samedi 28 octobre 2023

THE IMMORTAL THOR #3, de Al Ewing et Martin Coccolo


Après deux premiers épisodes très mouvementés, Al Ewing casse le rythme de The Immortal Thor pour un chapitre plus posé, plus introspectif. On est d'abord dérouté puis séduit car ce n'est pas gratuit ni frustrant. De son côté Martin Coccolo a encore de quoi faire valoir son talent et prouver qu'il est parfaitement à sa place sur ce titre.


Thor se réveille, régénéré, après sa bataille épique contre Toranos. Loki lui apparaît et lui soumet une charade. Le dieu du tonnerre n'est pas d'humeur joueuse mais il est coincé sur une planète dont il ignore la position et se plie donc à l'exercice. Qui va le conduire à raisonner pour la suite à donner au défi qui l'attend...


Comme il s'était employé dans Loki : Agent of Asgard à nuancer le portrait du dieu de la malice pour révéler un personnage plus complexe que le demi-frère éternellement envieux de Thor, Al Ewing semble bien parti pour opérer de la même façon pour le dieu du tonnerre.


Souvent défini par sa grande puissance et son gabarit impressionnant autant que par son caractère impétueux, Thor fait un peu figure de héros aux gros bras, armé de son marteau, face à Loki qui, lui, compense par la ruse son manque de physique. Il est alors tentant de penser que Thor n'est pas le couteau le plus aiguisé du tiroir.


Comment, dans ce cas, faire de Thor un personnage moins bête qu'il n'y paraît ? On peut rétorquer qu'un être aussi noble ne peut pas être un abruti, mais c'est un peu court. Alors Al Ewing décide de pousser à fond les caractères de Thor et de Loki pour montrer qu'ils ne sont pas tant opposés que complémentaires. Et si, en somme, Loki pouvait permettre à Thor de réfléchir avant de foncer tête baissée dans l'action ?

C'est précisément le message de cet épisode où le scénariste montre Thor vaincu par les efforts qu'il a déployés contre Toranos et contraint de se reposer. Lorsqu'il revient à lui, Loki l'a envoyé quelque part, il ne sait pas où, mais c'est un endroit qu'il ne connaît pas. Et ignorant donc s'il peut regagner la Terre ou Asgard à temps, après s'être énervé, Thor se résigne à y rester.

Car pour en partir, il doit répondre à une énigme posée par Loki. L'athlétique dieu du tonnerre ne peut résoudre ce problème par la force. Il accepte donc la défaite puis cogite. Les scène se suivent comme autant d'étapes vers la solution à partir d'indices subtils (un casque transformé en une lame de hache, un bâton taillé d'une manière minutieuse...). Le côté manuel est mis en pratique mais pour un exercice intellectuel.

Régulièrement Loki refait surface pour narguer Thor et on repense alors à la série de questions qu'il lui avait adressé dans l'épisode précédent (sur le fait de lui faire confiance comme frère, comme allié, comme ennemi). Thor est sur le gril et apprend aussi à résister à la tentation de régler avec ses poings et son marteau.

Quant enfin il trouve le réponse, logiquement, il revient là où il était avant de sombrer dans le sommeil, mais enrichi. Il sait désormais que la puissance ne suffira pas à vaincre Toranos. Il lui faudra être rusé (comme Loki) et entouré. Et le premier allié auquel il pense renvoie directement à une autre série actuellement écrite par Al Ewing (pas difficile à deviner...). Et, plus profondément, au lien qui attache Thor, Asgard, à cet allié... Mëme si la présence de Loki risque de rendre la tâche difficile.

Ewing est tout de même très fort. Peu de scénaristes comme lui ont ce talent et cette audace de lier tous les éléments d'une intrigue de façon aussi logique et fine et aussi de le faire aussi vite, en osant frustrer le lecteur qui veut surtout voir Thor en action, dans des scènes spectaculaires. Cette manière de faire évoque évidemment ce qu'il a accompli par ailleurs et suggère qu'il a un plan sur le long terme, mais on s'y engage en confiance car c'est maîtrisé. D'une certaine manière, Ewing comme Loki teste le lecteur et le pousse à franchir un obstacle pour une récompense de lecture.

Et comme en plus, une nouvelle fois, Ewing bénéficie d'un artiste à la mesure de son projet, il ne faut pas hésiter à plonger. Martin Coccolo rappelle bien entendu Coipel mais sait aussi de distinguer de l'ombre du français avec cet épisode plus méditatif. Les couleurs nuancées de Matt Wilson accompagnent magnifiquement ces ambiances.

Il nous régale avec des scènes dans un décor unique dont il tire merveilleusement parti en variant au maximum les angles de vue, les valeurs de plans. On a droit à des doubles pages denses mais composées de superbe façon, et pas une fois on ne trouve le temps long alors qu'on passe la majeure partie de l'épisode avec Thor seul sur une planète inhabitée. Un joli tour de force.

C'est peu dire que je suis enthousiaste : je suis conquis. Alors que des séries décompressent leur narration et semble en garder sous le pied, The Immortal Thor se projette et nous embarque grâce à un script remarquable et des illustrations superbes.

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