mercredi 4 octobre 2023

SHAZAM ! #4, de Mark Waid et Dan Mora


Shazam ! est une série qui a du mal à me convaincre jusque-là. Comme si Mark Waid n'arrivait pas à trouver le bon ton pour raconter les aventures de son héros, forçant le trait (et sa nature) pour s'adresser au côté le plus enfantin du titre. Dan Mora lui-même me semble éprouver des difficultés à embrasser la fantaisie requise. Sauf que ce quatrième épisode est bien plus abouti, même si encore imparfait.


Le Captain se rend compte que les gorilles lui ont menti au sujet des projets de Garguax l'empereur de la Lune qui n'a pas l'intention de lâcher un missile sur leur ville mais de construire un vaisseau pour Zazzala/Queen Bee. Celle-ci excite à présent Zeus... Salomon décide donc d'alerter Freedy Freeman et la "Shazamily"...


Mark Waid s'est lancé dans une entreprise casse-gueule en relançant Shazam !. Le héros a toujours eu du mal à s'intégrer au reste de ses semblables chez DC où on le considérait surtout comme un rival de Superman. 


D'ailleurs Mark Waid l'a employé de la sorte dans Kingdom Come ! Sans être un spécialiste du personnage, les rares fois où j'ai apprécié la vision d'un auteur sur Shazam !, ce fut quand Jerry Ordway s'en empara ou alors Grant Morrison avec Cameron Stewart (dans un chapitre de The Multiversity).


Le souci de Waid, c'est éprouve toutes difficultés du monde à trouver le ton juste pour animer sa série. Il a visiblement envie de s'adresser à un public jeune sans négliger les fans plus âgés, mais d'un côté son scénario manque de cette légèreté, de cette insouciance tout en refusant d'être trop violent, trop sérieux. C'est littéralement ce qui s'appelle avoir le cul entre deux chaises.

Cette valse-hésitation se traduit aussi au niveau graphique puisque la condition émise par Waid pour écrire cette série était que ce soit Dan Mora qui la dessine. Waid aime travailler avec un artiste sur lequel il puisse s'appuyer, qui soit régulier. Ses meilleurs runs en témoignent (Captain America avec Ron Garney, Fantastic Four avec Mike Wieringo, Daredevil avec Chris Samnee). Mais Mora dessine déjà World's Finest et, malgré son énorme talent, il n'a pas la souplesse d'un Stuart Immonen, capable d'adapter son style aux comics qu'on lui confie. Sans doute ai-je ce sentiment parce que je garde en mémoire le formidable boulot accompli par Cameron Stewart sur The Multiversity qui avait trouvé l'équilibre parfait sur le script de Morrison pour le personnage (aussi bien quand il s'agissait de Billy que du Captain). Mais je persiste à penser qu'un artiste avec un trait plus en courbes, en rondeur conviendrait mieux à Shazam !.

Mora affiche une remarquable constance pour quelqu'un qui tombe 40 pages par mois, mais je crois qu'on ne peut pas être également bon sur deux titres aussi différents que World's Finest et Shazam ! qui s'inscrivent dans deux tonalités distinctes et s'adressent à deux lectorats différents. Quand on voit les variant covers de Chris Samnee, on se dit que lui (ou Cameron Stewart - mais c'est impossible désormais car il est blacklisté depuis que son attitude déplacée avec de jeunes femmes a été révélée) aurait été le dessinateur idéal.

En fait, c'est là le coeur du problème : Billy Batson est un gamin et le Captain, malgré son aspect adulte, en est un aussi. Dès lors, on ne peut pas l'écrire et le dessiner comme deux entités distinctes. Il faut lui conserver une forme de naïveté, de candeur et que cela se traduise à l'image par une représentation qui ne soit pas trop classiquement super héroïque. Quand vous perdez de vue cet aspect essentiel, vous produisez un personnage abâtardi qui n'est plus le Captain mais juste un gamin qui se transforme en super-héros. Et disons que depuis trois épisodes, c'est cet équilibre que la série a des difficultés à trouver parce que d'un côté l'intrigue met en scène Billy/le Captain avec cette définition précise et de l'autre des dieux adultes qui le manipulent avec des émotions d'adultes, aboutissant à des situations bizarres, troublantes (comme ici quand Zeus influence le Captain pour qu'il fasse du charme à Zazzala : ce n'est pas Zeus qui veut embrasser Zazzala, c'est le Captain qui va le faire pour lui et donc Billy, un gamin. Résultat : Zazzala se trouve dans la position où elle tombe dans les bras d'un môme, ce qui, même si elle l'ignore, a de quoi perturber.).

Sachant que ce premier arc s'achèvera au n°6, on a donc encore deux épisodes pour savoir comment Waid et Mora vont redresser la barre et ou stagner. Je serai contrarié de devoir laisser tomber Shazam ! qui reste une série très plaisante et visuellement épatante, même si cette intrigue est laborieuse. Tout n'est pas perdu : on a affaire à deux professionnels pour ça et DC le sait. J'ai foi en Waid, quant à Mora je ne bouderai pas non plus s'il doit rester l'artiste du titre bien entendu.

Ce qui semble certain et assumé, c'est qu'au terme de cet arc, le statu quo va changer (je parie sur un retour de Mary Marvel et Freddy Freeman dans leurs rôles de co-équipiers du Captain et j'espère que les autres membres de la Shazamily - Darla, Eugene et Pedro - restent sans pouvoirs, sans doute grâce à une influence amoindrie des dieux). Et comme dans le prochain arc Black Adam sera lui aussi de retour, ce sera peut-être plus classique mais plus simple, plus naturel. Fingers crossed !

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