C'est déjà (presque) la fin pour X-Terminators et on regrette déjà cette mini-série, véritable bulle d'air frais dans la franchise mutante, pépite impertinente, sexy et régressive. Leah Williams et Carlos Gomez s'amusent visiblement beaucoup et il est difficile de résister à ce qu'ils offrent avec cette histoire loufoque, toujours pied au plancher.
Livrées au Collectionneur à qui s'est associé Alex en échange du droit de pratiquer des expériences interdites par sa communauté vampire, Dazzler et ses amies jurent pourtant de s'échapper.
Wolverine, qui a passé le plus de temps dans la base du Collectionneur, informe Dazzler sur l'installation et Boom-Boom reçoit l'ordre de s'en prendre au système de canalisation et d'évacuation.
Gagnant la zone de transfert du vaisseau, les quatre mutantes et les autres prisonniers du Collectionneur resurgissent sur Krakoa au beau milieu d'un match de base-ball.
Mais leur aventure a créé un incident diplomatique avec les vampires. Jubilé explique à Dracula lui-même ce qu'a fait Alex et Dazzler obtient même de le faire payer après qu'il a été excommunié...
Au fond, la première qualité de X-Terminators s'aligne sur la première question que pose cette mini-série : depuis quand avez-vous lu un comic-book marrant ? Et cela sans qu(il s'agisse d'une parodie ou d'un pastiche. Les comics, de super-héros puisque c'est d'eux dont on parle, sont sérieux. Trop ?
Récemment, j'ai relu une interview de Carmine Infantino donné au magazine "Comic Box" en 2006 où il revenait sur sa riche carrière. Il y déplorait l'évolution des comics vers un lectorat quasi-exclusivement adulte et le ton dramatique des histoires proposées alors qu'il avait la conviction qu'il s'agissait d'un genre conçu pour les plus jeunes. Fabrice Sapolsky, qui l'interrogeait, lu faisait alors remarquer que les plus jeunes s'étaient désintéressaient des comics pour les mangas et les jeux vidéos, les comics devenant une niche pour des lecteurs adultes, souvent fans de longue date. Infantino répondait que c'était l'autre défaut des comics que de s'adresser à des connaisseurs en oubliant d'attirer des profanes.
Bien entendu, Infantino avait déjà 81 ans à l'époque et on peut juger ses opinions trop tranchées et décalées. Disons, en étant nuancé, qu'on peut regretter que beaucoup trop de comics ne fassent effectivement plus l'effort de séduire des lecteurs perdus au profit des mangas. On peut aussi abonder dans le sens d'Infantino en observant qu'effectivement les plus jeunes lecteurs sont pratiquement totalement oubliés par les éditeurs de comics. Et qu'il n'y a plus (plus assez) de comics reader's friendly, immédiatement accessibles.
Le poitn sur lequel je suis le plus d'accord avec Infantino concerne le sérieux des comics. La légèreté est désormais le plus souvent absente. Bien entendu, les comics de super-héros jouent sur une note majoritairement dramatique, mais le drame est souvent sinistre, violent, dénué de second degré. Beaucoup d'auteurs entraînent même les héros dans l'horreur.
Je ne dis pas qu'il faut condamner ce réalisme ou même ce sens du drame exacerbé. Mais alors que nous traversons une époque tourmentée, déjà étouffante à bien des titres, ce serait pas mal que éditeurs et auteurs n'oublient pas que les comics, de super-héros, sont aussi un divertissement. Et qu'on peut faire palpiter le lecteur sans oublier d'être léger, voire drôle.
X-Terminators, en considérant tout cela, me paraît une voie à suivre parce que, en assumant des éléments ouvertement régressifs et même politiquement incorrects, c'est une mini-série écrite avec irrévérence et bonne humeur. Leah Williams s'autorise bien des choses car elle est une femme et que son récit, s'il avait été signé apr un homme, aurait été taxé de sexiste et complaisant. Mais surtout la scénariste s'amuse et nous amuse avec une vigueur décomplexée qui fait un bien fou.
Les aventures de Dazzler, Jubilé, Boom-Boom et Wolverine sont souvent un sommet de wtf, c'est foutraque, gratuit, mais on n'est pas trompé sur la marchandise et surtout ça reste efficace et plein d'auto-dérision. Il y a une volonté de se moquer du sérieux de la franchise X sans pour autant se moquer de la qualité de sa refondation depuis Hickman. La manière dont, par exemple, Williams ressert le thème éculé des mutants persécutés (ici par un vampire) devient très drôle tout en respectant les canons du genre.
Le machisme qu'on n'aurait pas manqué de reprocher à un scénariste ici se retourne contre les grincheux car Williams fait de son quatuor de mutantes bien plus que de belles plantes : des filles qui prennent leur revanche et n'ont besoin d'aucun homme pour s'en sortir. Mieux : elles n'oublient pas de se vanner entre elles, pointant malicieusement ce dont on ne plaisanterait jamais avec des super-héros masculins (voir lres remarques sur l'odeur de Wolverine).
Carlos Gomez est sur la même longueur d'ondes que sa scénariste et peut en même temps se faire plaisir, lui qui adore croquer des héroïnes girondes et le fait avec un talent indéniable. On se dit alors que si Frank Cho ou Adam Hughes se mettaient au service d'auteurs féminines, ils ne se seraient pas embêtés apr les culs-serrés qui ne voient dans leur représentations du beau sexe que de la concupiscence.
Mais Gomez n'est pas qu'un dessinateur de belles filles, c'est aussi un narrateur énergique et complet. Dans cet épisode, notamment, il a à composer avec un figuration importante et ne rechigne pas à l'effort. Ses plans offrent des angles variés et dynamiques, ses personnages sont expressifs, avec des attitudes sexys sans être vulgaires. Et le tout est fluide, c'est un page-turner redoutable.
Je ne dis pas que X-Terminators est à mettre entre toutes les mains (même si, en la matière, je préférerai toujours qu'on tombe sur un bouquin avec de jolies nanas qui se fightent que sur un régiment de body-builders qui s'étripent). Mais l'humour et la santé qui animent cette mini-série sont inestimablement rafraîchissants. Et prouvent qu'on peut déjà commencer par écrire et dessiner des comics funs, puis penser à repenser à attirer de futurs fans plus jeunes. Le reste continuera d'avoir sa place. Mais surtout on aura plus de choix. Et donc plus de plaisir.
"depuis quand avez-vous lu un comic-book marrant ? Et cela sans qu(il s'agisse d'une parodie ou d'un pastiche. Les comics, de super-héros puisque c'est d'eux dont on parle, sont sérieux. Trop ?"
RépondreSupprimerJe dirais il y a peu puisque la série Flash c'est marrant à lire depuis Infinite Frontier. C'est même devenu un titre à suivre.
C'est vrai que les comics de Super-héros ont tendance à être dramatique, même si il existe encore quelques comics humoristiques si on cherche bien.