vendredi 4 mars 2022

THE MAGIC ORDER 2 #5, de Mark Millar et Stuart Immonen


Pour le pénultième épisode de ce deuxième volume de The Magic Order, Mark Millar et Stuart Immonen lâchent les chevaux et livrent un numéro sacrément spectaculaire. Le scénariste met ses héros dans une situation plus que critique, au point qu'on se demande vraiment comment ils vont s'en sortir, tandis que le dessinateur produit des planches ahurissantes. Vous n'êtes pas prêts !


Kensington. La police, prévenue par un voisin, pénètre dans l'appartement de Francis King. Il le trouve pendu. Sur l'écran de son téléphone, un ultime message à l'attention de son père pour l'assurer que tout va aller bien et que les ennuis sont derrière eux...


Pendant ce temps, en Roumanie. L'Ordre Magique est au grand complet à la demande de Cordelia Moonstone qui veut porter un coup fatal au gang de Victor Korne. Mais celui-ci les attend et a anticipé leur attaque. Kevin, manipulé par la tante Brigitta, se suicide après informé l'ennemi.


Plusieurs magiciens tentent d'éliminer Korne, mais il est protégé par la couronne de son ancètre Soren. Après avoir humilié ses adversaires à lui seul, il convoque l'Onthoul'Endu, ce monstre mythique, grâce à qui il réveille les pires démons du passé pour refaçonner le monde selon ses désirs.


Enfin sous le regard effaré de Cordelia, privé de ses pouvoirs comme le reste de ses alliés, Victor érige un château tel qu'il en rêvait enfin pour rendre hommage à Soren et qui sera le nouveau repaire d'un nouvel Ordre Magique...

Le choc final du premier volume de The Magic Order était venu du fait que Gabriel Moonstone avait trahi sa famille en s'alliant à Madame Albany qui lui avait promis de ressuciter sa fille, tragiquement décédée. La série s'achevait sur un sacrifice terrible.

Qu'allait inventer Mark Millar pour rivaliser avec un tel épilogue ? En vérité, ce deuxième volume décentre les enjeux de l'intrigue. Il est entendu depuis le début que le sort invoqué par Cordelia Moonstone pour vaincre Madame Albany a maudit l'Ordre Magique. Mais quand et comment ? 

Le scénario a donné la part belle, au risque d'éclipser les Moonstone et l'Ordre Magique, à Victor Korne, un sorcier roumain, qui ressasse depuis toujours le fait d'avoir été relégué au second plan par les magiciens, et les Moonstone en particulier. Cette rancune remonte à loin car un de ses ancêtres avait déjà été défait par cette aristocratie de la magie. Mais au fond, ce que raconte Millar est semblable à ce qu'il écrivait dans le premier volume : la famille est au coeur de toute chose.

Hier, un frère accablé par un chagrin abominable. Aujourd'hui, un homme revanchard après l'éviction d'un ancêtre et de sa famille. Si la malédiction qu'a provoqué Cordelia n'a peut-être pas déclenché les hostilités de Victor Korne, celles-ci constituent une forme de crontrecoup brutal pour la magicienne et les siens.

Désormais en possession de pouvoirs immenses, Korne parait inarrêtable. Il a une armée, une puissance fabuleuse, il réveille des monstres du passé terrifiants, il a privé les magiciens de leurs capacités. Rideau ? En tout cas si Millar veut nous faire croire à une défaite cuisante de ses héros, c'est réussi car on se demande comment Cordelia et sa bande vont pouvoir se sortir de là.

A moins que... Millar ne se décide à orchestrer le retour de Leonard Moonstone, le patriarche qui a transmis les rènes à sa fille et qui n'a pas été vu depuis le début de cette deuxième "saison". Il serait bien inspiré de se montrer. 

Ou alors... La fille de Gabriel, possible joker dans cette partie à quitte ou double, qui figure de façon inquiétante sur la couverture du prochain numéro ? Aurait-elle hérité de pouvoirs magiques insoupçonnés ? Je mets un petit billet sur elle car il me semble évident qu'elle est présente sur le théâtre de l'action pour une raison et Millar aime bien surprendre son audience avec un personnage dont on ne s'est pas suffisamment méfié. Encore faut-il que Louise Moonstone soit animée de bonnes intentions envers sa tante et l'Ordre Magique...

En attendant les réponses à ces questions, on admirera sans réserve les planches de Stuart Immonen, qui livre un épisode bluffant. L'artiste canadien comme à son habitude, comme les plus grands en fait, semble produire tout ce qu'il fait avec une facilité déconcertante, sans forcer. C'est presque humiliant pour les autres. Mais Immonen n'est pas un mauvais bougre, "seulement" un dessinateur exceptionnel qui est admiré, à juste titre, par ses confrères.

Il n'empêche, quand il part dans les tours, Immonen impressionne toujours autant. Il distribue des doubles pages qui devraient être enseignées à tous ceux qui en dessinent sans inspiration, sans penser à la justesse de la composition ou à l'impact narratif exact qu'elles peuvent avoir. Quand il lâche un spash-page, soyez assurés qu'il ne le fait pas à la légère mais en dosant ses effets, compensant avec à-propos les facilités dont on taxe volontiers son scénariste.

Pour le reste, le découpage est simplement exemplaire. Il traduit merveilleusement la montée en puissance de Victor Korne et fait vibrer le lecteur devant cette démonstration de force. On pourrait presque dresser un parallèle entre ce personnage et Immonen qui, au fil des pages, déploie toute son expérience comme Korne libère toute sa hargne. Chaque case est imparable, ne cherchez pas un point faible : Immonen a du métier, de la bouteille, et il est au sommet de son art. Il sait exactement où il va et comment y aller. La preuve : le lecteur éprouve chacune de ses images pour leur efficacité sans faille.

Bien que je regrette un peu que Cordelia Moonstone et ses acolytes aient été un peu trop en retrait pendant cette deuxième "saison", The Magic Order est un divertissement de haute volée, et son dénouement promet d'être ébouriffant.

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