lundi 3 juillet 2023

SPIDER-MAN : ACCROSS THE SPIDER-VERSE, de Joaquim dos Santos, Kemp Powers et Justin K. Thompson


Cinq and après Spider-Man : New Generation (Into the Spider-verse en vo), sa suite tant attendue, Accross the Spider-verse est enfin en salles. Mais ce n'est qu'une étape avant Beyond the Spider-verse (dont la date de sortie n'est pas encore officielle), qui conclura une trilogie produite par Phil Lord et Chris Miller. Ces deux-là ont voulu faire plus fort. Mais ont-ils réussi à faire mieux ?


Terre 65. Gwen Stacy vit avec son père, le capitaine de police George Stacy, qui ignore qu'elle agit sous le masque de Spider-Gwen et qui la traque depuis qu'elle a accidentellement tué son meilleur ami, Peter Parker, qui avait avalé le sérum du Lézard. Un soir qu'elle affronte une version du Vautour venu d'une Terre parallèle, elle reçoit le renfort de Spider-Woman (Jessica Drew) et Spider-Man 2099 (Miguel O'Hara) qu'elle suit après avoir neutralisé le vilain et que son père a tenté de l'arrêter, bien qu'elle lui a révélé sa double identité.


Terre 1610. Miles Morales continue d'oeuvrer comme le Spider-Man de son monde 16 mois après la destruction du collisionneur d'Alchemax. Gwen lui manque et ses relations avec ses parents sont tendues. Lorsque Gwen resurgit, en lui cachant qu'elle traque un de ses ennemis, la Tâche, il la suit à son insu et découvre qu'elle travaille pour une organisation qui veille sur l'équilibre du multivers. La Tâche ayant fui vers une autre Terre, Gwin le suit mais Miles emprunte le même portail inter-dimensionnel qu'elle.


C'est ainsi qu'il débarque sur la Terre 50101 où il prête main forte à Gwen et à Spider-Man India (Pavitr Prabhakar) qui poursuivent la Tâche pour absorber toute le puissance du collisionneur d'Alchemax présent sur ce monde. Il parvient à ses fins et s'échappe en causant énormément de dégâts. Les Spiders interviennent pour sauver des civils en danger et Miles sauve notamment le père de la fiancé de Pavitr, capitaine de police. Hobbie Brown/Spider Punk arrive en renfort avant que tout le monde soit rappelé au QG de l'organisation pour laquelle ils travaillent. C'est ainsi que Miles est présenté à Miguel O'Hara/Spider-Man 2099, le chef des Spiders du multivers.


Il explique à Miles qu'une constante relie tous les agents de l'organisation : chacun a perdu un parent proche, son père ou son oncle. Miles comprend que la Tâche va s'en prendre à son père mais refuse de laisser faire même si cela assurera l'équilibre du multivers. Il prend la fuite pour rentrer dans son monde, poursuivi par tous les Spiders. Gwen est tenue pour responsable et renvoyée sur son monde. Miguel part à la recherche de Miles avec Spider-Woman et Ben Reilly/Scarlet Spider.


Mais Miles a atterri sur la Terre 42 où son double est devenu le Rôdeur et le capture tandis que Gwen a échoué sur la Terre 1610. Elle promet aux parents de Miles qu'elle va le retrouver et rassemble pour cela sa propre équipe (composée de Spider Punk, Peter B. Parker, Spider-Ham, Spider Man Noir, Peni Parker, Spider-Man India, Margo et Mayday) afin de devancer celle de Miguel...

Bon, autant être direct : je vais casser l'ambiance parce que j'ai été déçu par cette suite. Je sais que, depuis sa sortie, le film est encensé et connaît un succès énorme en salles partout, mais pour ma part, ça n'a pas fonctionné. Mais avant d'aller plus loin, un petit détour s'impose.

Sur Facebook, je suis le dessinateur Benoît Feroumont, connu des fans de BD franco-belge pour son excellente série Le Royaume. Feroumont travaille aussi dans le dessin d'animation et il a récemment participé au Festival d'Annecy où un long métrage auquel il a collaboré était en compétition. Récemment, il est allé voir Spider-Man : Accross the Spider-verse et a posté son avis, laconique, sur sa page FB en expliquant avoir trouvé le résultat visuellement brillant mais aussi éreintant à cause du rythme frénétique, ajoutant aussi qu'il n'était sans doute pas le meilleur public car il détestait les intrigues exploitant le multivers.

En lisant cela, ma première réaction dut l'étonnement car c'était le premier retour négatif que je lisais au sujet de Accross the Spider-Verse. Je me suis dit que Feroumont était bien sévère et que, peut-être, plus que le multivers ou le rythme, c'était le genre super-héroïque qui ne le touchait pas.

Je restai donc optimiste jusqu'à hier où j'ai vu le film. Très vite, j'ai pourtant compris ce qu'avait voulu dire Feroumont. Tout démarre par un prologue très long qui suit Spider-Gwen (et non Miles Morales). C'est effectivement visuellement époustouflant, plusieurs styles graphiques se croisent, on sent un énorme boulot de character's design, la production est ahurissante. On devine aussi pourquoi, dernièrement, des artistes et techniciens ayant bossé sur Accross the Spider-verse expriment dans la presse les conditions de travail infernales, notamment à cause du caractère perfectionniste de Phil Lord qui obligeait tout le monde à refaire des scènes entières pourtant validées auparavant et donc à accumuler les heures sup' sans être sûrs de le satisfaire.

Mais derrière cette démonstration de force, l'épuisement gagne vite le spectateur : les mouvements de caméra, le tempo, les couleurs saturées, tout épuise, exténue. L'oeil se fatigue très vite sous ce déluge d'images qui confondent swing et épilepsie. Le défi même de créer un style différent pour chaque personnage issu d'un monde distinct se retourne contre l'histoire car on ne voit que ça et on a énormément de mal à suivre le fil du récit.

Le prologue terminé, on retrouve avec plaisir Miles Morales et tout semble moins agité. Le personnage a un charme fou, il est bien écrit, l'apparition de la Tâche est un régal, à la fois comique et flippant. C'est un vilain souvent ridicule dans les comics qui, là, possède une réelle dangerosité, avec une utilisation de ses capacités très inventive. Les relations entre Miles et ses parents, ses retrouvailles avec Gwen sont superbement traitées. On se dit alors que le pire est passé, que le film va dérouler, puissant, imaginatif, ambitieux mais supportable surtout. Sauf que non.

Lorsque Miles suit Gwen à son insu et atterrit sur la Terre 50101, dans ce Manhattan à sauce Bollywood à nouveau sursaturée de couleurs, de mouvements d'appareils incessants au point de vous filer la nausée, le cauchemar du prologue reprend. Et ne va plus s'arrêter.

Accross the Spider-verse est un film obèse. La production a confondu son envie de faire plus fort avec celle de faire mieux que New Generation (Into the Spider-verse). En comparaison avec le premier, celui-ci paraît constamment chercher à faire le malin, à dépasser les limites, à accélérer quitte à aller dans le mur. Et inévitablement il y va. Cette opulence visuelle se fait au détriment d'un scénario au demeurant assez basique mais qui finit par être écrasé par ses enjeux. Au départ, la menace représentée par la Tâche, la vengeance qu'il entreprend contre Miles associée à sa soif de puissance, fonctionne bien, puis est quasiment oubliée au profit de cette police du multivers peuplée de centaines (milliers ? Millions ?) de Spider-Men.

Cette pléthore d'araignées n'est d'ailleurs qu'un gadget sans âme puisqu'aucune n'existe vraiment à part Spider-Punk, Spider-Man India, Spider-Woman et Spider-Man 2099. Celui-ci est un tyran, antipathique au possible, qui nous fait regretter Peter B. Parker, Spider-Man Noir, Spider-Ham, Peni Parker dans le premier film. Mais de toute manière, la subtilité et l'humour ont déserté cet opus au profit d'une surenchère de pathos et de répression multiverselle sinistre. On a du mal à comprendre comment Gwen collabore avec cette brigade ou que Hobbie Brown obéisse aux ordres (alors qu'il incarne un rebelle à tous les systèmes), quant à savoir ce que Peter B. Parker fiche là avec sa fille c'est un mystère encore plus grand.

La fin est convenue au possible : bien entendu, Miles n'atterrit pas dans son monde, ni Gwen, Miguel part traquer Miles qui est déjà en fâcheuse posture et Gwen organise la riposte en rameutant la bande du premier film (plus quelques recrues supplémentaires). La suite ? Prévisible aussi : il faut s'attendre à une grosse baston entre araignées des deux camps et au milieu la Tâche va vouloir tuer le père de Miles (et tous ces Spider-Men ?) en profitant de cette confusion. Soudain, ne pas savoir si ce troisième volet sortira bien l'an prochain ou carrément en 2025 (comme le prédisent les plus pessimistes) n'a plus grande importance.

Car on sort de la salle comme du tambour d'une machine à laver. On a les yeux qui piquent, on a un début de migraine. Spider-Man : Accross the Spider-verse n'est pas une fête, c'est un carnaval dont on ressort abruti alors qu'on espérait être ébloui, admiratif, bluffé, impatient de voir la suite. D'une manière générale, moi aussi, je commence à en avoir marre du multivers, cette idée omniprésente, jusqu'à la nausée. La plupart des auteurs ne savent pas s'en servir raisonnablement, on nous assomme avec des milliers de mondes parallèles dont on ne fait qu'avoir un aperçu et dont le répercussions pour le monde des héros semblent trop abstraites pour qu'on en apprécie la dramaturgie. Le MCU s'est planté dans les grandes largeurs avec Kang (et ça ne risque pas de s'arranger vu le scandale Jonathan Majors sur lequel Marvel ne s'est toujours pas exprimé alors que son procès s'ouvre le mois prochain). Accross the Spider-verse ne fait pas mieux. 

De ce point de vue, le film fait penser aux Indestructibles 2 où Brad Bird, en roue libre, avait gâché une bonne partie de ce qui faisait le plaisir du premier épisode, avec un méchant exténuant, et des prolongements narratifs gadgetisés. Tout ça n'enlève rien aux qualités propres du premier opus, mais gâche considérablement (et définitivement ?) celles du deuxième et du troisième. 

Peut-être que je me fais vieux, mais là, c'est clairement indigeste.

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