vendredi 26 mai 2023

THE AMBASSADORS #5, de Mark Milar et Matteo Buffagni


C'est déjà le pénultième épisode de The Ambassadors et même si on retrouvera ces héros dans le crossover festival Big Game, il subsistera quelque chose de frustrant dans ce projet de Mark Millar. Tout ça ne ressemble qu'à un vaste prologue pour la suite. Cette fois, c'est au tour de Matteo Buffagni (Prodigy : The Icarus Society) de se charger de la partie graphique, et c'est donc encore une fois très beau et efficace.


"Big" Boy Taylor, contrairement aux précédentes recrues de Choon-He Chung, candidate spontanément pour intégrer l'équipe. Très malade, il veut une seconde chance après une carrière sportive comme rugbyman et politique comme premier ministre de l'Australie. Mais des déclarations racistes et homophobes de sa part pourraient compromettre ses chances. Sauf qu'il a un atout dans sa manche...


Imaginons un peu comment The Ambassadors aurait pu être moins frustrant. C'est assez simple mais c'est un jeu auquel je m'adonne parfois en me rappelant que j'ai également écrit des scénarios dans une autre vie. Il n'est bien sûr pas question de prétendre donner des leçons à quiconque, Mark Millar est un auteur expérimenté, qui n'a pas besoin de moi. Mais amusons-nous quand même.


Le principe de cette série, c'est qu'à chaque épisode on fait la connaissance d'un individu sélectionné par une scientifique géniale qui a décrypté le "super code" et peut donc doter de super-pouvoirs ceux qu'elle estime en mesure de faire le bien. Et chaque chapitre est illustré par un grand dessinateur.


Millar a aussi pensé son histoire en voulant démontrer que les super-héros ne sont pas l'exclusivité de l'Amérique du Nord et puisqu'il travaille pour Netflix qui produit et fournit des programmes pour le monde entier, il sait aussi qu'il peut être judicieux de gagner des lecteurs en s'adressant à des publics que les comics ignorent souvent.

L'inconvénient de cette construction, c'est que l'intrigue ne progresse pas suffisamment. Millar prend son temps pour caractériser ses Ambassadors et ne consacre que une ou deux pages par épisode pour traiter d'une menace qui compromettrait le projet de Choon-He Chung, leur fondatrice - menace d'ailleurs sommaire, peu originale : l'ex-mari de Choon-He, Jin-Sung, copie ses travaux et monte une équipe concurrente.

Si on voulait dynamiser cela, faire progresser l'intrigue sans sacrifier les personnages, leur présentation, le recrutement, Millar aurait pu commencer par leur consacrer moins de pages, ce qui dans certains cas aurait abouti à des épisodes plus nerveux. Trop souvent Millar a traîné pour le simple plaisir d'un twist de dernière minute (le nombre d'années passées dans le coma pour le candidat coréen, le nombre d'opérations menées par la mère et son fils français, le retournement de situation au profit de la recrue brésilienne).

Cela n'aurait pas empêché Quitely, Kerschl, Charest et Coipel de signer un épisode entier, mais cela leur aurait surtout permis de signer chacun un épisode bien plus dense et tonique. Ôtez par exemple le trop long prologue du premier épisode (avec la description de la propagande américaine pour faire croire aux russes qu'un super-héros U.S. existait) et franchement ça fonctionnait aussi bien. Parfois, le hors champ est même plus fort : ainsi les origines du héros coréen délestées de l'attentat dans lequel il s'est sacrifié pour sauver celle qu'il aimait auraient pu être relatées en moins de pages, voire uniquement dans un dialogue sans perdre de sa force. Idem pour l'intro de l'épisode parisien quand la mère révèle à son fils avoir été choisie comme membre des Ambassadors.

Parfois aussi, ce n'est pas le début qui a alourdi l'épisode mais la fin, comme dans le n°4 où l'Ambassador brésilien se venge sur trop de pages juste parce qu'on devine que Millar a voulu offrir un morceau de bravoure à Olivier Coipel. La série n'est pas mauvaise ni mal écrite, mais mal équilibrée dans sa construction, dans la structure de chacun de ses épisodes.

Et on le remarque d'autant plus avec ce cinquième épisode qui, comme par magie, au moment où on n'en attendait plus rien, se révèle une belle mécanique, bien huilée, parfaitement dosée. Encore une fois Millar fait preuve d'originalité dans le profil du nouvel Ambassador : ex-rugbyman, ex-Premier Ministre, "Big" Bob Taylor est un personnage charismatique, hors du commun, avant même de posséder des super pouvoirs. Il n'est pas non plus irréprochable (et on notera d'ailleurs une rupture depuis l'épisode 4 car la première moitié de la série présentait des individus sympathiques, puis beaucoup moins).

Mais il est plein de ressources et surtout pressé car mourant. Il trouve le moyen de convaincre Choon-He Chung de le choisir et fait ses preuves sur une mission de sauvetage en montagne qui est rondement menée. Matteo Buffagni est peut-être de tous les artistes engagés sur la série le moins célèbre, le moins fameux (il faut dire qu'il passe après des poids lourds et avant Matteo Scalera, qui se pose aussi là). Mais ça ne signifie pas qu'il mérite moins d'attention que ses collègues ou que son travail est moins abouti. Au contraire.

Le découpage est très rythmé et d'une lisibilité impeccable. Buffagni excelle dans la composition d'images spectaculaires mais toujours proche des personnages, personnages qui ont une carrure, un charisme immédiat. "Big" Bob Taylor est aussi mémorable par son aspect qui tranche avec le reste du casting puisqu'il s'agit d'un homme âgé, d'abord diminué par la maladie puis ragaillardi par les ressources auxquelles il a accès (tous les Ambassadors sont comme Néo dans Matrix, disposant d'une batterie de pouvoirs, mais ne pouvant en utiliser qu'un à la fois).

Au cours de sa mission, Taylor va croiser la route d'un autre surhomme et déjà c'est un premier indice, placé plus tôt que d'habitude sur l'existence d'autres individus dotés de pouvoirs et qui n'appartiennent à aucun camp connu. Puis ensuite l'épisode se conclut avec Jin-Sung Chung, l'ex-mari de Choon-He, et là aussi on voit plus clairement ce qu'il a mis en marche, de façon impressionnante, avec la confirmation de ce qu'on supposait déjà (il a un espion au sein des Ambassadors).

Millar réussit cette fois ce qu''il a trop traîné à faire précédemment, en accordant plus de pages à ce qui menace les Ambassadors, à (au moins) un autre surhomme indépendant. Que cela se produise seulement un épisode avant la fin de la série, c'est vraiment dommage. Mais bon, mon hypothèse, c'est que Jin-Sung va faire partie de la clique des méchants de Big Game (avec Wesley Gibson, la Fraternité, Nemesis) et que donc les Ambassadors seront dans le viseur avec tous les autres héros du MillarWorld...

Rendez-vous pour la fin dans quinze jours, avec Matteo Scalera au dessin cette fois.

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