dimanche 8 mai 2022

NEAL ADAMS (1941 - 2022) - GEORGE PEREZ (1957 - 2022)

Gloomy Sunday...

En moins d'une semaine, deux authentiques géants des comics nous ont quittés. Ils méritent bien d'être associés pour cet hommage car ils avaient beaucoup de points communs.


Neal Adams a été un titan de l'industrie des comics. De son propre aveu, il a toujours voulu dessiner des illustrés, et comme il n'a jamais douté ni de son talent ni de son objectif, il a réalisé son rêve. Mais il l'a surtout dépassé en devenant une personnalité iconique du milieu.


Je ne vais pas rédiger sa biographie, elle est disponible facilement et permet de mesurer le parcours et l'importance du bonhomme. Répéter tout cela serait radoter. Je préfère m'attacher à ce que je garderai de Neal Adams, en commençant par Batman, bien sûr. Car Adams a réellement révolutionné le regard que tout fans porte sur le dark knight. Son influence sur le personnage est encore incontournable aujourd'hui. J'ai découvert ses épisodes, écrits par Bob Haney ou Denny O'Neil, avec cette sensation qui ne trompe jamais : celle de voir à l'oeuvre une esthétique fondamentale - une évidence.


Puis, avec beaucoup de retard, je lus la série Green Lantern/Green Arrow. Une claque, qu'on doit à Denny O'Neil, cet autre auteur remarquable entre tous. Une production qui utilisait des super-héros pour raconter quelque chose au-delà du folklore habituel, avec une touche sociale mémorable. Neal Adams posa sur ces récits des images fortes, scellant la relation entre les deux héros de manière définitive.


Enfin, on ne peut pas évoquer Neal Adams sans parler du graphic novel Superman vs. Muhammad Ali. Un objet iconoclaste, mais qui mettait en scène deux combattants emblématiques de l'Histoire américaine. Encore une fois avec O'Neil, l'artiste complétait un bouquin culte mémorable, où son style réaliste, virtuose, faisait merveille.


Mais, avant tout cela, il y eut X-Men. Dans les revues Lug, les épisodes de Roy Thomas et Neal Adams furent un gigantesque choc narratif pour le gamin que j'étais qui découvrait les super-héros. Les découpages fous, les couleurs psychédéliques, Havok, Polaris, le Monolithe Vivant, less Sentinelles, autant de kifs. C'était avant la relance des mutants par Cockrum, Wein et Claremont : toute une époque. Et c'est à cela aussi qu'on reconnaît la place historique qu'a occupé Neal Adams.

*


On savait que George Pérez allait s'en aller depuis qu'il avait rendu public qu'il souffrait d'un cancer en phase terminale et qu'il avait cessé les soins pour profiter de ce qui lui restait à vivre en compagnie de ses proches. N'empêche, c'est avec une immense tristesse que j'ai appris son décès hier soir. Et son départ acte la fin d'une partie de ma jeunesse.


Cette couverture, vous voyez, me renvoie quand j'avais une dizaine d'années. A cette époque, je ne jurai que par Uncanny X-Men de Claremont et Byrne. Et puis ma mère consentit à m'acheter un recueil Arédit des Jeunes T., la traduction d'alors pour The New Teen Titans. Et rien ne fut plus jamais pareil : il y avait Claremont/Byrne et désormais Marv Wolfman/George Pérez. Je doute relire un jour une version aussi aboutie et grisante de cette équipe, avec des arcs aussi mémorables que la saga de Trigon, ou le Contrat de Judas. Pérez ne faisait pas que mettre en images des scripts magistraux, il les transcendait avec des planches étourdissantes, d'une richesse graphique proprement vertigineuse.


A peine quelques mois plus tard, je découvris Crisis on Infinite Earths et j'eus du mal à croire que Pérez pouvait encore faire mieux, plus fort que The New Teen Titans. Mais cette saga  de douze épisodes, qui changea la face du DCU, et bouleversa tout ce à quoi des fans de super-héros pouvaient être habitués, fut un séisme. Quand Pérez avait besoin de souffler, il était remplacé par Jerry Ordway, c'est vous dire le niveau de qualité : deux Ferrari sur ce circuit.


Ensuite, j'avoue, Marvel boy que j'étais, je n'ai plus suivi pendant longtemps la carrière et la production de George Pérez. Il a fallu qu'il arrive dans "la Maison des Idées" pour qu'à nouveau je renoue avec lui, avec ses Avengers écrits par Kurt Busiek, foisonnants, impressionnants, et le crossover de la mort : JLA/Avengers - réédité récemment.

Et en mentionnant ce fonds destiné à aider des créateurs de comics dans le besoin, on peut noter qu'en dehors de leur génie pour le dessin Adams et Pérez avaient en commun de ne pas se contenter de s'asseoit à leur table à dessin pour illustrer les aventures des plus grands héros de la Terre. C'étaient aussi ce qu'on appelle des artistes engagés, pas pour faire beau, mais pour des actions concrètes.
Adams s'est ainsi battu très tôt dans sa carrière, au risque de perdre plus qu'il n'avait à y gagner, pour les droits d'auteur. Il a obtenu que les créateurs de Superman (Jerry Siegel et Joe Schuster) soient ainsi dûment payés par DC Comics pour avoir inventé le Man of Steel
Pérez, lui, a été à l'origine de HERO Initiative pour laquelle il dessinait des inédits vendus aux enchères afin de supporter ses pairs dans la difficulté, comme pour payer leurs frais médicaux. Il rallia à sa cause de nombreux autres collègues et quand, après tout ce temps, fut réédité JLA/Avengers, ce n'était pas pour son profit mais encore, toujours, pour l'association.

Depuis la disparition de ces deux titans, les hommages, unanimes, abondent. Ils sont tous mérités et prouvent à quel point ces deux hommes ont marqué le média et ses acteurs et ses fans. Tous deux étaient respectés, et tout le monde louait leur gentillesse, leur accessibilité, en même temps que leur force de travail. Adams a travaillé jusqu'à la fin, et son dessin avait conservé ce dynamisme épatant. Pérez, lui, avait tout donné pour son art et seule la maladie l'avait forcé à poser son crayon.

Mais à chaque fois que je verrai une planche de l'un d'eux, je redeviendrai ce gamin époustouflé que je fus devant ces maîtres qui incarnaient avec générosité et professionnalisme la bande dessinée américaine qui me tient tant à coeur. Ils sont partis mais ne seront jamais oubliés, leur legs est immense et leur assure une forme d'immortalité. C'est la grâce qu'offre la BD à ceux qui la servent si bien.

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