dimanche 12 avril 2009

Critique 26 : LES ETERNELS, de Neil Gaiman et John Romita Jr


Les Eternels sont une branche de l'humanité, tout comme l'homo sapiens ou les Déviants, dans l'univers Marvel.
Ils ont été inventés par Jack Kirby en 1976 et rappellent à bien des égards les New Gods, créés pour DC Comics qu'il venait de quitter.
Comme les Déviants, les Eternels sont nés d'expériences menées sur les premiers hommes par les Célestes, il y a 1 million d'années : l'objectif était d'accéler l'évolution de l'espèce humaine en leur donnant la capacité de manipuler l'énergie cosmique mentalement.

C'est en 2008 que fut initiée cette nouvelle série, en 12 épisodes, confiée au romancier-scénariste Neil Gaiman et au dessinateur John Romita Jr.
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Les Eternels ont été dispersés sur Terre, à la suite d'un complot de Sprite, le plus jeune d'entre eux. Celui-ic désirait vieillir, et avait donc, grâce à ses puissants pouvoirs d'illusionniste, effacé les souvenirs des membres de sa race.
Ike Harris (alias Ikaris) recouvre la mémoire et cherche à "réveiller" ses semblables. Mais un groupe de Déviants kidnappa Marc Curry (alias Makkari) et s'en servent pour ranimer le Céleste Rêveur, enterré sous une montagne en Californie. Ceci fait, la créature cosmique décide de juger l'Humanité, sans que l'on sache combien de temps cela lui prendra...
Les Eternels rassemblés (Ikaris, Théna, Druig, Circé, Zuras et Makkari) vont tenter d'intervenir pour influencer le Céleste et sauver l'humanité, mais aussi affronter les Déviants.
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Le premier mérite de Neil Gaiman est de nous rendre accessibles ces personnages et leur mythologie, après des années d'oubli. L'énormité de leur puissance est rapidement acceptée par l'explication de leur passé, et on (re)découvre avec plaisir tout l'imaginaire baroque, grandiloquent, unique du "King" Kirby. Dans le contexte des séries Marvel actuel - l'intrigue prenant place après le crossover Civil War, comme c'est précisé avec la présence d'Iron Man et Pourpoint Jaune - , ce récit spectaculaire est franchement dépaysant et contraste agréablement avec l'ambiance sombre dont on a pris l'habitude.
Avec beaucoup d'efficacité, sans perdre de temps, mais sans nous égarer non plus, Gaiman présente les éléments-clés des Eternels tout en déroulant son histoire sur un rythme soutenu.
On apprend donc que les Eternels sont insensibles aux maladies et ne peuvent pas mourir de mort naturelle, qu'ils contrôlent leurs organismes, peuvent se régénérer, qu'ils sont extraordinairement forts, insensibles aux variations de température, infatiguables. Ils peuvent aussi voler, déplacer des objets par la force de la pensée, changer d'apparence par des illusions, ou refaçonner les objets, projeter des rayons d'énergie cosmique par les mains ou les yeux, se téléporter... Bref, leurs facultés sont impressionnantes et il n'est pas question ici de vraisemblance, de réalisme : on est en présence de héros bien différents des icônes de Marvel, comme Spider-Man, Captain America ou les X-Men.
Et vous savez quoi ? C'est un régal ! Enfin autre chose que des super-héros aux problèmes quotidiens interférant avec leur job de justicier : là, le sort du monde est en jeu, des forces considérables sont en action, et c'est très divertissant ! 
Pourtant, tout n'est pas parfait dans ces douze chapitres : on déplorera que Marvel ait imposé à Gaiman d'inscrire son histoire dans le contexte de Civil War, et l'on sent bien que le scénariste, malgré tout son brio, n'a pas été à l'aise avec cette contrainte. De même, on peut lui reprocher une fin un peu expéditive et ouverte - pour permettre une suite, qui a été écrite et dessinée par une autre équipe créative. Ce n'est pas tant la faute de Gaiman que celle d'un éditeur qui gâche parfois de belles entreprises avec son obsession d'exploiter un univers partagé... Dommage car les créatures de Kirby n'avaient pas besoin de ça pour justifier leur retour !
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On se consolera en admirant les planches fantastiques dont nous gratifie encore une fois John Romita Jr. C'est peu dire qu'il était l'artiste idéal pour réanimer Les Eternels puisque son trait anguleux, à l'énergie spectaculaire, en fait l'un des héritiers naturels de Kirby.
On ne peut que louer son sens du storytelling, dont la fluidité phénomènale semble capable de transcender tous les scripts, s'adapter à n'importe quel auteur. La manière dont il s'est approprié la vision de Gaiman a quelque chose de jouissive : il la respecte tout en lui insufflant sa démesure et son dynamisme. C'est vraiment exemplaire, et toujours épatant de voir qu'après toutes ses années d'exercise, JR Jr parvienne à conserver cette fraîcheur, cette vitalité ! Une vraie leçon pour tous ses confrères.
Hélas ! Ses efforts sont un peu gâchés par ses encreurs : certains, comme Tom Palmer ou Klaus Janson, sont tout à fait estimables, mais d'autres s'avèrent des choix moins heureux, comme Danny Mikki. C'est un peu désolant que l'éditeur n'ait pu trouver un seul encreur disponible pour seconder Romita Jr sur toute la série, comme à la grande époque où ce dernier bénéficiait des services d'Al Williamson (sur Daredevil : l'homme sans peur)...
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Mais ces réserves ne doivent pas vous décourager pour découvrir cette production élaborée par une équipe artistique aussi cosmiques que leurs héros !

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