samedi 30 septembre 2023

THE IMMORTAL THOR #2, de Al Ewing et Martin Coccolo


Al Ewing et Martin Coccolo ont débuté leur run en beauté le mois dernier et The Immortal Thor ne déçoit pas sur ce deuxième épisode. La direction prise est épique et ambitieuse, conforme à la note d'intention du scénariste qui ne voit pas le dieu du tonnerre comme un super héros comme les autres.


Face à Toranos, le Thor d'Utgard, Thor est dépassé en puissance. Il doit au moins pour un temps l'éloigner pour réfléchir à la suite et donc faire preuve de malice. Ayant puisé dans l'OdinForce, il se retire sur la lune pour reprendre des forces mais Loki surgit et lui impose un nouveau test...


Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas pris autant de plaisir à lire Thor. Bien entendu, chacun appréciera la version de Al Ewing différemment , mais il faut reconnaître que le scénariste ne donne pas l'impression d'avoir accepté d'écrire le titre juste pour l'ajouter à son tableau de chasse (qui commence à être bien garni).
 

Je ne veux pas dire qu'avant lui Donny Cates a traité le personnage par-dessus la jambe, mais je n'avais tout simplement pas accroché à son run, et comme il n'est pas allé jusqu'au bout (bien malgré lui, puisqu'il a été victime d'un grave accident qui l'a tenu/ le tient toujours éloigné des comics), il y a un sentiment d'inachevé, presque de superficiel.


Avec Al Ewing, le propos est clair : il s'agir de revenir à la source, c'est-à-dire à Jack Kirby. Je n'écarte pas facilement Stan Lee de l'équation car je ne pense pas, comme beaucoup aujourd'hui, que le scénariste n'a fait que s'accaparer les mérites de ses collaborateurs. Néanmoins, Thor était le personnage favori de Kirby, sa passion pour la mythologie l'a alimenté, ce n'est pas une créature de Lee qui préférait les héros urbains et/ou issus de la science (même si elle était utilisée de manière fantaisiste).

Cette influence Kirby passe d'abord par l'esthétique et il est assez rigolo de lire dans la postface de cet épisode les commentaires d'Alex Ross, le cover-artist de la série, qui a été aussi sollicité comme character's designer. Je dis "rigolo" parce que quand Ross prétend avoir contribué au design de Thor, c'est grotesque : le costume est rigoureusement identique à l'original de Kirby, Ross n'a fait qu'imaginer ce qu'il appelle le "Thor incandescent" (c'est-à-dire quand Thor invoque l'OdinForce) et l'effet n'est rien d'autre qu'une reprise du pop-art appliqué au costume dans ce moment-là. En revanche, pour Toranos et l'Utgard-Loki, là, Ross a signé un vrai boulot (même si ce n'est pas son plus inventif).

Martin Coccolo évoque, lui, irrésistiblement Olivier Coipel dans sa manière de représenter Thor. Même si le français a finalement dessiné peu d'épisodes (une dizaine durant le run de J.M. Straczynski et cinq et demi avec Matt Fraction, plus l'event Siege et la mini Unworthy Thor - où il a été amplement suppléé par Pascal Alixe et Kim Jacinto), il a tout de même durablement marqué le personnage en lui donnant une allure, une carrure différente de ce que ses prédécesseurs avaient fait.

Coccolo conserve de Coipel le côté massif de Thor et une musculature moins sculpturale que les super héros traditionnels, qui ont souvent l'air de sortir d'une salle de sport. Alors qu'on pourrait penser que le retour du costume original (avec le casque ailé, le design simplifié) serait incongru, Coccolo prouve qu'au contraire c'est l'habit le plus élégant, le plus majestueux, le plus intemporel qui soit.

Par ailleurs, le script de cet épisode, qui se concentre surtout sur de l'action très spectaculaire, permet à Coccolo de montrer ce qu'il a dans le ventre. L'affrontement entre Thor et Toranos est vraiment grandiose, avec des éclairs monstrueux, l'ouverture de la porte du néant, l'arrivée sur la zone grise de la Lune, la transformation finale de Loki. Les doubles planches sont bluffantes, le lecteur en a pour son argent. J'aime aussi beaucoup la manière dont Coccolo dessine Loki, plus androgyne que jamais, plus jeune aussi, ce qui lui donne un côté innocent dont on se méfie naturellement.

Côté scénario donc, Ewing nous gratifie d'une baston en tout point colossale. La puissance affichée par Toranos montre bien au lecteur le niveau de dangerosité qu'il représente et si Thor, Asgard relèvent déjà d'un plan supérieur à l'humanité, alors une créature comme Toranos (et ses semblables) ont quelque chose de prodigieusement inquiétant pour la suite.

Le scénariste insiste beaucoup, dans son narratif en off ou dans les dialogues, sur la notion de test et c'est malin car opposer Thor à des adversaires puissants ne suffit pas/plus. Il faut que le lecteur ait conscience que pour un dieu, la difficulté se joue à un autre niveau et donc que c'est son statut divin qui est en jeu. Par exemple, les efforts consentis par Thor pour ne serait-ce qu'éloigner provisoirement Toranos aboutissent à une conséquence concrète : en puisant dans l'OdinForce, Thor sait qu'il s'expose au grand sommeil nécessaire pour se ressourcer. Il est donc épuisé et va défaillir. Or, c'est à ce moment précis que Loki l'éprouve en lui demandant sa confiance, y compris en tant qu'ennemi.

Ce dernier passage ouvre la voie sur le prochain épisode et achève d'accrocher (ou de perdre) le lecteur. Pour ma part, je suis totalement pris par cette histoire qui, aussi bien visuellement que narrativement, me ravit.

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