samedi 25 avril 2009

Critique 37 : DAREDEVIL, par ED BRUBAKER et MICHAEL LARK (1/7)



DAREDEVIL : THE DEVIL IN CELL-BLOC D ;
(vol. 2, #82-87) ;
(Avril-Septembre 2006).

La série Daredevil a souvent permis à des auteurs de grands talents d'acquérir une notoriété durable, et encore aujourd'hui elle est animée par des scénaristes et dessinateurs parmi les plus recommandables.

Frank Miller écrivit et dessina les aventures de "tête à cornes", secondé par l'encreur Klaus Janson, et le transforma en "must-have" les histoires de ce héros atypique, au concept très symbolique (Matt Murdock l'avocat au service de la Loi, alter ego de Daredevil qui appliquait la Justice).
Miller, encore, comme "simple" scénariste, et David Mazzucchelli produisirent une suite d'épisodes mémorable (l'arc Renaissance).
Puis Ann Nocenti et John Romita Jr signèrent un run atypique et marquant.
Récemment, Brian Michael Bendis et Alex Maleev ont présidé à la destinée du justicier aveugle pendant une période conséquente qui a révolutionné la mythologie du personnage et a impressionné à la fois des connaisseurs et des amateurs. Durant leur passage, l'auteur et l'artiste ont principalement travaillé sur le thème de la double identité, un des concepts fondamentaux chez les super-héros :

Matt Murdock a été soupçonné publiquement d'être "DD" mais il est aussi devenu "Le roi d'Hell's Kitchen" (pour reprendre le titre d'un des arcs narratifs crucial de la série), envoyant Wilson Fisk, le Caïd de la pègre new-yorkaise, en prison, et régnant à sa place contre de potentiels successeurs. Le héros a encore gagné en ambiguïté et sa vie privée est devenue un tel enfer qu'à la fin du tome 13 (Le Rapport Murdock), il est à son tour incarcéré.

C'est sur cette spectaculaire chute (dans tous les sens du terme) que Bendis et Maleev ont choisi de se retirer... Et c'est au défi de prendre la suite que se sont attelés Ed Brubaker et Michael Lark dès ce 14ème volume.
*

Bien qu'il se soit acharné à nier auprès des médias, des autorités et du public le fait qu'il était Daredevil, comme le suggéraient ses ennemis, Matt Murdock échoue derrière les barreaux du pénitencier de Ryker's island. Le FBI s'arrange pour faire retarder son procès, faute de preuves indiscutables, dans le but avoué de son directeur de se débarrasser de DD en le livrant à ses pires adversaires, également détenus.
Son avocat et ami, Foggy Nelson, victime d'un traquenard dans l'enceinte même de la prison, meurt sous les coups de couteau d'un homme de main. Ce décés brutal va décider Murdock à se venger sans faire de quartiers puisqu'il est désormais coupé du monde. Il veut également savoir qui a commandité le meurtre de Nelson et évidemment, ses soupçons se portent rapidement su le Caïd.
Mais à l'extérieur, un nouveau Daredevil mène aussi l'enquête, semant la confusion chez ceux qui croyait avoir piègé Murdock et ceux qui continuent de vouloir l'aider.
Lorsqu'à la faveur d'une mutinerie à Ryker's Island, Murdock parvient à s'échapper avec le Punisher - mais non sans s'être assuré d'avoir laissé sur place Fisk et Bullseye - , il rencontre d'abord celui qui se fait passer pour lui et poursuit ses investigations sur les responsables de sa déchéance...

Passer après Bendis qui avait, qui plus est, laissé son héros en très fâcheuse posture avait de quoi décourager plus d'un scénariste. Mais Ed Brubaker n'est pas n'importe qui et a su magistralement relever le défi : l'homme qui dirige déjà si brillamment Captain America nous entraîne dans un récit sous (très) haute tension, et commence à dérouler une intrigue qui n'en est qu'à sa moitié, une fois arrivée au terme de cet album.

La trame de cette histoire est excellente, construite avec une habilité redoutable et menée avec une intensité implacable. Sa première qualité est d'être très bien développée et exposée, la lisibilité est parfaite mais les rebondissements sont permanents et vont crescendo. L'ambiance est oppressante à souhait : ce (quasi) huis-clos dans un pénitencier rempli de criminels prêt à massacrer celui qui les a envoyés ici est d'une puissance fabuleuse.

Les quelques séquences en extérieur, avec ce second Daredevil qui s'affaire en ville, nous intriguent et permettent presque de décompresser. Pourtant, l'étreinte du drame en train de se jouer et ses mystérieuses arcanes nous captivent avec une force égale.

Avec une telle densité dans le propos et son traitement, on sort de là littéralement essoré, dans l'expectative la plus totale.

Le nombre de personnages célèbres et intéressants est subtilement géré, et Brubaker sait comme personne soigner les entrées en scène de protagonistes comme le Punisher, le Caïd ou encore Bullseye (dont l'arrivée tétanise toute la prison), tous connectés à Daredevil.

Visuellement, Michael Lark s'impose immédiatement, sans souffrir du passage marquant de Maleev. Son trait est fin, précis, avec des masses sombres imposantes, qui colle parfaitement aux codes de ce genre de récit. Ce mélange d'élégance, de sobriété et d'angoisse est impressionnant de maîtrise.

L'encrage de Stefano Gaudiano en est le parfait complèment et il suffit de voir, dans quelques galeries en ligne, des illustrations de Lark seul ou avec Gaudiano pour comprendre à quel point leur relation est quasi-symbiotique. Une telle complémentarité est aussi rare que troublante.

Enfin, il faut saluer la superbe colorisation de Frank D'Armata (également responsable de celle de Captain America), qui restitue idéalement l'atmosphère de l'histoire, dans des teintes chaudes, moites, et nocturnes. C'est magnifique.

La suite, très bientôt avec Le Diable en cavale !

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