lundi 26 février 2024

G.O.D.S. #5 (Jonathan Hickman / Valerio Schiti)


Dimitri a disparu. Mais Wyn sait où il est et il sollicite l'aide de mIa pour le récupérer. Saviez-vouq qu'il existe une curieuse clinique où les infirmières attirent des hommes pour leur faire subir un test terrifiant servant à décrypter une énigme ? Vous n'aurez pas envie d'y mettre les pieds...


Je vous ai dit, je veux dire : clairement dit, que G.O.D.S. est ma série préférée actuellement, tous éditeurs confondus. Et pourtant, il y a quelques années, vous évoquiez devant moi le nom de Jonathan Hickman et je faisais la grimace. Que s'est-il passé depuis ?


HoX / PoX évidemment. Mais pas que. Non, avec Decorum (sa série chez Image, dessinée par Mike Huddleston - pas le truc le plus facile à lire mais quand même une sacrée expérience), j'ai découvert que Hickman avait de l'humour, qu'il avait de l'auto-dérision, et qu'il aimait ses personnages. Ce qui n'avait rien d'évident puisque lui-même se présentait volontiers comme un world-builder, avec des intrigues planifiées sur des années, l'archétype du story-driven writer, un peu suffisant.


Et tout ça, je l'ai retrouvé dans G.O.D.S., qui est un comic-book sophistiqué, "Hickmanien" au possible, avec une intrigue touffue, des ramifications multiples, qui joue avec l'univers, le panthéon Marvel, en lui ajoutant des éléments de sa création. Mais qui, comme Decorum, affiche un amour pour ses héros, les caractérise merveilleusement, les fait interagir de manière ludique et maline, et qui finalement donne à lire le meilleur des deux mondes, comme si du comics indé avait infiltré Marvel. Et si ça vous rappelle quelque chose, ne cherchez pas trop loin : oui, c'est comme quand Matt Fraction et David Aja produisait Hawkeye.


Ce que j'aime aussi dans G.O.D.S., et que ce cinquième épisode illustre à merveille, c'est que Hickman ne dit que ce qui est nécessaire à la compréhension de chaque épisode et en même temps suffisamment pour avoir envie de creuser avec lui ce projet, ces personnages, cet univers. Bien entendu, on peut s'étonner de découvrir des organisations comme le Pouvoir-en-place et l'Ordre-naturel-des-choses, qui régissent les forces essentielles de l'univers Marvel, sans qu'on en ait entendu parler auparavant. Mais voyez la chose autrement et elle prend tout son sens.

Dans Decorum, j'y reviens, il était question d'assassins professionnels dans un contexte de space opera, et on distinguait l'élite de ces assassins par l'élégance avec laquelle ils exécutaient leurs contrats, le decorum donc. Personne ne savait où ils étaient formés, ni comment, malgré des forces supérieures censés tout savoir sur tout, mais ils étaient redoutés, respectés. Au fond, ce n'est pas le fait qu'ils soient connus ou pas qui importait, mais bien le fait que leurs actions pesaient quand leurs services étaient requis.

Hé bien, avec G.O.D.S., c'est pareil. Voyez le Pouvoir-en-place et l'Ordre-naturel-des-choses comme des officines, comme des agences d'espions. Personne ne sait où ils sont, ni quand ils frappent, ni depuis combien de temps ils existent, ni qui ils servent, mais justement leur efficacité passe par le secret de leur existence. tant qu'on ne sait rien sur eux, c'est qu'ils ont bien fait leur boulot. Pour la représentation, il y a des magiciens et des savants connus de tous : Dr. Strange, Dr. Fatalis, Amadeus Cho, Mr. Fantastic, Black Panther, etc. Mais ceux qui tirent vraiment les ficelles, veillent au grain, ce sont ceux du Pouvoir-en-place et de l'Ordre-naturel-des-choses, Wyn Aiko, Saint-Maur Cercle, Dimitri, Mia, et un panthéon d'entités surpuissantes (plus encore que Thor, Loki, les Eternels, etc).

Hickman a construit sa série jusque-là en évoquant New Gods de Jack Kirby : chaque organisation a en son sein un apprenti de la partie adverse - Wyn avec Dimitri, Aiko avec Mia. Comme une garantie de paix mais aussi comme un sujet d'études. Cet épisode va montrer ce qu'il en coûte à ces apprentis d'être ainsi adoptés par le camp opposé et le prix est accablant de cruauté.

Pour le reste, ça fonctionne comme un one-shot aux allures de braquage : il faut entrer dans une clinique, récupérer Dimitri, décrypter une énigme, mais aussi mettre en garde des cygnes noirs (tiens, tiens, voilà une appellation familière dans le "Hickman-verse"...). C'est drôle, palpitant, dialogué en orfèvre, du nectar des dieux. Bon sang, après ça, plus personne, surtout pas l'ancien moi qui détestait Hickman pour son côté pompeux, ne peut détester ce scénariste, si facétieux - comme transformé, comme s'il avait décidé de s'amuser et de nous amuser. Quoi de plus fun, de plus cool que d'être diverti par quelqu'un de si intelligent ?

En plus, G.O.D.S. est dessiné par celui qui est devenu mon artiste préféré, Valerio Schiti. Oh, bien sûr, il y a toujours Samnee dans mon coeur (mais il a gâché tant de temps sur Fire Power), Mora (ce bestiau incroyable), Smallwood, Fornes, Larraz, Immonen, Bachalo... Mais Schiti, bon dieu, quel talent ! Voilà un narrateur graphique, qui comprend ce qu'un script veut dire, qui sait qu'il faut le servir avec humilité mais aussi l'augmenter, le "plusser".

L'épisode s'ouvre par une séquence complètement déroutante avec l'entretien que passe un inconnu, entrecoupé par le récit d'une fable (dont on saisit le sens à la fin). Puis on retrouve Wyn, Mia, on retombe sur nos pattes et la suite est jubilatoire parce que visuellement d'une intelligence et d'une puissance remarquable. C'est formidablement grisant de lire des planches comme celles de Schiti parce que cet artiste n'a pas peur, ni d'Hickman, ni de l'ambition de la série, ni de l'investissement qu'elle exige. Il y va à fond.

Son dessin a considérablement gagné en densité, en texture - comparez ces pages actuelles avec celles de ses Gardiens de la Galaxie. Du coup, il se permet des effets, de découpage, de composition, de lumière et d'ombre. Chaque scène est interprétée graphiquement au maximum de ce qu'elle dit, chaque effet est dosé, pesé. C'est vraiment bon. C'est pas seulement bon, c'est très bon. En fait c'est la différence avec Mora : Mora est puissant, il est énergique, tout en force, c'est étincelant. Mais Schiti est énergique et subtil. Il varie ses coups, ses effets, bien plus que Mora, et du coup, comme en plus il dessine sur du Hickman, c'est comme écouter un virtuose non pas simplement jouer la partition, mais la faire vibrer.

Bon, y a aussi Marte Gracia aux couleurs, ça ne gâche rien. Tout est si parfaitement fait dans G.O.D.S. qu'on se demanderait presque si le titre désigne des dieux ou l'équipe artistique.

La série va se terminer bientôt, au n°8. Mais je ne crois pas que ce sera la fin. Je pense plutôt à une pause, un break, pour laisser souffler Schiti. Hickman veut le garder pour tous les épisodes et comme Marvel passe tout à Hickman, il a obtenu que la série s'interrompe quelques mois (même si on ne sait rien de la date de son retour). Et ça aussi, c'est un peu de l'esprit indé dans un comic-book Marvel, qui publie des mensuels coûte que coûte - sauf avec Hickman, qui a convaincu que c'était mieux avec Schiti et quelques mois sans épisodes qu'avec un fill-in sans arrêt. Je peux lme tromper, remarquez, ce sera peut-être la fin, mais si je n'y crois pas, c'est parce que, comme avec Decorum, Hickman a lancé un truc si riche, si plein de potentiel, avec des nouveaux personnages si denses, que ça m'étonnerait beaucoup qu'il ait tout dit en huit épisodes.

Ah, au fait, le recueil de ces huit épisodes sera dispo en vo le 24 Août prochain. Marquez ça sur vos achats à venir. Ou attendez la vf en Automne puisque Panini traduira ça à ce moment (même si je ne sais pas sous quelle forme, n'achetant plus rien en vf chez eux). Parce que G.O.D.S., bon sang, c'est un gros kif, vous allez adorer !

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