vendredi 11 août 2023

GUARDIANS OF THE GALAXY #5, de Jackson Lanzing & Collin Kelly et Kev Walker / THE AVENGERS #4, de Jed MacKay et C.F. Villa

 Aujourd'hui, on va changer de méthode à l'occasion des sorties la même semaine des épisodes de Guardians of the Galaxy et de The Avengers, respectivement écrits et dessinés par Jackson Lanzing & Collin Kelly / Kev Walker et Jed MacKay / C.F. Villa. Pourquoi ce tire groupé ? Parce qu'en vérité ces deux séries résument ce qui ne fonctionnent pas dans les team books de chez Marvel, appliquant peu ou prou les mêmes recettes pour des résultats semblables.



Commençons donc par Guardians of the Galaxy #5, du trio Lanzing-Kelly / Walker. Cet épisode  promettait le face-à-face entre les héros et la menace Grootfall. C'est effectivement le cas. Mais est-ce satisfaisant ?


Pas besoin de résumer ce numéro : l'intrigue, ou ce qui en tient lieu, tiendrait sur un post-it, avec les Gardiens enfin rassemblés (dans cette configuration : Peter Quill.Star-Lord, Drax, Gamora, Mantis, Nebula et Rocket Raccoon) qui vont confronter le danger incarné par Grootfall, une sorte d'énorme boule de feu et de bois ayant l'apparence de Groot et qui dévaste tout sur son passage.


Dans le précédent épisode, Star-Lord réussissait à entrer en contact avec une des émanations de Groot qui lui commandait de réunir l'équipe si elle voulait avoir une réponse concernant Grootfall. Rocket réintégré, on pouvait donc légitimement attendre des révélation. Peine perdue. Jackson Lanzing & Collin Kelly répètent le même procédé depuis le début de leur run avec une narration décompressée à l'extrême, de l'action spectaculaire mais uniquement là pour retarder l'échéance et une caractérisation sommaire (tous les personnages sans exception tirent une gueule d'enterrement, s'expriment de manière laconique et interagissent au minimum).
 

Le dessinateur Kev Walker est un excellent artiste, aguerri, mais qui dispose visiblement d'un script sommaire et il est donc logique de voir dans ce numéro un nombre abondant de doubles pages destinés à montrer soit un groupe de personnages réunis dans un même lieu, soit la démonstration d'une puissance dévastatrice dans l'espace face à laquelle les personnages ne semblent en aucune manière capable de faire quoi que ce soit. 


On passe à The Avengers #4 qui s'avère étonnamment ressemblant sur le fond et la forme à Guardians of the Galaxy. Les deux séries ont d'ailleurs été relancées quasiment au même moment et il est commode d'y voir une uniformisation de la production chez Marvel, même si, à la base, la série de Jed MacKay et C.F. Villa prenait le relais d'un long run par Jason Aaron et que les Avengers sont des personnages beaucoup plus importants commercialement.


Jed MacKay est le scénariste qui monte chez Marvel, suffisamment en tout cas pour que l'éditeur lui confie un de ses titres les plus exposés. Pourtant, jusqu'à présent, il a surtout écrit des héros mineurs comme Black Cat ou Moon Knight. Mais il s'est engagé dans une histoire à la démesure des Avengers, convoquant Kang le conquérant et de mystérieux nouveaux vilains inédits à la puissance de feu considérable. Un paradoxe en soi car comment de tels adversaires ont pu ne jamais être remarqués auparavant ?


C.F. Villa est comme MacKay quelqu'un qu'on n'attendait pas sur un pareil blockbuster puisque, jusqu'à présent, lui aussi s'est illustré sur des titres de seconde main (dont Black Cat de MacKay) ou comme doublure (sur X-Men de Gerry Duggan, où il suppléait Pepe Larraz en alternance avec Javier Pina). Il fait parler la poudre avec, comme Kev Walker, un nombre élevé de splash-pages pour démontrer que les affrontements sont dantesques et les héros malmenés.


Maintenant, faisons le point sur ces deux épisodes, ces deux séries. En cinq et quatre épisodes, on ne peut pas dire qu'on a beaucoup progressé dans les histoires. Lanzing & Kelly ont été assez malins en situant leur série puisque les Gardiens de la galaxie se sont séparés pendant un an suite à un drame dont on ignore tout - mais qui a un lien évident avec la "mort" de Groot. En même temps, ce genre d'astuce devient une norme chez Marvel depuis plusieurs mois car plusieurs titres (re)démarrent en montrant des personnages complètement minés après une catastrophe qu'on révélera plus tard.

Du côté de Avengers, MacKay prend la suite de Aaron qui avait conclu son run de manière aussi grandiloquente que brouillonne. Comme son prédécesseur, MacKay a composé ses Avengers de façon à en faire un groupe surpuissant, avec de gros calibres comme Captain Marvel, Thor, Scarlet Witch, et des éléments a priori moins imposants mais non négligeables comme Iron Man, Vision, Black Panther ou Captain America (Sam Wilson). Ce qui frappe, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, c'est que ce casting évoque immanquablement celui des Avengers du MCU (même si Black Panther et Iron Man sont morts, mais sinon Vision, Scarlet Witch, Captain Marvel, Thor et Captain America/Sam Wilson sont encore actifs). C'est donc comme si désormais le MCU dictait la formation des Avengers, sans possibilité pour le scénariste d'ajouter des éléments surprenants.

Dans les deux cas, les équipes sont donc confrontés à des menaces qui les dépassent nettement. Cela a un objectif simple : entretenir un semblant de suspense auprès du lecteur en tentant de lui faire croire que les héros peuvent être vaincus, voire tués. Mais tout fan un peu expérimenté sait ce que ce n'est qu'un simulacre, une ficelle usée. Justement parce que, d'un côté, les Avengers ne craignent pas grand-chose avec des membres comme Scarlet Witch ou Thor, et, de l'autre, parce que les Gardiens de la galaxie ont affaire à une version de Groot, l'un des leurs (sans compter que le dernier film mettant en scène les Gardiens les a remis sur le devant de la scène, donc il serait idiot de les éliminer dans les comics).

On a beaucoup reproché il y a quelques années à Brian Michael Bendis la longévité de son run sur la franchise Avengers puis sur Guardians of the Galaxy et son système narratif, avec des arcs en six n°, formatés pour les recueils, reprenant parfois les mêmes motifs dramatiques. Il était aussi critiqué pour la force de ses débuts d'histoire qui aboutissaient à des fins décevantes.

Mais peut-on honnêtement dire que ce que que Jed MacKay et Jackson Lanzing & Collin Kelly font mieux ? La narration est encore plus décompressée puisque en cinq et quatre épisodes, l'intrigue n'a rien révélé de consistant, et que les conclusions semblent courues d'avance (victoire et réconciliation).

Graphiquement les deux séries ont des atouts même s'il me semble évident que Guardians... dispose avec Kev Walker d'un artiste plus audacieux et complet que CF Villa. Pour les amateurs d'images qui tabassent, en tout cas, c'est un festin. Mais leurs dessins soulignent surtout par leur aspect grandiloquent la vacuité des récits. Tout ou presque repose sur la force des planches puisque la narration avance lentement.

Je sors à chaque fois de ces séries avec le sentiment que finalement il n'y a pas grand-chose à en retenir. J'ai rarement eu autant l'impression que ce qui était raconté en autant de pages aurait dû l'être en moitié moins de planches. Récemment, je suis revenu sur le run de Jeff Parker - Kev Walker - Declan Shalvey sur Thunderbolts et j'ai commencé la lecture de l'omnibus de ce même titre par Kurt Busiek et Mark Bagley, et je suis saisi par la densité de ces titres par rapport à Guardians of the Galaxy et The Avengers actuellement. Là où Parker et Busiek ne laissaient aucun répit au lecteur, les bombardaient d'informations, soutenus par des artistes déchaînés, MacKay, Lanzing & Kelly donnent la sensation d'en garder énormément sous le pied comme s'ils craignaient que leurs intrigues ne suffisent pas à combler un arc en six épisodes.

Ce constat, je le fais depuis des années maintenant et il reflète, à mes yeux, une faiblesse dans l'écriture. 
Il y a encore du talent dans "la maison des idées" , mais plus autant qu'il y a dix-quinze ans. On pouvait apprécier ou détester ceux qui étaient en place alors, mais au moins il y avait des personnalités fortes, des façons de raconter singulières. Aujourd'hui, j'ai surtout l'impression que les auteurs s'économisent, développent moins de concepts forts, osent moins. Toutes choses qui se traduisent concrètement dans les comics par des équipes de héros sans véritable dynamique de groupe, sans récits qui les marquent durablement.

Visuellement, ce n'est pas mauvais, mais si Kev Walker hérite d'histoires faibles, c'est un gâchis. Et CF Villa aurait dû être testé sur plus de titres, avec des difficultés progressives, pour être vraiment prêt aujourd'hui.

En lisant ces deux séries dont je parle ici, je mesure le malaise. Ce n'est que mon ressenti, peut-être que le Marvel actuel comble la majorité des fans de l'éditeur, et que je dois me contenter de quelques pépites et projets liés avant tout à des scénaristes et artistes stars. Mais quand on a grandi nourri au lait de Marvel, difficile de ne pas faire la moue. J'ignore si j'écrirai encore des critiques de The Avengers et Guardians of the Galaxy : j'ai trop le sentiment de perdre du temps et de l'argent et je n'aime pas noircir des pages pour me plaindre.

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