mercredi 13 septembre 2023

GREEN LANTERN #3, de Jeremy Adams et Xermanico


C'est le retour de Green Lantern après Terror Knights. Jeremy Adams reprend les rênes de sa série (qu'il avait confié en Juillet-Août à Alex Segura) mais on n'est pas dépaysé : le rythme est toujours nonchalant, même si le scénariste avance ses pions. Xermanico est également là et produit de superbes planches, soutenu par les couleurs de Romulo Fajardo.
 

Il y a un mois. Hal Jordan découvre les nouvelles fonctionnalités de l'anneau qu'il a généré durant son combat contre le Manhunter. Aujourd'hui, Sinestro rassemble un gang avec lequel il pénètre dans les installations de la compagnie de Carol Ferris. Celle-ci montre les images captées par la vidéo-surveillance à Hal...


J'ai dernièrement formulé, à plusieurs reprises, une certaine lassitude face à la narration décompressée exercée par des auteurs sur leurs séries, suggérant que cela révélait souvent un manque d'imagination, une volonté de gagner du temps par manque d'idées.


Bien sûr, ce n'est qu'une hypothèse, mais c'est l'impression que j'en retire en lisant certains comics : celles que des scénaristes frustrent sciemment leurs fans en alignant des épisodes où il ne se passe objectivement pas grand-chose, afin de compléter des arcs en 5-6 épisodes, de quoi composer un recueil.


J'écris ceci sans méchanceté. Ayant longtemps défendu des auteurs comme Bendis, Ellis, Millar et autres, adeptes de cette narration décompressée, j'aurai du mal aujourd'hui à accuser ceux qui les imitent de mal faire leur boulot.

Mais je pense néanmoins qu'il y a là matière à réflexion. Chaque époque génère une manière d'écrire et chaque scénariste charrie son lot de tics d'écriture. On y adhère ou pas, c'est selon. En revanche, si aucun auteur ne devrait avoir à écrire en pensant au lecteur, en voulant le séduire à tout prix, à s'adaptant à lui, il existe un moment charnière où entre la façon d'écrire et celle de lire divorcent.

Ainsi, pour mon cas, j'ai grandi en lisant Claremont, Miller, Moore. Des auteurs qui avaient le goût des textes fournis. Aujourd'hui, ceux qui n'ont pas grandi avec ces auteurs-là peuvent éprouver des difficultés à les apprécier en les trouvant bavards, trop explicatifs ou complexes. Les lecteurs contemporains exigeront par exemple plus d'immédiateté, plus de rythme. La narration a évolué et la lecture aussi.

Non, ce qui me pose davantage de problème, c'est quand le contenu d'un épisode me donne l'impression qu'entre le début et la fin de celui-ci, l'intrigue n'a pas beaucoup (suffisamment) bougé, avancé. Comme si l'auteur en gardait sous le pied.

Ainsi, en trois épisodes de Green Lantern, on peut, je crois, légitimement dire que Jeremy Adams avance à pas comptés. Il ne se passe vraiment pas grand-chose dans Green Lantern. Le background de la situation du héros n'est pas davantage expliqué. Ce qu'on sait tient à peu de choses : Hal Jordan (et Kilowog et Sinestro) sont coincés sur Terre, suite à des sanctions des Planètes Unies. Mais pourquoi ? C'est très flou.

Sinestro, dans ce troisième épisode, se décide (enfin) à bouger et rassemble une sorte de gang avec lequel il mène une attaque dans les locaux de la compagnie Ferris. Des gardes sont tués, d'autres blessés, mais rien n'a été volé. Comme le déduit simplement Carrol quand elle montre les images de la vidéo-surveillance à Hal Jordan, c'est exactement comme si Sinestro voulait signaler qu'il était là, qu'il avait fait ça - donc qu'il s'agit d'un piège, vraiment pas subtil. Mais à quelle fin ?

Et puis ? C'est tout. On a droit à de superbes planches dessinées par Xermanico, qui est vraiment excellent, qui découpe des scènes spectaculaires avec une maîtrise parfaite - et on croise les doigts pour qu'il enchaîne le plus d'épisodes possible parce que, quand il aura besoin de souffler, il y a un gros risque que la série ait un fill-in artist de moindre qualité, et là, ça va piquer.

Comme, en prime, Xermanico profite des couleurs de Romulo Fajardo, le lecteur en prend plein la vue. C'est très beau, très élégant, et le dessinateur peut apprécier que son collaborateur respecte son trait tout en le valorisant avec des nuances impeccables.

Mais bon, sans Xermanico et Fajardo, ce que nous donne Adams aurait de quoi nous laisser sur notre faim. Tout ça ressemble à une assiette comme on en sert dans les restaurants gastronomiques étoilés : la quantité est faible, mais si la qualité est indéniable. On quitte la table sans avoir eu à se déboutonner (mais ayant bien raqué par contre). On ne va pas jouer la surprise : ça fait un moment que la narration décompressée est pratiquée, c'est devenu un style d'écriture. Et Jeremy Adams l'exploite à son tour.

Par contre, on peut quand même constater que la différence entre lui et Bendis, Ellis et d'autres, c'est qu'en termes de contenu, on n'a vraiment pas grand-chose à se mettre sous la dent. Bendis aimait le côté soap des comics et concevait des dialogues qui permettait de cerner la psychologie de ses héros et de leur supporting cast. Ellis poussait les curseurs à fond et testait les limites du genre super-héroïque (plus spectaculaire, violent, etc.). Adams cite (en interview) le silver age, son ambition de rendre Hal Jordan sympathique, d'écrire au long cours, parce qu'il prétend ne pas pouvoir rivaliser avec ce qu'a fait Geoff Johns avec Green Lantern (toute la dimension cosmique) : why not ? Mais faudrait quand même penser à aller un peu plus vite et moins miser sur les mystères et un peu plus sur l'action, les interactions, etc.

C'est dommage parce que, au fond, ce n'est pas désagréable à lire, c'est beau à voir, et donc ça m'ennuierait de laisser tomber. Je vais donc persister jusqu'à la fin (prévisible) de cet arc (donc jusqu'au #6 disons), parce que la fin de cet épisode semble annoncer quelque chose d'un peu plus vif le moins prochain. Mais c'est un sursis.

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