jeudi 18 mai 2023

THE AVENGERS #1, de Jed MacKay et C.F. Villa


C'est la grosse sortie de la semaine chez Marvel Comics : après quatre passés à être (mal) écrits par Jason Aaron, The Avengers (notez bien le "The" qui précède le nom désormais) change de main. C'est à l'étoile montante des scénariste de la "maison des idées", Jed MacKay (Moon Knight, Doctor Strange) que revient la lourde charge d'animer les héros vedettes de l'éditeur. Il est soutenu au dessin par C.F. Villa. Un premier épisode introductif, classique, spectaculaire. Mais très impersonnel.


Elue par tous les membres actifs ou réservistes, Captain Marvel devient la nouvelle leader des Avengers. Elle compose son équipe en une semaine, persuadant parfois difficilement certains de se joindre au projet. Avant qu'ils n'interviennent contre Terminus qui s'en prend au Projet P.E.G.A.S.U.S....


Les fans de Avengers avaient fondé de grands espoirs sur la relance du titre par Jason Aaron il y a quatre ans mais vous en trouverez peu aujourd'hui qui ont été convaincus par la prestation du scénariste, dont le run s'est achevé dans une indifférence polie.


Pas question pour Marvel de laisser Avengers en sommeil (comme DC le fait actuellement avec  Justice League), il s'agit d'une franchise trop importante pour l'éditeur (au même titre que Spider-Man et X-Men). Ce mercredi sort donc un énième n°1 de The Avengers (et non plus de Avengers, comme s'il fallait souligner la singularité du groupe).


Pour ce relaunch, Marvel a misé sur Jed MacKay qui écrit également les aventures de Moon Knight et de Doctor Strange. Sauf qu'après avoir lu l'épisode, on peut légitimement se demander à quel point il l'a vraiment écrit...

Quand Joe Michael Straczynski avait été débarqué de Amazing Spider-Man, il avait rappelé une évidence : quand on est le scénariste d'un personnage aussi important pour un éditeur, on n'a jamais les mains libres, il y a toujours quelqu'un qui se tient derrière vous, penché sur votre épaule pour surveiller ce que vous faîtes. A moins d'être appelé pour sauver une franchise en danger (comme Jonathan Hickman avec les X-Men), un auteur reste un scribe en laisse, il n'est pas un editor imprimant seul une direction à une série (encore moins à une franchise, une collection de séries).

Si les Avengers ont beaucoup réduit leur voilure par rapport à une époque pas si lointaine (où on lisait Mighty, Secret, Uncanny, Young et autres Avengers), le succès des films portant leurs exploits à l'écran en a fait un titre emblématique qui ne peut prendre de vacances ni être édité à la légère. Il faut que Marvel mette le paquet et prouve aux fans qu'il va en avoir pour son argent.

Cependant, même si Jed MacKay a acquis une petite notoriété, elle n'a rien à voir avec celle de Jason Aaron quand il accepta d'écrire la série (après un run acclamé sur Thor, qu'i prolongea d'ailleurs dans Avengers). Et on peut deviner, sans malice, que c'est un calcul de la part de Marvel pour garder la main sur le titre.

En examinant la couverture et la composition de l'équipe, on remarquera que celle-ci rassemble uniquement des personnages établis, sans aucun membre surprenant. Plus : tous ont (eu) droit à leur film ou leur série à succès et vont continuer d'exister sur les écrans. Captain Marvel sera à l'affiche de The Marvels l'automne prochain, Scarlet Witch et Vision ont fait le buzz dans WandaVision (et Doctor Strange in the multiverse of madness et dans le futur dans Vision Quest), Black Panther a eu droit deux blockbusters (dont le récent Wakanda Forever), Captain America (Sam Wilson) sera à l'affiche d'un nouveau long métrage, Thor a été à l'affiche de Love and Thunder, et Iron Man reste l'icone du MCU.

Jed MacKay ne s'est pas caché en interview avoir longuement échangé avec l'editor Tom Brevoort quand il s'est agi de choisir les membres de l'équipe, et on peut facilement penser que le scénariste n'a pas eu le dernier mot, qu'il aurait sans doute intégré des recrues moins prévisibles. Du coup le générique de la série a des airs de casting pour le retour des Avengers sur grand écran (à part Black Panther et Iron Man, il n'y aurait besoin d'aucune correction).

Du coup, la lecture se fait avec un sentiment bizarre d'un comic-book d'abord pensé pour plaire aux fans du MCU, pour rassurer ces spectateurs plus nombreux que les lecteurs. Et donc c'est un produit très impersonnel, où la patte de MacKay n'est pas très sensible. D'ailleurs le contenu de l'épisode confirme cela : on a ici une introduction très sage, très convenu, avec son quota de grand spectacle, de bastons, de job dating. MacKay fait ce qu'il peut pour rendre ça intéressant, avec des personnages hésitant ou renâclant même à suivre Captain Marvel, mais le suspense est éventé puisque la couverture dit tout de la formation finale.

Surtout, l'épisode s'achève avec un personnage de vilain qui est exactement le même que celui censé incarner le grand méchant de la Phase V du MCU (vous voyez qui ?). A ce stade-là, on voit vraiment que tout a été fait pour coller aux films, au grand public.

Les dessins de C.F. Villa, un des "Stormbreakers" (artistes sur lesquels Marvel mise pour l'avenir proche), sont efficaces. Il nous en donne pour notre argent, bien aidé par la démesure de l'adversaire sur lequel s'échauffe l'équipe (le géant Terminus qui s'en prend à un réacteur du projet PEGASUS, candidat idéal pour prendre une dérouillée sans conséquence pour la suite).

Mais là aussi, si on veut, le compte n'y est pas vraiment. Non pas que Villa manque de talent. Peut-être souffre-t-il d'être encore un peu nouveau pour un tel projet, d'habitude Marvel préfère assurer en confiant les dessins des Avengers à un artiste plus expérimenté (quitte à ce que celui-ci ne fasse qu'un arc et laisse ensuite la place à un collègue moins flamboyant). Villa, c'est un peu ça : il est prometteur, mais ce n'est pas une star, c'est même un quasi-inconnu pour les lecteurs (qui auront peut-être remarqué ses prestations sur X-Men de Gerry Duggan (quand Pepe Larraz et Javier Pina n'étaient pas là).

Mais qui alors aurait pu dessiner The Avengers ? Hé bien, il se trouve que le cover-artist de la série n'est autre qu'un type du nom de Stuart Immonen, qui a quelques années de métier mais ne fait plus grand-chose en ce moment sans qu'on sache si c'est un choix ou une conséquence de sa volonté de prendre du recul il y a quelques années (et que beaucoup ont interprété comme une retraite). Immonen cover-artist, je vous le dis, c'est du gâchis : pas seulement parce qu'il a rarement produit des covers mémorables (c'est bien sa seule faiblesse), mais parce que, justement, il ne fait plus grand-chose et que c'est triste, mais encore parce que, finalement, il n'a pas dessiné souvent les Avengers (même du temps de Bendis, il a dû faire deux arcs et demi).

Tout ça n'est pas déplaisant à lire, mais c'est frustrant. Qui écrit vraiment la série ? Avec Immonen réduit à des covers, des Avengers trop proches de ceux du MCU, un vilain déjà dans la place au cinéma... Franchement, une telle absence d'audace a de quoi laisser pantois. Je veux bien payer encore un peu pour voir sir MacKay a de meilleures cartes dans son jeu, mais disons que je ne suis pas extatique.

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