samedi 19 août 2023

THE MAGIC ORDER 4 #6, de Mark Millar et Dike Ruan

 


Et c'est la fin du quatrième volume de The Magic OrderMark Millar, comme il nous y a habitués, conclut son arc avec un épisode double (40 pages donc), très spectaculaire. Mais cela suffit-il à balayer la déception que représentèrent les précédents épisodes d'une série qui avait pourtant si bien commencée ? Dike Ruan peut en tout cas remercier la coloriste Giovanna Niro qui habille ses planches de manière somptueuse.



Après avoir libéré l'oncle Edgar du château Moonstone, Mme Albany lui explique comment il peut récupérer toute sa puissance et en finir avec les survivants de l'Ordre Magique. Mais Cordelia Moonstone n'a pas dit son dernier mot et son plan pour sauver son organisation est de s'en remettre... A une réécriture littérale de l'histoire !


Il faut bien le reconnaître, The Magic Order a perdu beaucoup de son lustre au fil des volumes. Si Mark Millar a su s'entourer d'artistes fabuleux (Olivier Coipel, Stuart Immonen, Gigi Cavenago), il a commis une erreur de casting en comptant sur Dike Ruan pour cette dernière salve d'épisodes.


Mais il n'y a pas que graphiquement que la série a sombré. Millar avait beaucoup d'ambitions pour sa saga magique, il citait Le Parrain et Harry Potter, mais en fin de compte, il n'a pas sur développer un univers aussi solide que Jupiter's Legacy, son autre grand-oeuvre, et s'est pris les pieds dans le tapis.


Pour ma part, la déconvenue a été totale tout au long de ce volume 4 qui démarrait sur les chapeaux de roues et qui s'est complètement perdu en route, introduisant de nouveaux personnages pour les écarter aussi vite, expédiant des explications sur des trahisons, justifiant des retours de manière alambiquée, et s'achevant dans un grand feu d'artifices singulièrement anti-climatique.

Je ne veux pas ici rédiger une critique assassine pour le plaisir de me payer Millar. C'est un scénariste pour lequel j'ai du respect et dont je continuerai à suivre les travaux, en souhaitant qu'il propose encore de bonnes choses. Depuis qu'il a établit son MillarWorld comme une entreprise qui ne connaît pas la crise, ni au niveau de l'inspiration, ni au niveau des ventes, il a sur bâtir quelque chose de redoutablement efficace et distrayant, qui trouve aujourd'hui sa quintessence dans Big Game, réunion de toutes ses séries (y compris The Magic Order).

Mais tout ne mérite pas une suite et The Magic Order n'a jamais aussi bon que dans son premier tome, suffisant, imparable. Après, Millar, qui s'est passionné pour le phénomène du manga (au point de reconnaître en lire davantage désormais que des comics), a visiblement voulu déployer une intrigue au long cours, plus feuilletonnante, mais qui souffrait d'avoir été conçu comme des extensions dispensables au premier arc.

Ni la révolte des magiciens d'Europe de l'Est (vol. 2), ni les péripéties suivantes (vol. 3) et encore moins le retour de Mme Albany et sa vendetta ne semblaient organiquement issus de l'histoire du premier volume. La gestion de certains personnages avait de quoi laisser songeur, comme l'absence totale de Leonard Moonstone durant la crise du volume 2, ou le retour de Salomé Moonstone dans le vol. 3, ou les révélations sur l'oncle Edgar dans ce volume 4 ne possédaient la fluidité nécessaire pour convaincre que tout était planifié depuis le début.

A cet égard, la résolution du cas de l'oncle Edgar (en vérité le roi de Kolthur avec qui un écrivain avait échangé son corps dans un deal faustien) conduit à un final décevant. En lieu et place d'une bataille magique, on a droit à la piteuse reddition d'un vieillard comprenant tardivement son erreur grâce à une réécriture littérale de l'histoire. Ce stratagème trouvé par Millar aurait pu être une jolie pirouette, un peu méta, sur le créateur et la création, l'auteur et ses fictions, mais tout tombe misérablement à plat.

Et puis il y a le problème Dike Ruan. Quand on se balade sur les réseaux sociaux, on voit la productivité de ce jeune artiste, qui, notamment, signe beaucoup de couvertures, avec un talent certain. Pas étonnant que Millar l'ait pris dans ses filets, c'est typiquement le genre de dessinateur qu'il apprécie et dont le style d'ailleurs évoque beaucoup celui de Coipel.

Malheureusement, si Ruan est si doué pour l'art de la cover, c'est parce qu'il est davantage taillé pour l'illustration que pour la narration. Encore qu'il soit loin d'être maladroit dans ce registre, mais c'est surtout que ce n'est pas tout bonnement pas possible de lire autant de pages sans décor. On sait à peine où l'action se situe puisque Ruan se contente de placer une fois par numéro une grande image représentant l'endroit le plus important, le plus emblématique, puis ensuite... Plus rien, sinon des cases avec uniquement des personnages campés dans des positions les plus iconiques, tendus dans l'effort, projetant toute leur énergie vers l'avant (l'adversaire ou le lecteur).

On se croirait revenu aux premières années d'Image Comics quand Jim Lee, Rob Liefeld, Todd McFarlane, Erik Larsen misaient tout sur les personnages et l'effet pin-up au détriment du reste. Ruan a un trait plus élégant, un joli coup de crayon, mais il n'en fait rien, trop pressé. Ou trop paresseux (on peut se poser la question quand on voit le retard pris sur les derniers épisodes sans que les pages soient plus fournies).

Pour le coup, il peut dire un grand "merci" à la coloriste Giovanna Niro qui accomplit un travail superbe, meublant les arrière-plans vides, désespérément vides, voire peint directement sur le dessin, ce qui produit un effet esthétique remarquable. Bien entendu, elle ne comble pas tout, elle a beau avoir du talent, elle ne peut que sauver les meubles et pas la narration défaillante. 

Petit spoiler pour finir : la dernière page indique une suite (et fin) avec la mention "Next : The death of Cordelia Moonstone". Comment l'interpréter ? S'agit-il d'une annonce pour un volume 5 (car Millar avait dit que The Magic Order serait un quintette) ? Ou bien du sort réservé à la magicienne dans Big Game ? Franchement, je ne suis pas chaud pour me taper un cinquième tome de la série, sauf si Millar se reprend et qu'il trouve un dessinateur exceptionnel (mais qui ? Quel cador n'a-t-il pas encore séduit ?). De toute façon, on n'en saura pas plus avant 2024 puisque, désormais, le seul titre MillarWorld qui sera publié cette année reste Big Game. Dont le prochain chapitre sera dispo la semaine prochaine.

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