Comme je le pressentais, ce douzième épisode de X-Men marque bien la fin de la première "saison" écrite par Gerry Duggan. Les intrigues trouvent un dénouement efficace et d'autres sont amorcées, mais ce qui domine, c'est une impression de bilan. Pepe Larraz conclut avec énergie ce chapitre riche en action, pour ce qui est (peut-être) sa dernière contribution au titre.
Cyclope affronte Dr. Stasis qui s'avère être Nathaniel Essex, le tout premier Mr. Sinistre. Synch les rejojnt mais Essex réussit à fuir en déclenchant des explosifs dans son laboratoire.
Au même moment, Cordyceps Jones se rend compte, mais trop tard, qu'il a été joué par les mutantes dans son casino. Il est neutralisé et enfermé, et les joueurs sous son emprise libérés.
Ben Urich, après un échange avec Cyclope et Synch, publie un article révélant que les mutants ont vaincu la mort. Qu'est-ce que cela va inspirer au reste de l'humanité ?
Intervenant contre l'Homme-Taupe à Madrid, chacun des X-Men s'interroge sur son avenir dans l'équipe. Sur Phobos, Essex rejoint Feilong avec qui il compte bien gâcher le prochain Hellfire Gala...
Ce douzième épisode de X-Men vient rappeler que cela fait donc un an que Gerry Duggan est aux commandes de la série. Et le scénariste nous invite explicitement à dresser un bilan de sa prestation tout comme ses héros s'interrogent sur leur place dans l'équipe. C'est sinon la fin d'une ère, en tout cas la fin d'un premier cycle.
Du coup, l'ambiance est étrangement mélancolique. Si Hickman a quitté le titre et la franchise sans cérémonie (préférant conclure son run avec Inferno), Duggan, lui, semble estimer qu'il faut considérer ses douze premiers épisodes comme un tout. C'est donc bien une "saison" comme on l'entend pour une série télé qui s'achève et la dernière page annonce la couleur : le prochain Hellfire Gala (qui sera contenu dans un seul n° spécial cette année) va redessiner la configuration des X-Men, avec des membres sur le départ, d'autres qui les remplaceront, mais aussi une menace pour la grande fête donnée par Emma Frost.
Avant cela, Cyclope et Synch essuient un échec en essayant d'arrêter Dr. Stasis. On découvrait à la toute dernière page du numéro précédant qu'il s'agissait de Mr. Sinistre. Mais on en apprend davantage ici : Stasis serait (le conditionnel est de mise pour quelqu'un qui s'est fait une spcécialité de se cloner) Nathaniel Essex, l'original, le premier de la lignée. C'est un twist intéressant pour deux raisons.
La première, c'est que, évidemment, le Mr. Sinistre qui siège au Conseil de Krakoa n'est donc pas l'original, mais un clone. Il faut s'attendre à des explications à ce sujet, même si on peut raisonnablement penser qu'elles se dérouleront dans la série Immortal X-Men plutôt que dans les prochains épisodes de X-Men (jusqu'en Septembre, au moins, la série complètera l'event Judgment Day).
La seconde, c'est que ça fait sens, et c'est le plus important. Car le Nathaniel Essex que Cyclope affronte ici renoue avec le Mr. Sinistre machiavélique et génocidaire des années 80, un vrai méchant, mais également, et c'est aussi essentiel, avec ce que racontaient les data pages de Powers of X, avec le Mr. Sinistre évoqué par Hickman dans le futur, allié d'Orchis, puis sacrifié par Nimrod lorsqu'il a découvert qu'il concevait les Chimères (ce à quoi s'amuse aussi le Sinistre de Krakoa - logique, car on peut imaginer que les clones d'Essex fonctonnent comme un esprit collectif, de ruche, ayant des idées similaires et simultanées).
En parallèle, on assiste à la fin de la confrontation entre les X-girls de l'équipe et Cordyceps Jones sur le Gameworld. Duggan est inspiré sur cet épisode, sans doute sont plus abouti, en osant, avec succès, employer une astuce basée sur la manipulation mentale. Jean Grey a montré à Jones ce qu'il voulait voir, soit la déroute des mutantes face à son emprise par les spores qu'il diffuse. Du coup, une fois la ruse éventée, il est trop tard pour le monstre et il est contenu par Malicia, Wolverine, Polaris et Jean Grey. Par un effet domino, tous les joueurs de l'établissement, possédés par Jones, retrouvent leur autonomie et Duggan glisse dans un dialogue entre Jean et Malicia une référence aux crimes du Phénix, que Marvel Girl vient d'effacer de son passif en sauvant des trillions d'individus menacés par les jeux de Jones.
Sur cette partie de l'épisode, Pepe Larraz est déchainé et enchaîne les scènes d'action en majesté. Son trait vif et élégant donne une intensité jubilatoire à ces combats. Il est dans son élément et gratifie le lecteur de planches somptueuses, en particulier sur le Gameworld, avec des couleurs magnifiques de Marte Gracia.
Le découpage est nerveux mais précis, et on peut sentir le plaisir du dessinateur à animer les quatre filles en montrant leur complémentarité mais aussi leur charme singulier. Jean Grey spécialement a droit à des plans amoureusement composés où elle s'impose comme la reine. Tout comme Al Ewing a su reprendre en main Tornade comme peu y étaient parvenu depuis trente ans, Duggan et Larraz sont arrivés à produire une version vraiment parfaite de Marvel Girl, désormais pourvu d'un costume original qui a vraiment une classe folle (merci Russell Dauterman).
Mais X-Men #12 a encore des munitions à tirer et elles ne sont pas négligeables. D'abord, Cyclope et Synch se livrent à Ben Urich et le laissent publier un article sur l'immortalité conquise par les mutants. C'est une bombe et on devine que Duggan va en exploiter l'impact dans la seconde "saison" de son run (du moins je l'espère).
La transition pour la séquence suivante est organique : en mission à Madrid contre une attaque de l'Homme-Taupe, chaque X-Men se questionne à voix haute sur son avenir dans l'équipe. Le premier à le faire est bien sûr Cyclope qui sait qu'en parlant du secret de Krakoa à Urich il risque d'être sanctionné par le conseil et lors de la prochaine élection pour la composition de l'équipe. J'avoue que si Cyclope a un côté incontournable, qu'il est le leader historique des X-Men et qu'il mériterait de le rester, j'aimerai que Duggan (et Marvel) ose(nt) l'écarter, s'en passer. Jean Grey serait sa remplaçante naturelle, logique - surtout quand on note l'affection manifeste de Duggan pour elle.
Le scénariste paraît d'ailleurs pressé d'être au prochain Hellfire Gala puisqu'il laisse ouvertement entendre qui va quitter les X-Men. Sunfire, ce n'est pas un surprise : il a été peu utilisé, comme si Duggan ne savait pas quoi en faire. Polaris pourrait aussi partir, ce qui est déjà plus étonnant, vu la popularité qu'elle a gagné en un an (et le fait qu'elle ait élue par les fans l'an dernier). Malicia aussi va aller ailleurs - où ? Mystère. Mais Duggan veut réunir Anne-Marie avec Destinée et Mystique, et surtout les pouvoirs de la mutante font trop doublon avec ceux de Synch (qui, lui, semble indétrônable). Wolverine, c'est moins sûr, et ce, même si, comme pour Cyclope, il est difficile d'imaginer des X-Men sans un(e) Wolverine, mais Duggan l'a peu exploitée et il ne semble pas inspiré par la romance en suspens avec Synch.
Cette scène curieuse entre baston et interrogations existentielles est merveilleusement dessinée par Larraz, qui a encore l'occasion de prouver que l'action est son domaine de prédilection. Si ce devait être son dernier épisode, il sort en beauté.
Si ce premier Acte a connu des hauts et des bas, surtout dans sa première partie, il s'est montré captivant et abouti ces six derniers mois. Duggan a roulé au diesel mais il semble bien lancé maintenant. Avant de renouer avec le dur, la prochaine escale sera pour le mois prochain avec le nouveau Hellfire Gala, et à l'Automne, une fois les tie-in à Judgment Day achevés.
Sympa cette évocation visuelle de "Born Again" (certes Larraz se contente de calquer Mazzucchelli, mais c'est pour mieux permettre au lectorat de reconnaître ce moment marquant du meurtre au téléphone dans DD #230).
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