jeudi 16 juin 2022

X-MEN : RED #3, de Al Ewing et Stefano Caselli


La température monte, et pas que sur notre Terre ! Sur Arakko/Mars aussi, les esprits s'échauffent avec le duel annoncé entre Vulcain et Tarn l'Indifférent. Al Ewing prend prétexte de ce combat pour sonder encore plus profond les manigances d'Abigail Brand et comment Tornade va y répondre. Stefano Caselli sort le grand jeu en donnant à ces luttes de pouvoir une dimension très physique.


Vulcain a lancé un défi à Tarn l'Indifférent pour le remplacer à la table du Cercle d'Arakko. Tornade rend visite à Abigail Brand dans la station du Pic pour savoir ce qu'elle trame.


De retour sur Arakko, Tornade débat de la situation avec le Roi Pêcheur, Sunspot et Magneto qui est sollicité pour affronter Tarn à la place de Vulcain afin de bloquer les plans de Brand.


Le maître du magnétisme décline et le combat a lieu dans le Cercle Périlleux. Vulcain prend d'abord l'avantage en siphonnant l'énergie de Tarn, qui se ressaisit vite et massacre le krakoan à mains nues.


Dans les tribunes de l'arène, la tension est à son comble lorsque Magneto surgit pour affronter Tarn. Sunspot provoque Isca qui devine que quelque chose de choquant se prépare...

J'ai beaucoup aimé S.W.O.R.D. du même scénariste, bien que la série n'était pas sa meilleure production et a souffert de ne pas avoir un dessinateur régulier après Valerio Schiti. Il fallait, disons, apprécier sa narration très spéciale où souvent l'essentiel se déroulait hors-champ, soulignant le goût d'Abigail Brand pour les coups fourrés.

Ceci étant dit, X-Men : Red (qui en est sinon la suite, du moins le prolongement) de Al Ewing montre à quel point cet auteur fait tout de même nettement mieux désormais. En trois épisodes seulement, la série s'est imposée comme une des meilleures de la franchise X - peut-être même la meilleure tout court. Ce numéro en témoigne.

Le programme était clair dès le mois dernier avec l'annonce d'un duel entre Vulcain et Tarn l'Indifférent que Brand voulait déloger du Cercle d'Arakko pour y placer Gabriel Summers afin d'avoir un agent dans la place. Brand ne se cache plus guère : elle veut prendre les rènes de la planète Mars, pour qui elle a de grands projets - sans doute excédant ceux d'Orchis dont elle est l'alliée (mais Brand ne roule-t-elle pas avant tout pour elle-même ? A mon humble avis, Orchis comme Krakoa ne sont que des moyens pour elle d'arriver à ses fins.).

Passée la scène d'ouverture où on assiste à la résurrection de Cable et un début d'explication entre lui et Thunderbird, interrompue par Manifold (qui vient de lâcher Brand et le SWORD), une pleine page en forme d'affiche présente l'affrontement à venir, tel un match de catch auquel sont conviés tous les arakki. Tornade rejoint Brand dans la station du Pic pour tenter de voir clair dans son jeu. 

L'échange montre deux choses : 1/ qu'il s'agit de deux stratèges, ne dissimulant plus l'animosité qu'elles éprouvent l'une envers l'autre (Tornade sait que Brand suit son propre agenda, Brand nargue Tornade sur ce qu'elle ignore et craint) ; 2/ que Ewing est le scénariste qui écrit le mieux Tornade depuis une éternité. Il a hérité d'un personnage établi par Hickman comme une sorte de prétresse mutante, mais il ne s'en est pas contenté et l'a élevée au rang qui sied à celle qui a souvent été designée comme une déesse.

Ewing a opéré une synthèse remarquable de toutes les Ororo qu'on a vues : relookée en s'inspirant de la Storm mohawk des années Paul Smith, régente rebelle d'Arakko, meneuse innée, mutante surpuissante, arrogante et résolue mais profondément humaine malgré tout, c'est magistral en termes de caractérisation. On en a vu passer des auteurs qui ont animé Tornade ces dernières années (décennies) en privilégiant l'une ou l'autre de ces facettes, mais jamais vraiment un qui a su toutes les prendre en compte pour dessiner un personnage complet, ouvertement dominateur, l'égal de Xavier, Magneto, Cyclope - alors même qu'elle a été plusieurs fois à la tête des X-Men et demeure une des membres les plus iconiques de la "mutanité" depuis 1975.

La force des personnages, c'est la grande qualité de l'écriture de Ewing, qui réussit toujours à trouver et à exploiter un angle pour rendre untel plus sexy, dangereux, charismatique. Il transforme le plomb en or avec son casting hétéroclite, même le temps d'une scène (la tension entre Cable et Thunderbird, l'émotion poignante de Magneto quant il évoque son premier enfant non mutant, la surprise furieuse d'Isca l'Imbattable, la malice sournoise de Sunspot).

Mais Ewing sait aussi conduire ses intrigues et on est servi aavec cet épisode explosif qui trouve son climax dans un affrontement terrible entre Tarn et Vulcain. Visiblement, le scénariste ne porte pas dans son coeur les deux adversaires à qui il inflige un traitement saignant. Ceux qui espéraient de la baston brutale ne seront pas déçus, et le mieux, c'est que ce n'est pas gratuit. Encore une fois, à la fin de l'épisode, les cartes sont rebattues.

Visuellement, il faut encore donner de la chair à ce qui pourrait se résumer à un duel psychologique et de la foire d'empoigne. Stefano Caselli a ce style parfait pour cette série car il incarne ses personnages avec beaucoup de densité.

Si chaque scène est électrique, c'est aussi grâce au talent de l'artiste italien qui représente les protagonistes toujours sur les charbons ardents. Il y a de la nervosité dans l'air, c'est palpable. Tornade comme Magneto ont du mal à contenir leurs émotions face à des calculateurs comme Brand et Sunspot, qui se plaisent à les piquer au vif.

Caselli excelle dans les postures, les attitudes, les expressions. Il n'a pas besoin de forcer le trait, parce qu'il sait parfaitemetn cadrer une scène, placer les acteurs, il place le lecteur au centre de l'action, spectateur attentif et vigilant. Il y a une allure certaine dans sa manière d'orchestrer cela, Caselli a acquis une maturité impressionnante, celle qui distingue les narrateurs des simples illustrateurs. Il s'empare du contexte, des intervenants et sert le texte idéalement.

Cette adresse à composer avec les dialogues trouve un écho imparable quand l'action se fait plus physique, violente. L'affrontement entre Tarn et Vulcain occupe plusieurs pages avec un découpage à la fois simple et efficace. Les coups sont ressentis, il y a une âpreté jubilatoire dans la confrontation entre ces deux mutants oméga, qui finalement règlent leur affaire aux poings, dans le sang et la poussière. Puis quand Magneto entre en scène, l'issue est fulgurante et Caselli a recours au hors-champ, moins par pudeur que parce qu'il sait qu'en montrer davantage n'apporterait rien qualitativement parlant - il laisse au lecteur le soin de combler ce qu'il ne voit pas, c'est parfait.

X-Men : Red est une grande série. Peut-être la meilleure de la franchise X. Et Al Ewing avec Stefano Caselli ont la carrure des nouveaux patrons des titres mutants.

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