samedi 9 avril 2022

CAPTAIN MARVEL ANNUAL 2022, de Torunn Gronbekk et Carlos Gomez


Bien que je ne suive plus la série Captain Marvel depuis un bail, j'ai jeté on dévolu sur cet Annual 2022 pour le plaisir de retrouver les Starjammers, un groupe de personnages que j'adore, fruit de l'imagination de Dave Cockrum, et dont l'histoire est liée à Carol Danvers. Ecrit par Torunn Gronbekk (et non Kelly Thompson) et dessiné par Carlos Gomez, ce numéro est régal.


Carol Danvers est arrêtée dans un casino du secteur K'rsak pour une bagarre. Jugée et condamnée rapidement, elle est envoyée dans la prison d'Ashmount. Mais tout cela fait partie d'un plan...


Sur place, elle retouve en effet les Starjammers qui veillent sur Bean, sa protégée d'origine Kree, traquée par les Quatre de Hala, des fanatiques eugénistes. Carol déclenche une émeute.


Le chaos qui s'ensuit permet l'évasion des Starjammers et de Bean. Une fois dehors, Captain Marvel doit encore se débarrasser d'une gigantesque méduse pour couvrir la fuite de ses amis.


Rejoignant leur vaisseau, les Starjammers voient Bean filer car elle refuse qu'ils se sacrifient pour elle. Les Quatre de Hala resurgissent. Mais pourquoi veulent-ils la tuer ?

Chaque fan de comics (et même chaque auteur) a des personnages qu'ils adorent et qui ne font pas partie des vedettes couvées par les éditeurs, des héros de second plan, qui n'ont jamais eu assez de reconnaissance publique pour avoir leur propre série régulière mais qui ont partagé l'affiche avec des stars lors de sagas cultes.

Chez Marvel, j'ai un gros faible pour les Starjammers depuis la Saga des Broods dans les pages de Uncanny X-Men par Chris Claremont et Paul Smith au milieu des années 80. Menés par le père de Cyclope, Christopher Summers/Corsaire, ils ont été créés par Dave Cockrum qui les a conçus graphiquement, et animés par Claremont donc. On reconnaît immédiatement les designs, même aujourd'hui un peu modifiés, de Cockrum, cet artiste génial pour dessiner des personnages au look unique. On sait aussi que ce sont des personnages à lui parce qu'ils incarnent sa passion pour les films de pirates, de cape et d'épée (comme Diablo, avant que Claremont et tous les autres en fassent un elfe catholique). Les Starjammers sont des pirates de l'espace et non des super-héros.

Leur route a donc croisé celle de Carol Danvers lors de la Saga des Broods dans laquelle Ms. marvel devint Binaire (que Kelly Thompson s'apprête à remette au goût du jour). A cette époque, victime des pouvoirs de Malicia, Carol Danvers a subi un traumatisme mental et va se ressourcer auprès de cette bande de pirates tout en voyant ses pouvoirs évoluer à un niveau cosmique. Cockrum concevra aussi le design du costume de Binaire (un autre chef d'oeuvre, qu'a réactualisé sobrement Russell Dauterman).

La perspective des retrouvailles de Carol Danvers et des Starjammers a suffi à me faire craquer pour acquérir cet Annual, sans que je sache même ce qu'il allait raconter. Kelly Thompson, scénariste de Captain Marvel, a laissé passer son tour et Marvel a confié l'écriture de ce numéro à Torunn Gronbekk, auteur encore peu connue mais qui a plusieurs projets programmés dans les mois à venir, et qui, auparavant, a rédigé les scripts de Jane Foster : Valkyrie (#8-10) et The Mighty Valkyries (#1-5) d'après des idées de Jason Aaron.

Elle nous entraîne donc d'abord sur une fausse piste avec l'arrestation et le jugement express de Carol Danvers dans un casino. Incarcérée dans une prison terrifiante, on comprend alors qu'elle a tout fait pour y être envoyée car les Starjammers (du moins trois d'entre eux : Corsaire, sa compagne Hepzibah et le géant Ch'od - on ne verra pas Raza, qui figure pourtant sur la couverture de Lee Garbett) y sont déjà, veillant sur Bean, une adolescente Kree, traquée par des fanatiques eugénistes.

La suite est un régal, très rythmée, souvent drôle, pleine d'action, avec une évasion spectaculaire, des combats dans l'espace, et une révélation finale sur la raison pour laquelle Bean est pourchassée. Gronbekk maîtrise parfaitement tous les éléments de cette histoire alors qu'elle débarque juste pour cet Annual. Oserai-je dire qu'elle réussit là où Kelly Thompson a échoué auparavant ? Pas loin, même si ce serait injuste car, comme je l'écrivais plus haut, j'ai arrêté de lire Captain Marvel depuis un moment, mais justement parce que je n'étais pas convaincu par les histoires de Thompson.

En ce qui concerne les Starjammers, hormis le fait que Raza soit absent de l'histoire (sans qu'on comprenne pourquoi), ils sont parfaitement caractérisés. Leur dynamique de groupe est excellement exploitée, notamment la personnalité roublarde de Corsaire, la voix de la raison de Hepzibah, et la placidité de Ch'od. Leur complicité avec Carol est bien mise en valeur, avec quelques répliques bien senties. Tout cela sans sacrifier le sort de Bean, pour laquelle on a ressent une vraie empathie (bien évidemment en raison de sa jeunesse et la persécution qu'elle subit).

Pour ne rien gâcher, Marvel a adjoint à Gronbekk un excellent dessinateur avec Carlos Gomez. Celui qui s'est fait remarquer il y a quelques mois sur la mini-série America Chavez : Made in U.S.A. et ensuite sur des épisodes de The Amazing Spider-Man : Beyond brille encore sur cet Annual. Gomez est sans doute, je suis prêt à prendre les paris, une future star parce qu'il dessine bien, qu'il est ponctuel et que son style est ésudisant. Il aime les belles héroïnes, mais pas que, et il redonne de la féminité à Carol (dont je déplore toujours que Marvel lui ait retirée son costume de Ms Marvel, designé par... Cockrum - et je ne suis pas le seul puisque Kurt Busiek a déclaré récemment que s'il devait écrire le personnage, il exigerait qu'elle renoue avec ce look emblématique).

Gomez maîtrise parfaitement les Starjammers. Influencé (comme d'autres) par Stuart Immonen, il n'en est pas une pâle copie mais son découpage est plein de pep's, avec des compositions fournies et impeccables, des enchaînements fluides, des valeurs de plans variées et justes. Ses personnages sont expressifs, avec parfois un côté presque cartoon très sympa. Un plaisir.

Quand Marvel se rappelle de ses fondamentaux et utilise des personnages aussi chouettes, on ne peut plus rien leur reprocher. Cette semaine, l'éditeur nous aura gâtés. Et on espère revoir vite à l'oeuvre Gronbekk et Gomez, pourquoi pas ensemble.

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