samedi 9 septembre 2023

La tuante dernière saison de KILLING EVE


Killing Eve s'est achevée l'an dernier, en 2022 après quatre saisons. Et ce qu'on pouvait craindre se confirme, hélas ! : c'était la saison de trop. Huit épisodes laborieux, pénibles, avec une fin indigne, mais quelques coups d'éclat quand même. Même si insuffisants pour ambitionner d'égaler les 24 premiers épisodes. Dommage.


Villanelle et Eve Polastri ont finalement pris deux directions différentes. Villanelle est entrée dans les ordres avec l'espoir de se laver de ses nombreux péchés, elle vit chez le vicaire Phil et sa fille May, qui est éprise d'elle. Eve, elle, travaille pour une société de protection privée mais continue d'investiguer sur les Douze, avec l'aide de son partenaire Yusuf. Elle remonte la piste de Konstantin Vasiliev, remercié par l'organisation qui l'a placé à la mairie d'une bourgade en Russie et elle lui arrache l'adresse de Hélène. Carolyn Martens a quitté le MI 6 mais se tient informée au sujet des Douze elle aussi et découvre que ses cadres sont éliminés dans des conditions barbares les uns après les autres. Mais sur ordre de qui ?


Sujette à des hallucinations mystiques, Villanelle accompagne le vicaire et sa fille pour une retraite dans un camping. Mau lui confie que son père a tué sa mère dans un accident de la route alors qu'il conduisait en état d'ivresse. Villanelle le révèle aux fidèles mais personne ne la croit. Elle tue alors le vicaire et sa fille la nuit venue en espérant ne plus avoir d'hallucinations. Eve trouve Hélène à Paris comme le lui a indiquée Konstantin et la confronte. Hélène prétend que Carolyn est la chef des Douze et qu'elle commande leurs assassinats pour purger l'organisation.
 

Villanelle regagne Londres où elle cherche Eve, sans succès. Elle s'adresse alors au psychiatre qui aidait le MI6 pour traquer les tueuses comme elle et lui demande de la recevoir pour une séance thérapeutique. Hélène s'absente pour rejoindre Konstantin en Russie pour qu'il forme une nouvelle tueuse, Pam. Eve découvre que Carolyn ciblerait un certain Lars Meier dont elle trouve une vieille photo  quand il dirigeait un petit groupe anarchiste à la fin des années 60. Puis prévenue de la position de Villanelle, elle la fait arrêter et jeter en prison.
  

Hélène, de retour de Russie, fait libérer Villanelle après que celle-ci l'a appelée. Elle l'envoie à Cuba où se trouverait un proche de Lars Meier, susceptible de lui dire où ce dernier se cache. Sur place, elle découvre que Carolyn cherche le même homme et les deux femmes décident de s'allier, mues par l'objectif commun de démanteler les Douze. A Paris, Eve revoit Hélène et évoque Meier, comprenant qu'elles le cherchent toutes les deux mais que seule la première qui le trouvera aura le privilège de l'interroger - ou de l'éliminer.


1979 : Carolyn et Konstantin infiltrent le groupe anarchiste des Douze dirigé par Lars Meier et ont une liaison. Lorsque Meier découvrent qui ils sont réellement et qu'ils collaborent, il tente de s'en débarrasser mais c'est lui qui finit sous les coups des amants en se noyant. Aujourd'hui : Villanelle et Carolyn débusquent Meier à Cuba mais il leur échappe. Eve revient vers Konstantin pour en savoir plus au sujet de Meier et apprend tout sur ce qui s'est passé en 1979 en révélant que Meier a survécu. Hélène ordonne à Gunn, une tueuse, d'éliminer Villanelle alors qu'elle rejoint Konstantin.
 

Villanelle survit grâce à l'intervention de Pam, qui travaillait auparavant dans une morgue. Konstantin lui donne le nom de la tueuse qui a certainement obéi à l'ordre de Hélène. Celle-ci gagne Berlin où Yusuf a localisé Hélène qui s'attend à parler avec Meier mais fait face à Carolyn qui a, entre temps, trouvé Meier et négocie en son nom. Villanelle tue Hélène avant de partir en Ecosse rencontrer sa consoeur qui a failli l'abattre. Eve retrouve Carolyn grâce au taxi qui l'a reconduite chez Meier et elle abat ce dernier. Carolyn, d'abord accablée, trouve sur le cadavre un carnet rempli d'infos sur les Douze.


Villanelle fait la connaissance de Gunn qui l'invite à rester avec elle sur l'île que lui a achetée Hélène. Celle-ci avant d'être tuée a transmis un ordre de mission à Pam qui exécute Konstantin. Celui-ci lui apprend que Hélène est morte et lui confie un message à remettre à Carolyn.. Eve rejoint l'île de Gunn qui la poursuit. Mais Eve se défend férocement et la mutile en lui crevant les yeux. Epatée, Villanelle la rejoint et ensemble elles quittent l'île en convenant de tuer ce qui reste des Douze une fois pour toutes.


Eve et Villanelle redescendent à Londres en se fiant à un message reçu sur le téléphone de Hélène pour une réunion au sommet des Douze. Carolyn, suivant les infos du carnet de Meier, et Pam arrivent également à la capitale et se rencontrent : la première offre à la seconde de travailler pour elle désormais. Eve et Villanelle montent à bord d'un paquebot où doit se dérouler la réunion des Douze et les éliminent. Carolyn ordonne alors qu'on les abatte mais Eve survit.

Et ainsi s'achève Killing Eve. Un dénouement vraiment pas à la hauteur de cette série formidable durant 24 épisodes. J'avais écrit dans ma précédente critique sur la saison 3 qu'il me semblait difficile de faire mieux et que la dernière scène me paraissait boucler la boucle idéalement, en laissant au téléspectateur une liberté pour interpréter la dernier regard échangé entre Eve et Villanelle. Mais plutôt que cette fin ouverte et ambiguë, les auteurs ont préféré (presque) tout gâcher avec huit nouveaux chapitres brouillons.

La saison 3 n'était déjà pas aussi aboutie mais elle tenait quand même grâce à un fil rouge narratif (qui avait ordonné l'assassinat de Kenny Martens ?). Là-dessus se greffait une crise existentielle de Villanelle, consciente que son activité ne la satisfaisait plus et lui avait coûtée trop cher (ayant tué sa mère et perdu Eve).

Mais cette saison 4 est tellement décousue et laborieuse qu'on a du mal à saisir ce que les auteurs ont voulu raconter. La ligne de mire désigne la fin des Douze et on joue beaucoup sur l'hypothèse que Carolyn Martens en ferait partie, voire qu'elle en serait le leader - même si cela est capillotractée et fortement improbable vu que c'est suggéré par Hélène, elle-même membre des Douze (dont on a du mal à croire qu'elle dénoncerait son propre chef).

Surtout Killing Eve s'égare. Le personnage d'apprentie tueuse de Pam est introduit très péniblement et s'avère surtout un moyen pour se débarrasser, maladroitement, d'un personnage dont la mort est inutile. Entre l'envie de développer jusqu'au bout la ligne narrative de chacun des protagonistes et le désir de leur donner une fin, la série s'étire et nous lasse.

La première partie de la saison est à cet égard d'une rare lourdeur. Le délire religieux de Villanelle ressemble à une tentative pathétique d'attribuer au personnage un énième déguisement et quand elle se met à halluciner en voyant un Jésus travesti qui la manipule comme le diable, on est franchement gêné pour Jodie Comer qui se donne du mal pour interpréter dignement une partition composée par des auteurs qui abîment son rôle dans une farce indigeste.

Killing Eve, comme je le disais déjà pour la saison 3, n'a jamais été meilleure que lorsqu'elle se concentrait sur Eve et Villanelle. En accordant plus de place à Carolyn, Konstantin, Hélène et maintenant Pam, c'est autant de grosses ficelles qu'emploient les scénaristes pour tenter de nous convaincre que l'histoire reste intéressante même quand les deux héroïnes sont séparées et fâchées. Sauf que leurs interprètes semblent davantage empêchées et ma à l'aise avec ce qu'on leur donne à jouer que véritablement brouillées comme celles qu'elles incarnent.

Et puis la vraie grosse mauvaise idée est de jeter le trouble sur Carolyn en voulant la faire passer pour la chef des Douze. A ce stade, c'est même absurde car dans l'épisode 5, on a droit à un flashback conséquent sur les origines de cette organisation et qui prouve surtout que Carolyn n'aurait jamais pu devenir cette chef. Jusqu'au bout, pourtant, jusqu'à la dernière scène, ce doute sera alimenté et le geste final de Carolyn tend à prouver que, pour les auteurs, c'est entendu : elle a roulé tout le monde dans la farine. Sauf que pour la grande méchante qu'on nous affirme qu'elle est, elle ne fait pas correctement son job puisqu'elle ne s'assure même pas que Eve a été tuée en même temps que Villanelle.

Non, honnêtement, il n'y a pas grand-chose à sauver dans cette ultime saison. Tout est asséné, souligné, et cette insistance devient pénible et même malsaine. Par exemple, quand Villanelle trouve un temps refuge auprès de Gunn. Bon déjà, il faut accepter le fait que Villanelle trouve refuge chez celle qui a failli la tuer (ce n'est franchement pas dans sa nature). Ensuite, évidemment, pour faire bonne mesure, elles couchent ensemble (alors que si l'homosexualité de Villanelle ne faisait certes aucun doute, il n'était que rarement aussi franchement montrée, mais sans doute fallait-il mettre les points sur les "i" pour ceux qui n'auraient pas encore compris). Et enfin on voit Gunn tuer gratuitement un pauvre pêcheur mais encore le ramener jusque chez elle et le dépecer ! (Avant cela, cette saison sera complaisamment commis dans la facilité en montrant Villanelle torturer et assassiner de manière toujours plus invraisemblable : il ne suffit plus qu'elle soit excentrique, il faut en faire une vraie folle furieuse pour justifier sa mort à la fin.)

Eve n'est guère mieux lotie. Peut-être parce qu'ils ont pensé qu'elle était trop sur la réserve jusque-là, dans cette saison 4, la voici devenue froide, dure, et oubliant Niko dans les bras de son collègue Yusuf, sur lequel elle saute à la moindre occasion. Puis elle embrassera à pleine bouche Hélène dans un élan bravache avant de se retenir de hurler quand Villanelle la tuera... Bon sang, ceux qui ont écrit ces épisodes ont-ils seulement vu les précédents tant ils ne semblent avoir rien compris à la psychologie des personnages, à leurs relations, à leur évolution ? C'est tout bonnement insensé. Où est passé la malice, l'humour, le trouble, l'imprévisibilité de la série dans ce ramassis de scènes grotesques, excessives ?

Ce qui faisait le brio des deux premières saisons tenait pour beaucoup au fait que les showrunners imprimaient une direction claire et cohérente ? Mais Phoebe Waller-Bridge et Emmerald Fennell parties, tout s'est délité. Et là, on assiste à un festival WTF complet. Quel gâchis !

Jodie Comer et Sandra Oh font tout ce qu'elles peuvent mais elles sont entrainées par le fond par un scénario désolant. Fiona Shaw surnage un peu plus mais son personnage devient inique. Kim Bodnia semble souvent se demander ce qu'il fait là et force son rire pour ne pas pleurer certainement. Camille Cottin sombre elle aussi totalement car face à Fiona Shaw, elle est dépassée en classe et en autorité (impossible de croire que Hélène puisse impressionner l'ex-agent du MI6). 

C'est rageant et triste d'assister à une telle déconvenue. Si vous découvrez Killing Eve, par pitié, arrêtez-vous à la fin de la saison 3 - ou si vous persistez, n'oubliez pas que ce show fut remarquable pendant ses 24 premiers épisodes.

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