lundi 19 février 2024

THE NICE GUYS : rebirth of the cool

 

Los Angeles; 1977. Le détective privé Holland March est engagé par Mme Glenn pour retrouver la fille de celle-ci, une actrice porno connue sous le nom de Misty Mountains. Le hic, c'est qu'elle est morte mais sa mère jure l'avoir revue ensuite. L'enquête de March le mène à Jackson Healy, qui le brutalise pour qu'il cesse de fouiner après qu'il ait importuné Amelia Kuttner. Mais la situation se renverse lorsque, à son tour, Healy est menacé par deux voyous qui veulent savoir où se cache Amelia.



Healy propose à March de s'allier pour tirer cette affaire au clair. Ils contactent Chet, un ami projectionniste de Amelia, et leur révèle qu'elle tournait un film, mêlant scènes poronographiques et journalisme d'investigation avec son copain Dean, dont la maison a brûlé et qui a trouvé la mort dans cet incendie. Healy et March s'incrustent ensuite dans une fête privée chez le producteur du film, Sid Shattuck que Holland trouve assassiné avant de repérer Amelia qui s'enfuit.


Prévenue, la mère d'Amelia, Judith Kuttner, membre du Département de la Justice, accable sa fille qu'elle dit influencée par des théories complotistes à propos des dossiers qu'elle traite. Healy a trouvé chez Shattuck une adresse d'hôtel où il se rend avec Holland mais une fusillade y éclate. Tandis qu'ils battent en retraite, ils tombent sur Amelia et l'emmènent chez Holland. Amelia explique alors ce qu'elle reproche à sa mère et voulait dénoncer dans le film de Dean et qui concerne une vaste affaire de corruption avec des constructeurs automobiles. Un tueur à gages est désormais aux trousses de la jeune femme et de ceux qui l'aident...


En Mai prochain sortira The Fall Guy de David Leitch. Pour les gens de ma génération, les aventures du cascadeur détective Colt Seavers sont plus connues sous le titre de L'Homme qui tombe à pic quand Lee Majors l'incarnait. Et c'est peu dire que j'attends ce film avec impatience, d'autant que Ryan Gosling tiendra le premier rôle.
 

Depuis le triomphe de Barbie dans lequel l'acteur, jusqu'alors associé à des personnages taciturnes, beaucoup de spectateurs semblent découvrir que Gosling peut jouer autre chose. Pourtant en 2016, dans The Nice Guys, il démontrait qu'il était impeccable dans le registre comique en incarnant Holland March, ce privé minable, aux côté de Russell Crowe, dans ce film signé Shane Black, le maître du buddy movie moderne (on lui doit les scripts de L'Arme Fatale mais aussi la mise en scène de Kiss Kiss Bang Bang).
 

La genèse de The Nice Guys a été mouvementée : Black avait écrit un premier jet sans convaincre un producteur d'investir de l'argent dans son développement. Il entreprend alors de le remanier pour en titrer le "pilote" d'une série télé, sans plus de succès. Avec son co-auteur, Anthony Bagarozi, il revoit une nouvelle fois sa copie et cette fois Joel Silver est motivé pour monter le film même s'il doute qu'une histoire dans les années 70 puisse intéresser un grand studio. C'est en fait l'accord de Ryan Gosling qui permettra à The Nice Guys de voir le jour.


Comme Kiss Kiss Bang Bang, l'intrigue est particulièrement filandreuse : il est d'abord question de retrouver une actrice prono, puis la bobine d'un film mêlant porno et investigation pour dénoncer un scandale de corruption. S'agit-il d'une embrouille paranoïaque de la part de la fille d'une membre du Département de la Justice ? Ou justement d'un vrai coup d'éclat tordu pour confondre des officiels et des industriels s'échangeant des pots-de-vin contre des services ? Le récit laisse longtemps planer le doute jusqu'à ce qu'on comprenne dans le dernier tiers qui sont les bons et les méchants.

Peut-être connaissez-vous cette anecdote au sujet du Grand Sommeil de Howard Hawks (1946) dont le scénario était si compliqué que même Raymond Chandler, son auteur, affirmait qu'il ne savait pas de quoi il parlait ? The Nice Guys en est le digne héritier moderne, c'est-à-dire que le film prend le parti de se moquer ouvertement de ce méli-mélo dans une lecture ironique du genre noir. Une forme de désenchantement accompagne le dénouement quand les héros admettent que tout ça est bien trop gros pour espérer avoir résolu quoi que ce soit. Le bénéfice est donc ailleurs : le détective privé et l'homme de main décident de faire contre mauvaise fortune bon coeur et ayant constaté leur complémentarité continuent leur partenariat.

Puisque l'histoire est touffue, on s'attache donc aux protagonistes, merveilleusement croqués par Black, maître-es losers magnifiques. Avant de se pencher sur March et Healy, il faut savourer la galerie de seconds rôles impeccables, qui font que c'est aussi ce qui permet à ce genre de film de fonctionner. Il y a la fille de March qui a le don (héréditaire) de de fourrer dans les pires situations, la fille et sa mère qui s'affrontent pour l'une faire éclater un scandale et l'autre l'étouffer, la secrétaire qui s'avère une liquidatrice particulièrement sexy mais manipulatrice, et le tueur dingue.

Les interprètes s'en donnent à coeur joie, conscients de tenir là des rôles en or : la jeune Angourie Rice est parfaite, Yaya DaCosta est divine, Kim Basinger épatante, Margaret Qualley comme d'habitude est fabuleuse, et Matt Bomer est complètement déchaîné.

Mais c'est bien le duo Ryan Gosling - Russell Crowe qui remporte tous les suffrages. Déjà dans Kiss Kiss Bang Bang, Shane Black avait créé un couple détonant en associant Robert Downey Jr. (avant Iron Man) et Val Kilmer. Gosling et Crowe forment un tandem encore plus efficace, moins exubérant, mais dont la sobriété souligne le je-m'en-foutisme de leurs rôles. Et en même temps on suit leurs investigations improbables avec une pointe d'admiration, à ces deux David contre Goliath : ils n'ont aucune chance, mais ils symbolisent le buddy movie dans sa forme la plus aboutie, deux hommes mal assortis mais en vérité complémentaires et éminemment sympathiques. On sait qu'ils ne vont pas gagner mais on ne cesse jamais de l'espérer.

Alors, oui, The Nice Guys représente une sorte d'excellence du cool. On aurait bien aimé les revoir, dans une suite, ou dans une mini-série façon True Detective en franchement plus déconnant.

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