jeudi 20 octobre 2022

BATMAN - SUPERMAN : WORLD'S FINEST #8, de Mark Waid et Dan Mora


A l'heure où sur Twitter certains discutent de qui, entre le scénariste et le dessainteur, est le plus important dans les comics, Batman - Superman : World's Finest apporte une réponse claire, sans ambiguïté : les deux sont essentiels. Et c'est encore une fois Mark Waid et Dan Mora qui le prouvent le mieux avec ce huitième épisode épatant, qui sème le doute sur the Boy Thunder...


Tandis qu'en s'entraînant avec les Teen Ttans, David Sikela gagne le pseudonyme de Boy Thunder, Wonder Girl confie discrètement à Robin ses doutes sur le garçon.


Mais Boy Thunder est déjà appelé ailleurs : il rejoint Gotham avec Superman car la Clé sème la terreur dans la ville de Batman, coincé dans sa Batcave comme tous les habitants où qu'ils se trouvent.


Batman dirige les opérations de secours avec Supergirl qui arrive en renfort. Boy Thunder doit sauver des mineurs, tout en craignant de les tuer avec ses pouvoirs.


De retour à la Batcave après la fuite de la Clé, Supergirl réconforte Biy Thunder, toujours préoccupé. Le Clé rejoint son complice à qui il parle du garçon...

C'est ce qu'on appelle le zeitgest, l'air du temps : ces derniers jours, sur Twitter, un débat agite auteurs et fans sur qui, du scénariste ou du dessinateur, est le plus important dans la réalisation des comics. Les scénaristes s'accordent à dire que sans les artistes, rien n'existerait et qu'ils ne rédigeraient que de la prose, tandis que les artistes conviennent que les scénaristes sont leurs guides, même s'ils existent des auteurs complets qui dessinent et écrivent.

Pour ma part, sans doute parce que j'ai expérimenté le fait de produire des bandes dessinées, seul ou avec un partenaire qui écrivait, je sais que rien n'es tpossible sans une bonne entente. Chacun doit rester à sa place, mais est aussi dépendant de l'autre. Les comics exaltent l'esprit d'équipe, et même quand deux collaborateurs ne s'entendent pas, ça n'empêche pas la production de BD mémorables, matérialisées par deux esprits inspirés, qui souhaitent avant tout combler le lecteur.

Or, il se trouve que cet esprit d'équipe est précisèment au coeur de ce huitième épisode de Batman - Superman : World's Finest. On peut même dire que chaque page en parle, de la première à la dernière. Mark Waid n'a pas, à ma connaissance, pris parti à ce débat récurrent et bien creux, mais son expérience et sa complicité avec ses artistes lui ont sûrement permis d'apprécier à quel point il est fondamental de regarder dans la même direction.

La première scène ainsi voit David Sikela, ce jeune garçon dont on a fait la connaissance le mois dernier, unique survivant de sa planète, s'entraîner avec les Teen Titans (formation roriginelle des années 60) pour tenter de maîtriser ses pouvoirs. Il gagne au passage le surnom de Boy Thunder. Mais Wonder Girl confie discrètement à Robin sa méfiance : elle ne sent pas ce gosse, surpuissant et venu de nulle part...

World's Finest est une BD d'action et Waid ne veut pas laisser au lecteur le temps de souffler, sauf si lui le décide. On enchaîne sur une longue séquence, qui occupe la majorité de l'épisode avec Gotham en crise à cause du vilain la Clé. Celui-ci a provoqué une vague de panique en suggérant aux habitants une phobie bien spéciale, contraignant même Batman et Robin à rester coincés dans la Batcave. Superman et Boy Thunder sont appelés en renfort, suivis ensuite de Supergirl.

Là encore, le travail d'équipe va s'avérer essentiel : Batman guide les deux kryptoniens et leur mascotte pour éteindre des incendies, aider les secours, éviter le chaos, etc. Boy Thunder est sollicité aussi et on l'envoie sauver des mineurs coincés dans une galerie souterrainne. Mais David s'affole, craignant de tous les tuer en ne dosant pas suffisamment ses pouvoirs. Il recule, s'enfuit, puis se ravise. Le temps que Superman arrive sur les lieux, les mineurs sont sauvés.

Supergirl réconforte Boy Thunder à la Batcave en lui résumant sa propre histoire, similaire à la sienne. Encore une fois : esprit d'équipe, solidarité, complémentarité. Sauf que, après quelques images troublantes lors de la scène à la mine, d'autres flashs du passé de David Sikela viennent jeter un voile de soupçon sur ce dernier : on le voit notamment se disputer avec ses parents... Comme Wonder Girl, c'est au tour du lecteur de ne pas sentir si bien que ça ce gamin, d'avoir des doutes sur son histoire, de se méfier de sa puissance....

Enfin, les deux dernières pages révèlent que la Clé, qui a réussi à filer avant que Batman et Superman ne le capturent, a un complice - mais je tairai son identité. On a encore là une équipe, dont le chef a un rapport très particulier avec les orphelins sidekicks de héros adultes...

Tout ça est si bien emballé qu'on cherche en vain la moindre faille, la petite bête dans ce script si simple et si efficace. Waid nous a emmenés là où il le voulait, sans effort, sans qu'on se méfie (ou juste assez pour qu'à la fin, on nourrisse des doutes sérieux). La fluidité de la narration est prodigieuse.

Et c'est pareil côté dessin. Car Dan Mora nous entraîne dans des scènes palpitantes spectaculaires à un rythme d'enfer. On tourne les pages avec le sourire aux lèvres, on est ébloui par la richesse picturale, la foule de détails, la variété du découpage, toujours pensé pour être le plus clair et le plus percutant possible.

Alors que le premier arc de la série misait sur Batman et Robin (avec le voyage temporel de ce dernier), ce deuxième récit donne à Superman plus d'importance. Waid sait magnifiquement écrire le Man of Steel et Mora le dessine avec une fraîcheur telle qu'on aimerait le voir ainsi incarné à l'écran (suggestion au passage à la Warner Bros. qui, semble-t-il, a décidé de redonner sa chance à Henry Cavill).

Sous le crayon de Mora, Superman est ce personnage solaire, bienveillant, altruiste, mais pas benêt. En imaginant cette histoire de Boy Thunder (en écho au Boy Wonder que fut Robin pour Batman), Waid et Mora composent un Superman formateur, dans le passé de la série, donc bien avant qu'il ait son prore fils. Mais il a hérité d'un élève dont on devine qu'il n'a pas tout dit à son tuteur, ce qui pimente et l'intrigue et leur relation - car, pour l'instant, Superman fait partie de ceux qui ne se doutent de rien.

Mora parvient également, à donner à la Clé, un vilain de seconde zone, une présence vraiment inquiétante, capable de semer le chaos de façon importante, et de s'alllier à un criminel d'envergure. De quoi là aussi, après le Diable Nezha, fournir à la série un bon adversaire.

Je veux aussi citer Tamra Bonvillain, la coloriste, qui collabore avec Mora depuis longtemps (ils ont réalisé ensemble les trente épisodes de Once & Future, écrits par Kieron Gillen). Bonvillain utilise une palette avec des couleurs très vives, lumineuses, qui collent parfaitement à l'ambiance du script et au trait de Mora. Cela contribue au charme puissant du titre tout en "endormant" un peu le lecteur, car derrière cette vitrine chaleureuse, on a une histoire plus trouble qu'il n'y paraît, et des personnages tout sauf monochromes.

Pour tout cela, World's Finest est chaque mois le comic-book qui rend heureux. C'est divinement conçu, et ça rappelle que la BD, ça se fait à deux, que quand c'est bien fait, c'est parce que tout simplement le scénariste et le dessinateur sont sur la même longueur d'ondes à compétences égales.

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