mardi 4 janvier 2022

SPIDER-MAN : NO WAY HOME, de Jon Watts (Critique avec spoilers !)


A l'heure où j'écris ces lignes, Spider-Man : No Way Home bat record sur record au box-office et il faut passer entre les gouttes pour ne pas se faire spoiler des pans entiers de l'histoire. C'est pourquoi je vous préviens d'entrée que cette critique comportera des révélations importantes sur l'intrigue, et par conséquent si vous n'avez pas encore vu le film de Jon Watts, ne lisez pas ce qui suit avant. Concçu comme le dernier volet d'une trilogie, No Way Home a aussi la mission de réconcilier les fans du MCU échaudés (comme moi) par Black Widow et Les Eternels. Et de ce côté-là, c'est une réussite.



Son identité secrète révélé par Mysterio, Spider-Man alias Peter Parker est arrêté et interrogé avec sa tante May, sa fiancée M.J., son ami Ned par Damage Control. Ils sont défendus par Matt Murdock qui réussit à les faire relâcher. Mais la vie du groupe est bouleversé et Happy Hogan abrite Peter et May chez lui. Pour Ned et M.J., les conséquences sur la suite de leurs études sont dramatiques car aucune université ne les accepte. 



Peter, accablé, se rend alors chez Stephen Strange pour lui demander de l'aide et le sorcier suprême propose de lancer un sort qui effacera de la mémoire collective le fait que Peter est Spider-Man. Mais le jeune homme interfère à plusieurs reprises pour ne pas être oublé de sa tante, de M.J. et de Ned. Excédé, Strange le congédie après avoir contenu le sort dans un globe.


Même s'il s'est résigné à ne pas pouvoir entrer au MIT, Peter ne veut pas que ses amis souffrent à cause de lui et il interpèle une administratrice de l'université prise dans un embouteillage. C'est alors que le Dr. Octopus surgit et attaque Spider-Man. Mais en le démasquant, il ne le rconnaît pas et Peter en profite pour pirater ses tentacules et en prendre le contrôle. Un autre malfrat arrive, le Bouffon Vert et sème le chaos. Dr. Strange intervient et téléporte Octopus et le Bouffon dans la crypte de son sanctuaire sacré où se trouve déjà le Lézard. Le sorcier explique à Peter que le sort qu'il avait initié a ouvert des brêches dans le Multivers dans lesquelles se sont glissés ces criminels, ennemis de Spider-Men d'autres dimensions.



Occupé par ailleurs, Strange somme Peter de trouver d'autres malfrats dans la même situation et, avec l'aide de Ned et M.J., ils localisent Electro. Il l'affronte en recevant l'aide de l'Homme-Sable avant de les déplacer à leur tour dans la crypte. Strange s'apprête à les renvoyer chez eux mais en apprenant que le Bouffon et Octopus sont morts dans leur dimension, Peter interrompt le sorcier, convaincu qu'il peut soigner leurs tendances ciminelles. Il dérobe le globe à Strange et s'enfuit mais le sorcier le rattrape.


Déplaçant le combat dans la dimension miroir qu'il contrôle, Strange échoue malgré tout à récupérer le globe et à raisonner Spider-Man quii s'échappe pour rejoindre M.J, Ned et les prisonniers. Il entraîne ses derniers chez Happy Hogan où, avec du matériel Stark, il confectionne des appareils capables de juguler leurs pouvoirs et leurs penchants malfaisants. L'opération fonctionne avec Octopus mais Electro se rebelle et s'enfuit. L'Homme-Sable profite de la confusion pour l'imiter pendant que le Bouffon s'acharne sur Peter et tue May. Le Lézard disparaît à son tour.


Sans nouvelles de Peter, M.J. et Ned utilisent une clé du Dr. Strange pour ouvrir des portails et le localiser. Ils attirent à la place deux autres Peter Parker venus des mêmes dimensions que les criminels. Ensemble, ils retrouvent Peter et élaborent un plan pour capturer les fugitifs. Munis d'antidotes, les trois Spider-Men attirent les cinq vilains dans un piège où ils les neutralisent. Strange réussit à s'extraire de la dimension miroir juste à temps car de nouvelles failles dans le Multivers se manifestent. Peter accepte que tout le monde l'oublie pour empêcher une invasion des ennemis des Spider-Men et Strange libère le sort du globe, renvoyant chaque intrus chez lui.

Deux scènes post-génériques de fin complètent le film :

- Eddie Brock/Venom disparaît en même temps que les autres alors qu'il interrogeait un barman sur les héros et vilains de ce monde ;

- Peter se receuille sur la tombe de May, rejoint par Happy Hogan qui ne le reconnaît pas - tout come ensuite M.J. et Ned dans le café où il s'arrête. Strange rend visite à Wanda Maximoff pour qu'elle l'instruise sur le Multivers.

Même si toutes les séries du MCU sur Disney + ne m'ont pas convaincu, il faut cependant admettre qu'elles faisaient des propositions narratives excitantes et, lorsqu'elles étaient abouties, étaient très satisfaisantes. Par ailleurs, elles ont permis d'introduire des personnages et, surtout, des concepts qui allaient alimenter les futurs longs métrages. Parmi ceux-ci : la notion de Multivers, qui semble destinée à irriguer plusieurs projets futurs.

Bien qu'à l'origine, Spider-Man : No Way Home devait sortir après Doctor Strange in the Multiverse of Madness (qui finalement sera en salles en Mai prochain), c'est le premier film qui développe le motif du Multivers. C'est aussi la conclusion d'une trilogie qui aura marqué le retour de Spider-Man dans le MCU (même si Marvel partage l'exploitation du personnage, et surtout le bénéfices astronomiques des films, avec Sony). 

Avant de revenir au coeur du film (le Multivers donc), attardons-nous sur la trilogie en soi. Homecoming, Far From Home et No Way Home (qui, par leurs titres, montrent bien que les films ont intégré l'aspect "sériel" - d'ailleurs No Way Home démarre exactement là où s'achevait Far From Home) ont dépeint un Tisseur plus jeune que ceux qu'on avait précédemment connus (dans la trilogie de Sam Raimi et le diptyque de Marc Webb), et Kevin Feige et les scénaristes ont pris le parti de faire du héros une sorte d'apprenti avec à chaque fois une figure tutélaire pour le guider : Iron Man a joué ce rôle, puis Mysterio et cette fois le Dr. Strange.

A la fin de No Way Home, ce n'est plus le cas et les cartes sont vraiment rebattues pour le personnage qui perd à la fois sa tante, May, mais aussi est oublié de tous (y compris de Strange) à la faveur d'un terrible sort sacrificiel qui préserve son identité secrète. Quel que soit l'avenir de Spider-Man (et le triomphe de No Way Home ne laisse aucun doute sur un retour), Peter Parker ne sera plus l'élève de personne - ce qui se traduit aussi par la perte de son costume high-tech, offert par Tony Stark (et qui agaçait beaucoup de fans qui avaient rebaptisaient sarcastiquement Spider-Man en Iron Spider - ce qui n'est pas faux).

Mais pour en arriver là, outre trois films, il y a l'intrigue de No Way Home, qui ne manque pas d'ambition et de panache. Certains reprochent déjà un trop-plein de fan-service, avec trop de clins d'oeil adressés aux connaisseurs des films de Sam Raimi et Marc Webb. Je trouve cela un peu sévère et surtout capricieux car, si d'aventure, No Way Home avait leurré tout le monde en n'exploitant pas les longs métrages précédents dans une telle histoire, les mêmes, j'en suis sûr, auraient encore plus râlé, manifestant avec énergie leur mécontentement. Il faut quand même que ces ultras, qui désirent tout et le contraire, apprennent à se calmer et en reviennent à l'essentiel : la qualité du film.

Si j'ai zappé Shang-Chi, j'ai été très déçu par Black Widow (opus mineur dont le seul intérêt aura été d'introduire Yelena Belova) et affligé par les Eternels (déception cosmique). Le MCU avait-il perdu son mojo alors que des séries comme WandaVision, Loki et Hawkeye me comblaient ?

Avec ses 2h 40 au compteur, No Way Home a le temps de rectifier les défauts de ses prédécesseurs, mais surtout d'ouvrir de nouveaux horizons tout en manipulant une idée forte (le Multivers donc) à la fois risquée et payante (et pas seulement commercialement). Le risque, c'est qu'avec l'idée de dimensions parallèles (qui seraient celles de films produits avant ou en parallèle du MCU, ou peuplées de variants - cf. Loki), l'univers Marvel pouvait laisser croire que des personnages pouvaient être remplacés facilement et donc que les enjeux dramatiques seraient affaiblis. Mais il n'en est rien.

Et c'est pour cela que c'est payant car le Multivers n'est pas présenté comme une trousse de secours, un univers B, de rechange : c'est un territoire dangereux d'où peuvent surgir des héros mais aussi, surtout des criminels, et un déséquilibre énorme. Même le Dr. Strange échoue à contenir ce qui provient de ces failles dimensionnelles et, à cet égard, la deuxième scène post-générique (qui est la première bande-annonce de Doctor Strange in the Multiverse of Madness) montre que ce qui vient de se passer dans No Way Home a déclenché un chaos sur le long terme (et on sait que Ant-Man and the Wasp : Quantumania développera aussi cela). Moins qu'une opportunité narrative, le Multivers apparaît comme une menace d'ampleur, encore plus effrayante que Thanos (et donc Kang le conquérant censé remplacer le titan fou ne sera pas un simple nouvel ennemi, un banal nouveau méchant).

Il y a le plaisir, bien sûr, de revoir de grands comédiens comme Willem Dafoe, Alfred Molina, Thomas Haden Church, et, dans une moindre mesure, Jamie Foxx (quoique excellent) et Rhys Efans (le moins développé du lot). Tout comme le retour de Toby Maguire et Andrew Garfield. Les scénaristes, Chris McKenna et Erik Sommers, ont accompli un boulot remarquable pour rendre ces intégrations accessibles même pour ceux qui n'ont pas vu les films de Raimi et Webb (même si, bien sûr, en les ayant vus, c'est encore mieux - et c'est facile de se rattraper car désormais ces films sont disponibles en streaming).

Plus sombre, le film s'offre quelques moments plus légers quand Maguire et surtout Garfield sont (ré)introduits. Le charisme de Molina et Dafoe assurent aussi des scènes intenses. Le combat final sur la Statue de la Liberté est spectaculaire. Seul bémol : Strange reste trop longtemps dans la dimension miroir, et c'est d'autant plus regrettable que lorsqu'il y entraîne Spider-Man, il déclare en être le maître (donc il devrait être capable d'en revenir facilement et rapidement). Cet impair souligne la surpopulation du scénario avec cinq vilains et trop Spider-Men à gérer, sans oublier M.J. et Ned (Zendaya et Jacob Batalon sont un peu écrasés par les péripéties alors qu'ils occupent bien leur place dans le premier tiers de l'histoire).

Tom Holland est égal à lui-même : ceux qui ne le supportent pas ne l'apprécieront pas davantage. Pour ma part, j'apprécie son interpréation du personnage de Peter/Spidey, nerveuse, même si, dans l'absolu, Garfield me semble l'acteur parfait pour incarner le Tisseur (hélas ! pour lui, il a tourné dans les deux plus mauvais épisodes... Mais la rumeur court désormais que Sony pourrait employer l'acteur pour rejouer le héros dans un Amazing Spider-Man 3). Benedict Cumberbatch est, lui, absolument parfait en sorcier suprême et j'ai hâte de le retrouver en Mai prochain dans la suite de Doctor Strange (le trailer donne méchamment envie).

Jon Watts, lui, a gagné son ticket pour introduire dans le MCU les 4 Fantastiques (mais il faudra s'armer de patience) grâce à une réalisation tonique et à la mesure d'un script dense.

Spider-Man : No Way Home renoue avec le meilleur du MCU en salles, un divertissement efficace, grandiose, même s'il prouve aussi, incidemment, que cet univers partagé fonctionne vraiment à fond avec ses personnages les mieux établis et en avançant.

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Ne trouvez-vous pas que l’évènement déclencheur du film, le sort troublé par Peter, est un peu illogique? Comment un sorcier comme Strange, vu son expérience, peut-il laisser un ado le convaincre d’effectuer un sort si dangereux? Strange est dans ce film le personnage le plus stupide, il prévient Peter de ce qu’il ne faut pas faire, et il le fait quand même! Il met en danger son univers entier pour les caprices d’un ado. Et le comble, c’est qu’il n’assume rien, rejette la faute sur Peter en le laissant réparer ses propres erreurs.
    Un travail d’équipe entre lui et Peter aurait permis d’être plus efficace et de tous les renvoyer dans leur univers sans problème.

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  2. Bonjour.
    Vous touchez là du doigt le conflit entre la logique et l'intérêt dramatique. Pour un film, le second passe avant le premier. Sans le comportement rigide de Strange et la générosité naïve de Peter, il n'ay aurait pas de film, ou du moins pas la même histoire, les mêmes péripéties.

    Effectivement, Strange ne fait ni preuve d'humilité ni de compassion (même si sur la fin il semble attristé par le sacrifice consenti par Peter (le fait que tout le monde va l'oublier). De ce point de vue, il est encore plus impitoyable que ne fut Stark dans Homecoming (qui ne passait pas non plus grand-chose à Peter en matière de tutorat).
    Mais Peter fait aussi preuve de naïveté en croyant guérir les vilains (suivant la suggestion de May) et il le paie cher.

    Cela étant posé, ni Strange ni Spider-Man ne sont fondamentalement faits pour le travail en équipe, ce sont des solitaires et lorsqu'ils tentent de collaborer en bonne intelligence, on le constate, ça ne fonctionne pas, leurs méthodes divergent trop.

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