vendredi 11 novembre 2022

FANTASTIC FOUR #1, de Ryan North et Iban Coello


Fichtre ! Elle pique less yeux, cette couverture d'Alex Ross ! Aussi, ne jugez pas cette relance à sa cover, vous passeriez à côté de quelque chose de vraiment bon. Après Dan Slott, c'est au tour de Ryan North de prendre en charge Fantastic Four, avec la promesse de revenir aux fondamentaux, et accompagné du prometteur Iban Coello au dessin.


Ben Grimm et sa femme Alicia s'arrêtent à Cedar, patelin de Pennsylvaie où l'accueil est bizarre. Le concierge ne se souvient plus d'eux le lendemain et la Chose effraie un gamin qui alerte son père.


Le village a par ailleurs un aspect vieillot. Alicia consulte wikipedia sur son téléphone et apprend que l'endroit serait une ville fantôme depuis le 12 Juillet 1947 !
 

Ben et Alicia mènent l'enquête et découvrent que Cedar est pris dans un boucle temporelle, revivant chaque jour le 12 Juillet 1947 sans s'en rendre compte. Quelle est la cause de cette anomalie ?


Profitant de ce jour sans fin, Ben et Alicia finissent par identifier Sanford, l'amoureux éconduit de la serveuse Minnie comme responsable. Ils le convainquent de refaire sa vie pour leur bonheur respectif.


Le lendemain, tout est rentré dans l'ordre. Ben et Alicia quittent Cedar pour regagner New York. Mais Ben sait ce retour sera difficile car Reed Richards a commis quelque chose de terrible là-bas...

Commençons par... La fin de cet épisode avec la postface qu'adresse le scénariste Ryan North au lecteur :
 

Fan de longue date de Fantastic Four, North est auteur canadien multi-primé pour ses séries Adventure Time et The Unbeatable Squirrel Girl. Il travaille en vérité depuis un an à succéder à Dan Slott dont le run est loin d'avoir convaincu les fans. Et North a décidé de revenir aux fondamentaux, avec une sorte de note d'intention comme celle qu'avait rédigée Mark Waid au début de son run avec Mike Wieringo.

Pour cela, il a établi quatre règles : les Quatre Fantastiques sont fun, sont des aventuriers, peuvent tout faire et doivent être accessibles. North envisage la série avec le respect qui est dû à la création de Stan Lee eet Jack Kirby mais aussi avec le souci que de nouveaux lecteurs doivent pouvoir la découvrir sans avoir besoin de se taper 60 ans de comics. Les personnages doivent renouer avec une légèreté propre à leur vocation d'aventuriers car les 4F ne sont pas des super-héros mais des explorateurs. Et leurs pouvoirs leur permettent de tout faire.

Ensuite, il y a la forme : North a annoncé la couleur en expliquant que chque épisode serait auto-contenu mais qu'un fil rouge les relierait. On découvre de fil rouge dans les deux dernières pages de ce n°1 avec une catastrophe spectaculaire qu'aurait provoquée Reed Richards et qui aurait gravement entâché la réputation et la popularité des FF. Cela rappelle ce que Zeb Wells a fait avec sa relance récente de The Amazing Spider-Man où le tisseur était lâché par tous (super-héros, famille, amis) sans qu'on sache pourquoi si ce n'est qu'il avait lui aussi semé un chaos terrible.

Il y a tout pour me plaire dans le projet de North. Je n'ai lu que les premeirs épisodes de Slott et décroché aussi vite. Mais ce que j'ai toujours préféré avec Fantastic Four, ce sont les runs où ça allait vite, fort, avec l'esprit de famille mis en avant, la dimension aventurière, un mix d'action et de fun. Ce que firent John Byrne et Mark Waid et Mike Wieringo. J'ignore si cette fois sera la bonne, si ce sera aussi bon que Byrne et Waid-Wieringo, mais  au moins sur le papier c'est engageant.

Ce qui pourra dérouter dans ce premeir épisode, c'est qu'on ne lit pas un épisode des FF à proprement parler, les deux protagonistes sotn Ben Grimm/la Chose et sa femme Alicia Masters-Grimm (reliquat de la période Slott où ils se sont mariés), partis en congés (sans les gamins skrull et kree adoptés après l'event Empyre. Ouf !). Ils échouent dans un bled perdu de Pennsylvanie dont ils découvent qu'il est pris dans une boucle temporelle. Pourquoi ?

L'idée renvoie évidemment au film Un Jour sans Fin (Harold Ramis, 1993), chef d'oeuvre de la comédie fantastique. Mais North s'approprie cette astuce narrative avec inventivité et comme l'épisode est plus long qu'à l'ordinaire (une trentaine de pages), il peut développer l'argument et ses possibilités de telle manière que le lecteur considère la situation dans son toute son ampleur, depuis l'accueil hostile des habitants jusqu'au mystère entourant cette anomalie physique.

North ne fait pas que soigner son récit, il le fait vivre et, en premier lieu, avec le couple Ben-Alicia, qu'on a rarement vu aussi vivant, attachant. Alicia, en particulier, n'est pas dépeinte comme une infirme fragile couvée par Ben, mais comme une jeune femme séduisante, entreprenante, intelligente, qui a un rôle actif dans l'histoire et sa résolution. Ben, lui, est caractérisé comme on l'aime, l'archétype du brave type bourru, mais qui ne se réduit pas à sa force et qui est lui aussi capable de réfléchir et d'agir en conséquence.

Le problème est résolu avec finesse, de manière romantique, très touchante, et fait écho à la propre relation entre Ben et Alicia. On se moque du fait que Sanford ait développé un pouvoir provoquant la boucle temporelle, l'épisode fonctionne comme une sorte de fable, de métaphore sur le deuil d'un amour et la capacité de résilience, l'acceptation de trouver un autre amour pour dépasser un chagrin sentimental. C'est brillant - jusqu'au bout quand Ben considère tout cela par rapport à ce sui s'est passé avec le reste des Fantastiques (dernière page vraiment renversante, je vous le garantis !).

Au dessin, Iban Coello est un artiste encore méconnu mais qui ne devrait pas le rester longtemps. Mis en avant par Marvel qui en a fait un de ses "stormbreakers" (au même titre que Carmen Carnero, Elena Casagrande, Nic Klein, etc.), il s'est fait remarquer il y a quelques mois avec le récit hors continuité Dark Ages (écrit par Tom Taylor). Mais il change vraiment de dimension avec Fantastic Four car c'est une titre qui a vu passer de grands dessinateurs et c'est la série fondatrice de tout l'univers Marvel Comics.

J'ai coûtume de penser que pour savoir si un dessinateur est fiable pour Fantastic Four, il faut le juger sur sa manière de représenter la Chose. C'est le personnage le plus dur à saisir, avec son aspect si étonnant. Et Coello coche toutes les cases : il le fait grand, imposant (ce qui ne correspond aux critères de Kirby et Byrne mais que, moi, je préfère), bien rocailleux. J'ai déjà dit qu'Alicia gagnait énormément en féminité et n'était plus cette frêle créature aveugle parfois agaçante, et c'est donc un autre bon point.

Coello ne rechigne pas non plus sur les décors. Cedar est un patelin coincé en 1947 et l'artiste sait être subtil pour donner un air vieillot aux bâtiments sans en rajouter. Surtout, il découpe l'épisode de façon très dense et dynamique à la fois, n'hésitant pas à composer ses planches avec des "gaufriers" de douze cases pour montrer les effets de la boucle temporelle et les efforts déployés par les deux héros pour réveiller la population locale à ce sujet.

Ces effets de mise en scène sont à la fois comiques et déconcertants, on se croirait dans un épisode de La Quatrième Dimension, ce qui est une référence évidente pour North. Cela colle à son prinicpe de faire fun et aventurier tout en restant accessible, et in fine de prouver qu'effectivement un membre des FF peut renverser le cours d'une situation mal engagée. 

Ajoutez à cela que c'est l'excellent Jesus Arbutov qui colorise le tout et vous avez vraiment quelque chose de très sympa à lire, avec des ambiances nuancées, respectant le dessin tout en le valorisant.

J'ai envie de dire que c'est un sans faute. En tout cas, c'est très encourageant pour la suite. Et si en plus on tient compte du fait que, avec la numérotation Legacy, ce Fantastic Four #1 correspond au #694, ça signifie qu'en Mai 2023, Marvel va certainement préparer avec North et Coello (et sans doute quelques invités) un 700è numéo historique. Raison de plus pour investir dans ce nouveau volume de la First Family de Marvel !

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