samedi 30 avril 2022

THOR #24/750, de Donny Cates et Nic Klein, avec Walter Simonson, Dan Jurgens, J. Michael Straczynski et Olivier Coipel, Al Ewing et Lee Garbett, Jason Aaron et Das Pastoras


Je ne suis plus Thor depuis un bail, et le run de Donny Cates m'a vite découragé. Mais c'est un épisode spécial que celui-ci : ce numéro 24 est aussi le 750ème de Thor, si on prend en compte tous les volumes de ses séries. Donny Cates y fait équipe avec Nic Klein, mais partage l'affiche avec de prestigieux invités qui ont marqué l'histoire du dieu du tonnerre chez Marvel pour ses soixante ans de parution.
 

Thor prononce l'éloge funêbre de son père, Odin, récemment mort. L'ancien Père-de-tout et roi d'Asgard a droit à des funérailles de viking. Même si Thor partage sa peine avec son demi-frère, Loki...


- Prologue (Ecrit et dessiné par Walter Simonson.) - Comment Beta Ray Bill est devenu le guerrier légendaire qu'on connaît, après avoir été capturé et fait l'objet d'expériences...


- The Seduction (Ecrit et dessiné par Dan Jurgens.) - Muni d'armes qui corrompent son âme, Thor ne devra son salut qu'à l'intervention d'Odin et de son demi-frère, Balder le brave...


- Benedictions (Ecrit par J. Michael Straczynski et dessiné par Olivier Coipel.) - Thor convoque en Asgard un notaire humain pour qu'il rédige ses dernières volontés...
 

- What Comes Next (Ecrit par Al Ewing et dessiné par Lee Garbett.) - Loki surgit 14 milliards d'années dans le passé et prévient Taaia, la mère de Galactus, d'un grave danger imminent pour le Multivers...

- Who Wields Who ? (Ecrit par Jason Aaron et dessiné par Das Pastoras.) - Il y a un million d'années sur Midgard, Odin doit affronter des géants de glace sans l'aide de Mjolnir qui refuse de lui obéir...

Il est loin le temps où j'ai aimé lire Thor. Je doute, à l'allure où vont les choses, renouer un jour avec ce plaisir. Le long run de Jason Aaron ne m'a séduit que lorsque Jane Foster a été jugée digne de soulever Mjolnir, avec les dessins magnifiques du (depuis) trop rare Russell Dauterman. Lorsque Donny Cates a succédé à Aaron, j'espérai quelque chose qui ne s'est pas produit, assistant affligé à une reprise survendu, malgré là encore un artiste doué (Nic Klein). En vérité, il faut remonter au run, trop court, de J. Michael Straczynski et Olivier Coipel (en 2007 !) pour que je me rappelle d'une proposition intéressante pour le dieu du tonnerre...

Alors JMS avait accepté d'écrire la série initialement offerte à Neil Gaiman, en s'inspirant de thèmes et motifs chers à ce dernier (l'existence des dieux validée par la foi des humains). Avec Coipel, le scénariste fit de Thor un personnage revenu d'entre les morts et confronté aussi bien à sa mortalité qu'à la responsabilité de restaurer Asgard, de trouver une raison d'être au panthéon nordique, le tout dans le décor bien décalé d'une bourgade américaine.

Malheureusement, Marvel gâcha tout en précipitant Thor dans un event par ailleurs raté, Siege, écrit par Brian Michael Bendis et dessiné par... Coipel, qui venait de quitter la série. JMS, déçu qu'on interfère avec ses plans, claqua la porte de Marvel pour s'exiler chez DC. Matt Fraction tenta, encore avec Coipel, de relancer la machine, sans convaincre. Puis Jason Aaron s'installa sur le titre, avec Esad Ribic...

Aujourd'hui, Cates vient d'achever un arc dans lequel il a sacrifié, au terme d'une intrigue d'une rare bêtise, Odin. Marvel a fait ses calculs et compté que ce 24ème épisode coïncidait avec la 750ème aventure du dieu du tonnerre, tous volumes et titres solos confondus. Je n'ai pas vérifié l'exactitude de cette comptabilité, mais l'éditeur a mis les petits plats dans les grands en publiant une giant-size issue de plus de 60 pages.

L'épisode s'ouvre et se ferme avec les funérailles grandioses d'Odin. Enfin.. Supposément grandioses, car, mise à part une double-page au début effectivement impressionnante, le reste est plutôt cadré serré, intimiste, et n'impressionne guère. L'émotion fait cruellement défaut tant le discours prononcé par Thor manque de personnalité, parasité par une voix off envahissante et inutile. Cates est décidément incapable de produire autre chose que de l'épate-couillon, ce qui lui réussit dans ses creator-owned abîmant immanquablement ce qu'il produit pour Marvel. Quant au dessin de Nic Klein, je lui reconnais une technique certaine, mais par contre je n'aime pas du tout la manière dont il représente Thor, si loin de ce qu'un Kirby, un Buscema, un Romita Jr ou un Coipel en ont fait.

Plus là pour célébrer les soixante ans du dieu du tonnerre que pour accompagner le cortège désolant de Cates, les invités sont plus inspirés, c'est un comble. Que Walter Simonson, cette légende vivante qui a révolutionné le personnage, nous conte les origines de Beta Ray Bill et c'est une leçon humiliante pour Cates et Klein tant, en quelques pages, il donne un souffle plus épique que dans les 23 épisodes du run actuel.

Dan Jurgens se charge lui aussi du texte et des dessins de sa partie. On peut regretter que Marvel n'ait pas laissé John Romita Jr l'accompagner - ou pas si on se fie au dramatique niveau affiché par l'artiste sur le relaunch de The Amazing Spider-Man paru cette semaine. Ce segment, censé mettre en avant Balder le brave, loupe un peu le coche, et l'encrage de Klaus Janson est affreux.

Et puis, ô joie ! J. Michael Straczynski et Olivier Coipel entrent en scène et c'est le retour des enfants prodigues. C'est magnifique, subtil, et ça rappelle à quel point en une douzaine d'épisodes, ces deux-là ont redéfini Thor, mieux que tout ceux qui leur ont succédé. Ah si seulement Joe Quesada n'avait pas fourré son nez là-dedans il y 14 ans...

Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, voilà que Al Ewing et Lee Garbett se joignent à la fête. Le scénariste estimait, lui aussi, avoir été empêché d'écrire Loki, Agent of Asgard, comme bon lui semblait (son run ayant quand même été traversé par trois events !). Mais il a, de son propre aveu, accepté de rempiler, avec à la clé sa prochaine mini-série Defenders Beyond, où il renouera avec le Dieu de la Malice. Lee Garbett nous régale avec des planches à tomber.

Evidemment, Jason Aaron, le fossoyeur de Thor, se pointe pour une énième variation sur son obsession débile (Mjolnir et qui mérite de le brandir). C'est donc répétitif et assommant, mais les dessins de Das Pastoras ont un certain cachet.   

Je vous fais grâce du cliffhanger qui annonce le crossover Banner of War, avec le concours de qui a la plus grosse entre Thor et Hulk, concocté par Cates, et qui ne semble être là que pour confirmer pourquoi j'ai arrêté de croire que Marvel voulait que le dieu du tonnerre soit au coeur de bonnes histoires.

Un n° anniversaire peu digeste donc, mais avec quelques pépites qui raviront les fans d'une époque bien révolue.

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