance successifs, alimentant des entités énigmatiques, supérieures aux dieux vikings. Pour éviter cela, Thor provoque lui-même la destuction de l'univers Asgardien.


Dans le crossover Civil War (écrit par Mark Millar, mais - déjà ! - sur une idée de Straczynski) , Thor réapparait pourtant subitement. D'abord dans la série Fantastic Four, on assiste à la chute du marteau Mjolnir sur Terre et un homme dont les initiales D.B. apparaissent sur un sac à dos réussit à le récupérer dans le désert. Mais surtout, peu après, au coeur d'un combat entre les deux camps de héros (ceux favorables à leur enregistrement comme agents du gouvernement et les opposants à cette loi), Thor surgit et s'en prend violemment aux rebelles, tuant même Black Goliath ! Mais on apprend ensuite qu'il s'agit d'un clone mis au point par Tony Stark/Iron Man, Red Richards/Mr Fantastic et Hank Pym/Pourpoint Jaune.
Ce faux retour a failli être le vrai - Millar avait effectivement prévu de développer l'intrigue de Civil War sur 12 épisodes au lieu des 7 publiés. Mais cela a suffi à Marvel pour décider de relancer Thor. Neil Gaiman est pressenti pour ressuciter le dieu du tonnerre mais c'est finalement J. Michael Straczynski et Olivier Coipel qui sont propulsés aux commandes de la nouvelle série.
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Thor et son alter ego humain Don Blake se retrouvent, après l'intervention de dernier dans Fantastic Four, dans les limbes du néant. Le médecin convainc le dieu à revenir à la vie et sur Terre pour y reprendre sa mission pacificatrice. Il rebâtit Asgard dans le désert de l'Oklahoma et se lance à la recherche des autres dieux nordiques, dont l'essence subsiste chez certains mortels depuis la destruction du Cycle de Ragnarok.
La quête de Blake/Thor va le conduire ainsi dans la Nouvelle-Orléans dévastée après l'ouragan Katrina ou en Afrique et l'amener à croiser Iron Man (avec lequel il va avoir une explication musclé à propos du clône de
Civil War). Nous assistons également aux retrouvailles avec Loki (sous une forme inattendue)...
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Parlons peu mais parlons bien : c'est une merveille, peut-être la plus belle série Marvel du moment (avec le Daredevil de Brubaker et Lark) !
Scénaristiquement, Straczynski, qui venait d'être débarqué de Spider-man, a eu l'intelligence d'explorer des idées suggérées par Gaiman, comme celle (fondamentale) que c'est la foi des mortels qui légitime l'existence des dieux. L'autre piste que creuse l'auteur, c'est l'interaction entre les divinités et les humains : cela donne quelques scènes à la fois troublantes, dramatiques ou drôles. Cette manière d'interroger un super-héros sur son rôle dans des situations concrètes confère un réalisme poétique qui tranche avec la majorité de la production traditionnelle : l'évocation de la catastrophe Katrina, des guerres tribales en Afrique, du voisinage avec les habitants du bled dans l'Oklahoma, tout cela est fort justement dépeint, sans manichéisme.
La fin de ce premier story-arc nous laisse, qui plus est, dans une angoissante expectative car Thor, ayant décidé de réveiller d'un seul coup tous ses semblables, y a peut-être laissé ses dernières forces, et on n'a qu'une hâte : connaître la suite - d'autant que Loki a déjà pactisé avec un redoutable complice pour une manigance encore inconnue !
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Visuellement, depuis House of M, Olivier Coipel s'était fait trop discret : un annual des New Avengers par-ci, un petit one-shot hommage à Stan Lee par là... Mais son grand retour ne déçoit pas. Désormais encré par l'excellent Mark Moralès, son trait a gagné en assurance, en constance, et son art du découpage en maturité, d'une façon impressionnante. La lenteur des premiers épisodes est contrebalancée par des planches sublimes (comme la réapparition d'Asgard dans le désert), et lorsque l'action s'emballe, la puissance de Thor éclate dans des séquences jubilatoires, d'une efficacité exceptionnelle.
La manière même dont il a redesigné le personnage est symbolique : le dieu du tonnerre est représenté comme un colosse mélancolique, mais à la force tangible, dans la droite ligne de ce qu'en firent Jack Kirby, Walt Simonson ou John Romita Jr. C'est un chevalier qui revient mais doutant encore de sa place dans le monde terrestre et de sa position de roi. Ce mélange de majesté et de fragilité, de détermination et de vulnérabilité est parfaitement restitué par un graphisme à la fois énergique et élégant, qui procure une sorte d'exaltation fébrile chez le lecteur - habile contrepoint à la narration trannquille de Straczynski.
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Bref, une merveille.


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