jeudi 30 septembre 2021

S.W.O.R.D. #8, de Al Ewing et Guiu Vilanova


Ce huitième épisode de S.W.O.R.D. ne dépareille pas avec les précédents : la série semble dépourvue d'une ligne claire, à part le fait qu'elle s'intéresse au rapport des mutants avec l'espace. Ce mois-ci, Al Ewing s'intéresse donc entièrement au nouveau rôle de régente d'Arakko de Tornade, sans que cela soit désagréable à lire mais sans qu'on sache bien een quoi ça fait avancer le schmilblick. Stefano Caselli occupé ailleurs, il est remplacé par Guiu Vilanova, qui s'en sort très bien.


Depuis qu'elle occupe la place de régente d'Arakko, Tornade doit composer avec une race de mutants ayant toujours vécu en guerre, ne connaissant que le conflit pour résoudre les problèmes et ne respectant que la force. Mais elle a l'avantage d'être aussi une mutante de niveau oméga.


Aussi quand le nommé Calderak s'impatiente de la voir se présenter et jure de la massacrer, Tornade n'a d'autre choix que de faire une démonstration. Frenzy assiste à la scène où elle gèle Calderak sur place dans une tempête de neige pour ramener le calme.


Toutefois, les épreuves ne sont pas terminées pour l'ancienne résidente de Krakoa. Testée à nouveau à la table du conseil d'Arakko, elle ne perd pas son sang-froid. Même quand Tarn avoue être allé l'île et compte y retourner, malgré l'interdiction convenue entre les deux peuples mutants.


Tornade prend les devants et défie Tarn en duel. Il accepte et ne retient pas ses coups, la privant de ses pouvoirs et lui infligeant de terribles déformations physiques. Tornade puise dans ses ressources et retourne la situation, gagnant le respect de son adversaire. Et impressionnant Wiz-Kid et Frenzy.

Comme je le relevais en préambule, S.WO.R.D. est une bien curieuse série. A mon sens, c'est une des plus originales et des plus réussies de la franchise, elle a su s'imposer en peu de numéros et malgré des contraintes qui auraient découragé plus d'un scénariste, obligé de faire avec un event (King in Black), un crossover (Hellfire Gala) et le départ de deux dessinateurs (Valerio Schiti, Stefano Caselli).

Al Ewing a donc du mérite. Mais c'est un auteur déroutant car il semble plutôt se satisfaire de ces contraintes (en tout cas il les embrasse sans souci apparent). En revanche, il faut plus que de l'indulgence et de la patience pour trouver à son entreprise un vrai fil conducteur, une vraie direction. Il se dégage de ces huit épisodes le sentiment prégnant que la série ne va nulle part alors qu'elle a un énorme potentiel, un terrain immense et des personnages jubilatoires.

La plupart du temps, ce qui en temps normal occuperait le devant de la scène se trouve ici relégué hors champ. Ce n'est pas dénué de charme et ça ne manque pas d'efficacité, d'une certaine manière SWORD ressemble plus à la CIA des mutants que X-Force dans la mesure où la bande d'Abigail Brand solutionne les problèmes galactiques risquant d'embêter les mutants sans que personne ne le sache ou n'y assiste. Elle agit comme un paravent, quitte à ce que cela lui explose un jour au visage, mais elle le fait avec une assurance qui frise l'arrogance, un côté badass assumé et irrésistible. 

Son équipe est au diapason, avec des canailles, des seconds couteaux, ce qui ne signifie pas qu'elle manque de puissance et de compétences. Mais enfin, bon, entre la pêche au Mystérium, la chasse au symbiote, les réunions avec le conseil galactique, l'audience de Fabian Cortez sur Krakoa, le gala Hellfire et un dîner avec Fatalis, bien malin qui peut relier tout ça en un tout cohérent, qui peut y lire une intention nette.

Ewing ne déroge pas à son absence de règles puisque cet épisode encore une fois n'en fait qu'à sa tête : le SWORD proprement dit en est carrément absent (hormis la présence de Frenzy, mais elle n'est que spectatrice des événements) ! Le récit est centré sur Tornade qui s'exerce à son nouveau rôle de régente d'Arakko. Et le scénario est découpé en deux actes qui se répondent symétriquement.

Dans un premier temps, Tornade doit calmer un excité arakki qui ne reconnaît pas son autorité. Elle calme rapidement et avec lui, le public assistant à la scène. Dans un second temps, plus conssistant, Tornade doit s'occuper de Tarn, un client plus sérieux puisqu'il siège autour du Cercle qui gouverne l'ancienne planète Mars où Arakko s'est établie. Ewing fait référence à des faits survenus dans la série Hellions (de Zeb Wells), que je n'ai pas lue, mais qu'importe : on comprend que Tarn a enfreint une loi qui interdit aux arakki de règler leurs comptes avec les krakoans sur l'île en vertu d'un pacte de non-agression mutuelle depuis la victoire de Krakoa lors du tournoi relaté dans le crossover X of Swords.

Tarn ne s'en laisse pas compter et avoue qu'il répétera ses voyages tant qu'il ne s'estimera pas satisfait. Tornade se trouve dans la situation inverse du premier acte : c'est elle qui doit lancer un défi. L'affrontement est rude, prétexte à la démonstration des pouvoirs effrayants de Tarn mais aussi à la force de caractère exceptionnelle d'Ororo. Qui prouvera qu'elle mérite son titre de reine.

C'est intéressant parce que Ewing montre bien et rapidement à quel point la nature des arakki est spéciale : ils n'ont connu que la guerre, donc ils ne résolvent leurs différends qu'en se battant, et une fois dans l'arène seules la victoire, la mort ou la reddition sont acceptables. Pourtant Tornade veut imposer une autre loi, une quatrième alternative. Et elle doit l'accomplir en se faisant accepter par un peuple uniquement composé de mutants de niveau oméga. Heureusement, elle est de ce calibre-là elle aussi. Mais quand même, ça donne une idée de l'ampleur de la tâche.

Par contre, une fois encore, hormis le fait de nous présenter plus avant les arakki, de montrer qu'ils ne sont pas oubliés maintenant qu'ils ont tous été déplacés sur Mars, que Tornade est leur chef légitime, quel véritable rapport avec le SWORD ? Tornade n'est pas membre de l'équipe d'Abigail Brand, elle ignore tout des manigances de cette dernière, cela n'a aucune raison de changer. On peut surtout dire que ce que Ewing nous raconte ici aurait par ricochet eu davantage sa place dans la série X-Men telle que l'écrivait Hickman et donc cela confirme que le champ des histoires explorées par Hickman reste vacant. En l'état, cet épisode est un bon one-shot, qui s'intègre à la logique de SWORD, sans pour autant appartenir au corps de la série de manière essentielle. Pour que SWORD marche mieux, il faudrait un arc, une intrigue qui court sur plusieurs chapitres, un fil rouge (plus tendue que simplement le programme spatial mutant, trop vague), avec les personnages du SWORD (et pas une guest-star comme Tornade).

Il semble acquis que Stefano Caselli ne reviendra pas dessiner les pages intérieures de la série (en tout cas pas avant 2022, mais même l'an prochain, j'en doute). Il n'aura donc signé qu'un épisode (le #7) et les couvertures. Du coup, comme Marauders, SWORD doit s'en remettre, faute de mieux, à des intérims, souvent des artistes moins (ou pas) connus, au  niveau inconnu. Là, on a de la chance, le remplaçant du mois est bon.

Je ne connaissais pas Guiu Vilanova mais il s'acquitte fort bien de ce qu'on lui a confié. Son trait est expressif, précis. C'est utile quand on doit illustrer un récit intense, où les personnages expriment des émotions fortes, dans des ambiances tendues. Par ailleurs, il doit prendre en compte que la majorité du casting est à créer puisque, en dehors de quelques arakki notables qui siègent dans le Cercle (comme Isca, Lactica, Tarn...), tous les autres n'ont jamais été vus auparavant. Calderak bénéficie ainsi d'un design simple mais efficace, parfaitement raccord avec son pouvoir et l'impression de puissance qu'il doit dégager.

Tornade est également bien servie : Vilanova sait lui donner une vraie majesté, il la maîtrise bien. Son face-à-face avec Tarn a du contraste : on sent bien la force de ce dernier, son caractère vicieux et sadique, mais aussi la détermination d'Ororo, sa vaillance. L'artiste peut s'appuyer là-dessus puisque les décors sont réduits, mais ça colle avec Arakko qui n'est pas un lieu sophistiqué, à l'image de ses résidents. Bien entendu, si la série devait y revenir (ou un autre titre), il faudra penser à designer un peu plus cet environnement car même si les arakki sont plus bruts de décoffrage, ce ne sont pas non plus des sauvages vivant dans la rusticité - toutefois, je souhaite bien du courage à celui qui s'en occupera car on ne trouve pas un Pepe Larraz, capable de s'investir dans la création de décors avec le talent qu'on sait, facilement. Et comme Schiti est parti...

Bref, je ne peux pas dire du mal de SWORD #8, que j'ai aimé lire et sur lequel il y a de quoi écrire. Simplement, j'aimerai que cette série aille plus loin qu'une vague note d'intention et des histoires de un ou deux épisodes max. Al Ewing en a sous le capot, qu'il se lâche !    

mercredi 29 septembre 2021

SEX EDUCATION (Saison 3) (Netflix)


La troisième saison de Sex Education est celle de tous les risques pour la série produite et diffusée par Netflix. C'est sans doute pour cela que Laurie Nunn, sa créatrice et showrunner, après s'être faite désirer, a mis le paquet. Quitte à  en faire trop ? Il y a en tout cas à boire et à manger dans ces huit nouveaux épisodes où le meilleur côtoie le pire (surtout à la fin...)
 

Les vacances estivales touchent à leur fin. Sans nouvelles de Maeve à qui il avait envoyé un message d'excuses, Otis Milburn s'est consolé dans les bras de Ruby, la fille la plus populaire de Moordale, mais qui tient à ce que leur liaison reste secrète. Ensemble, en tout cas, ils découvrent Hope Haddon, qui remplace à la tête du lycée Mr. Groff, chargée par les investisseurs de restaurer la réputation du lieu. Otis n'hésite ainsi pas longtemps à dénoncer Kyle qui dispense de nouvelles consultations clandestines en y racontant n'importe quoi. De leur côté, Adam s'affiche désormais publiquement avec Eric.


Pour mettre fin aux consultations clandestines, Hope fait raser les anciennes toilettes du lycée et impose à l'intérieur de Moordale de nouvelles règles plus strictes. Jackson Marchetti et Viv représentent les élèves mais Jackson s'oppose à Hope quand elle oblige Cal, une nouvelle élève non-binaire à se changer dans les vestiaires des filles. Jean Milburn révèle enfin à Jakob qu'elle est enceinte de lui et Maeve demande à Otis que sa mère reçoive Aimee en thérapie (suite à l'agression sexuelle qu'elle a subie l'an dernier dans le bus). Isaac avoue à Maeve avoir effacé le message d'excuses que lui avait envoyé Otis.


Jakob et sa fille Ola s'installent chez les Milburn, à l'invitation de Jean, qui reçoit Aimee en consultation. Le port de l'uniforme devient obligatoire à Moordale et les cours d'éducation sexuelle sont supprimées : Hope préfère inciter les élèves à l'abstinence, ce qui créé des remous - et provoque une vraie fièvre hormonale auprès des lycéees et de leurs profs. Otis et Ruby dînent avec Adam et Eric et sympathisent. Ruby s'attache à Otis au point d'accepter, quoique à contrecoeur, de l'inviter chez elle : sa maison est modeste et son père paralytique. Touchée par la tolérance d'Otis, Ruby lui dit qu'elle aime et le laisse sans voix.


Jakob accompagne Jean à une échographie mais avoue avoir des doutes sur sa paternité, sachant qu'à l'époque de leur relation, elle avait recouché avec Remi, son ex-mari. Il demande un test. Ruby boude Otis, vexée par son manque de réaction après qu'elle lui ait ouvert son coeur. Rahim demande à Eric qu'il lui restitue des livres et des poèmes qu'il lui avait remis, ce qui provoque la jalousie d'Adam, par ailleurs inquiet à la perspective du voyage que Eric va faire au Nigeria (où l'homosexualité est désapprouvée) avec sa famille. Lorsqu'elles se croisent en allant voir Elsie, Maeve et sa mère, Erin, ne se parlent toujours plus depuis que la première a dénoncé la seconde à la police et bien que Erin ait suivi une cure de désintoxication.


Eric part au Nigeria avec sa famille assister au mariage d'un cousin. Sur place, il est attiré par le photographe de la cérémonie, homosexuel comme lui, et qui le traîne dans un club gay à l'abri des regards. Ils échangent un baiser sur la piste de danse. Pendant ce temps, les élèves de Moordale font un voyage éducatif dans la Somme, sur le théâtre des combats menés par l'armée britannique durant la première guerre mondiale. Otis s'excuse auprès de Ruby. Adam sympathise avec Rahim. Cal et Jackson se rapprochent. Mais Maeve et Otis, lors d'une halte dans une statio-service, sont oubliés par leurs accompagnateurs : ils profitent de l'occasion pour s'expliquer sur ce qui s'est passé avant les vacances et échangent un baiser - avant d'être récupérés par leurs encadrants.


Après avoir postulé à un concours pour un programme aux Etats-Unis sur l'idée de Hope, Maeve apprend qu'elle est acceptée - hélas ! Hope n'a pu lui décrocher une bourse. Aimee offre de lui payer cet enseignement mais Maeve refuse par fierté. Une nouvelle écrite par Lily et publié dans la gazette locale oblige Hope à infliger de nouvelles sanctions et elle humilie cette dernière ainsi que Cal et Jackson devant les autres élèves. Erin kidnappe Elsie mais Maeve rejette l'aide d'Isaac comme celle d'Otis qui cherchent surtout à s'attirer ses faveurs. Mr. Groff se rend chez Jean à qui il rend son carnet de notes et demande de l'aide pour reconquérir sa femme. Alors que Viv négocie plus de clémence envers les élèves auprès de Hope, elle découvre que celle-ci se sert d'elle pour réhabiliter l'image de Moordale au mépris de ceux qui y suivent des cours et de leurs problèmes d'adolescents. Viv conspire alors avec Jackson et Cal pour organiser le renvoi de Hope.


Le théâtre de cette vengeance a pour cadre une journée portes ouvertes à laquelle Hope et son mari, banquier, ont invité les investisseurs qui financent l'établissement et de futurs parents d'élèves. Après une visite des lieux, tout ce beau monde est attiré dans la salle des fêtes où les lycées de Moordale donnent un spectacle célébrant la liberté sexuelle et d'expression. Hope est atterrée et impuissante. Cependant, alors qu'elle donne une interview à la télé pour promouvoir son livre sur son expérience avec les élèves de Moordale, Jean perd les eaux et est conduite à l'hôpital pour accoucher. Maeve retrouve avec l'aide d'Aimee Erin et Elsie, sur le point de prendre un ferry pour la France, et elles récupèrent la fillette. Otis, mis au courant, rejoint Maeve et ils s'embrassent. Jean donne naissance à une fille mais des complications surviennent...


Otis, soutenu par Eric, et Jakob avec Ola veillent Jean puis font connaissance avec le bébé. Eric rejoint Adam au lycée après une nuit blanche passée à l'hôpital et le mari de Hope réunit les élèves pour les informer que tous les investisseurs se retirent par leur faute : Moordale est condamné à la fermeture et ils devront achever leur année scolaire dans un autre établissement. Jean sort du coma et découvre son enfant qu'elle et Jakob sur l'idée de Ola baptisent Joy. Otis croise dans les couloirs de l'hôpital Hope, qui entreprend des démarches pour une F.I.V., et apprend son renvoi et le sort du lycée. Aimee aide Maeve à s'installer chez la mère adoptive de Elsie puis la convainc d'aller suivre ce programme en Amérique qu'elle veut lui payer. Maeve rejoint Otis chez lui et lui annonce la nouvelle de son départ.

Presque deux ans se sont écoulés entre la diffusion de la saison 2 et celle-ci. La production a bien sûr été troublée par la crise sanitaire. Mais il est aussi vraisemblable que Laurie Nunn a cherché à se renouveler et que l'écriture de ces huit nouveaux épisodes a dû être plus difficile.

La créatrice et showrunner de Sex Education a du coup mis les bouchées doubles et assumé complètement le côté feuilletonnesque de son projet, multipliant les subplots, ne se refusant aucun coup de théâtre, et intégrant ce qui manquait depuis le début : un vrai antagoniste, un vrai méchant, pour dynamiser l'ensemble.

D'emblée, donc, nosu faisons connaissance avec le personnage que tout le monde va adorer détester : la nouvelle directrice de Moordale, Hope Haddon (Jemima Kirke, extraordinaire). Sous une apparence jeune et cool, il s'agit d'une femme qui, pour avoir suivi ses études dans ce lycée, et constaté le parfum de scandale qui l'entoure désormais, est résolue à rétablir l'ordre, par les grands moyens. En quelques épisodes, qui vont crescendo, les élèves doivent maintenant se déplacer en respectant chacun une moitié de chaque couloir, puis revêtir un uniforme strict, ne plus parler de sexe (et encore moins le pratiquer dans l'enceinte du lycée) - d'ailleurs les cours d'éducation sexuelle sont supprimés au profit de discours édifiants sur l'abstinence et de vidéos dégoûtantes sur l'accouchement.

Cette crise remet tout en cause car les lycéens ne peuvent rien faire contre la directrice, au risque d'être renvoyés. Quand bien même de fortes têtes persistent à se dresser contre ce nouveau régime, Hope Haddon n'hésite pas à mettre en scène des sanctions de manière théâtrale et humiliantes dans la grande salle de réunion où elle convoque tous les élèves pour des speechs édifiants. 

Mine de rien, Laurie Nunn révèle un visage du système éducatif anglais méconnu puisque Moordale est financé par des investisseurs privés qui réclament que l'établissement ait une réputation impeccable. Dans ces conditions, Hope Haddon se comporte comme un bon soldat, veillant aux bons comptes mais aussi à un retour d'un ordre moral qui ne dit pas son nom. Impensable en France ? Pas si sûr quand des sondages fréquents expriment le souhait de parents qui aimeraient le retour de l'uniforme et plus de fermeté disciplinaire. Sans parler des profs régulièrement pris à parti par des parents mécontents ou carrément menacés pour leurs enseignements.

Tous les personnages voient leurs situations remises en question, parfois de manière cruelle (le calvaire de Lily serre le coeur). Mais en préférant le plan d'ensemble à l'auscultation de ses personnages principaux, Laurie Nunn choisit aussi de prêter moins d'attention aux vedettes de sa série, Otis et Maeve. Eric en profite le plus avec Adam, dont la romance va connaître une issue poignante. D'autres, comme Ruby, jusqu'ici caractérisée comme une pimbêche, gagne en épaisseur dès lors qu'on découvre sa vie privée. La nouvelle venue, Cal, permet d'évoquer la non-binarité et par extension la question du genre dans un cadre désormais corseté par des règles qui refusent de distinguer les individus. En revanche, je suis plus réservé sur le temps occupé par les atermoiements sentimentaux de quelques profs, et même par le parcours de Mr. Groff qui se découvre une passion pour la cuisine, ose dire à son frère qu'il l'a harcelé pendant toute leur enfance, et veut reconquérir sa femme.

C'est que la série se heurte aussi à des intrigues qui se prennent inutilement les pieds dans le tapis : toutes les simagrées du couple Jean-Jakob par exemple lassent vite (entre elle qui cache un temps sa grossesse, puis lui qui doute d'être le père de l'enfant à venir, puis les complications mélodramatiques de la fin, et la jalousie déplacée de Ola). Pire : les chassés-croisés entre Maeve et Oris aboutissent à une conclusion complètement grotesque - comment croire que Maeve parte de si bon coeur étudier en Amérique alors qu'elle vient juste de retrouver Elsie et de renouer avec Otis ? La servilité de Viv est aussi maladroite et du coup sa rebellion (et la manière dont elle découvre avoir été utilisée par Hope) est mal mise en scène.

La distribution est quand même excellente : Asa Butterfield, Emma Mackey, Ncuta Gatwa et surtout Aimee Lou Wood et Connor Swindells (de loin celui dont le personnage, Adam, a connu la plus belle progression en trois saisons) sont épatants, d'autant qu'ils doivent se dépatouiller parfois avec des péripéties pas très subtiles. Gillian Anderson est un peu plus en retrait mais reste irrésistible, règnant sur le show avec une classe et un humour imparables (même si, du coup, le suspense final sur sa possible mort devient caduque : impossible d'imaginer Sex Education sans elle !).

C'est donc une saison inégale, aussi jouissive par moments que too much par d'autres. Netflix a officialisé la production d'une saison 4, qui promet beaucoup mais gagnerait à être recentré. En tout cas, il sera intéressant de découvrir comment Laurie Nunn rebondira après avoir autant secoué sa série.   

mardi 28 septembre 2021

SEX EDUCATION (Saison 2) (Netflix)


Alors que je viens de regarder la saison 3, je me suis rendu compte que je n'avais pas rédigé de critique de la saison 2 de Sex Education, diffusée en Janvier 2020. Aussi vais-je m'employer à rattraper ce retard car cette série mérite toujours d'être suivie. C'est une réussite de Netflix, plateforme de streaming par ailleurs cible de reproches pour ses productions souvent trop standardisées.


Après s'être privé des plaisirs solitaires, Otis Milburn ne peut désormais sans passer et c'est fort logiquement qu'il est surpris par sa mère, la psychothérapeute Jill. Victime d'une MST, Fiona demande l'aide de Otis qui comprend qu'elle est la risée de ses camarades et que ceux-ci ignorent tout de l'hygiène sexuelle. Maeve Wiley, l'ex-partenaire d'Otis dans ses consultations clandestines sur le lycée de Moordale, a fort à faire avec sa mère, Erin, toxicomane. Un nouvel étudiant, Rahim, attire l'attention d'Eric. Ola et Otis surprennent leurs parents en pleins ébats sexuels ce qui les forcent à admettre leur liaison. Mr. Groff, le directeur de Moordale, se tourne vers Jean Milburn pour enseigner l'éducation sexuelle aux élèves.


Adam Groff se fait renvoyer de l'école militaire où son père l'a inscrit après qu'il ait surpris deux de ses camarades en train de se masturber mutuellement et qu'ils se soient vengés en dissimulant de la drogue sous son lit. Otis convainc Maeve de reprendre leurs consultations clandestines alors que Jill débute ses cours d'éducation sexuelle à Moordale.. A cette occasion, Maeve se rend compte qu'elle a toujours des sentiments pour Otis en le voyant au bras de Ola. Jackson Marchetti se mutile pour ne pas reprendre la compétition de natation comme le pressent de le faire ses mères et obtient de Viv qu'elle soit sa tutrice au lycée.


Dans le bus qui la conduit à Moordale, Aimee est victime d'un passager pervers qui se frotte contre elle. Maeve la pousse à porter plainte et l'accompagne au commissariat. Jackson s'essaie au théâtre mais est victime de crises d'angoisse sévères. A la rue après une énième rupture avec son amant, Erin demande à Maeve de s'occuper de sa petite soeur Elsie. Adam, qui a trouvé un job dans une épicerie en-dessous du logement de Rahim, surprend ce dernier qui embrasse Eric.


Alors que Ola est prête à coucher avec lui, Otis fait part de son angoisse auprès de Eric. Mr. Groff surprend sa femme qui va consulter Jean Milburn et enrage de ne pas savoir ce qu'elle peut dire sur leur couple en crise. Le père de Otis, Remi, refait surface et Jean succombe à ses charmes en recouchant avec lui. Maeve trouve enfin le courage de aprler à Otis mais celui-ci la repousse car il veut donner une chance à son couple avec Ola. Malheureusement, celle-ci préfère rompre avec lui car elle deviné qu'il était toujours amoureux de Maeve.


Eric se confie à Otis à propos de Adam et il est rappelé à l'ordre car ce dernier l'a longtemps maltraité auparavant. Mais Eric s'insurge contre le manque d'indulgence d'Otis et fustige son hypocrisie vis-à-vis de Maeve. Cette dernière accompagne sa mère chez les Narcotiques Anonymes tout en continuant à se méfier. Jean avoue à Jakob avoir recouché avec Remi et il met fin à leur relation. Mrs Groff demande le divorce à son époux qui pense que Jean est responsable de ce choix.


Maeve sympathise depuis plusieurs semaines avec Isaac, un de ses voisins, atteint de myopathie et qui espère bien se faire aimer d'elle tout en craignant qu'elle ne retourne auprès de Otis. Ola et Lily deviennent amies puis amantes, ce qui les épanouit toutes les deux. Pour tenter de restaurer son image, Otis décide d'organiser une fête chez sa mère et invite tous ses camarades de Moordale. Encore trauamtisée par son agression dans le bus, Aimee est incapable de supporter une relation sexuelle avec Steve. Tandis que Mr. Groff dérobe le carnet dans lequel Jean note ses rapports de séances avec ses patients, la fête d'Otis dégénère quand, ivre mort et jaloux de voir Maeve avec Isaac, il les humilie publiquement.


Mr. Groff imprime les compte-rendu de Jill et les affiche sur les murs de Moordale, ce qui provoque un scandale. Première conséquence : Jill est renvoyée et ses cours supprimés. Mais elle est par ailleurs occupée à regagner la confiance de Jakob - sans succès. Maeve découvre que sa mère a replongé dans la drogue mais soutient Aimee avec d'autres filles du lycée pour qu'elle reprennen le bus sans crainte d'être agressée. Otis tente de faire profil bas en comptant sur le soutien de Eric pour trouver un moyen de se racheter auprès de Maeve.


Jean découvre qu'elle est enceinte de Jakob. Maeve, inspirée par Isaac, décide pour le bien de Elsie de dénoncer leur mère à la police et de confier sa petite soeur aux services sociaux. Adam avoue son amour à Eric qui accepte de lui accorder sa chance et de rompre avec Rahim. Mr. Groff est renvoyé à son tour. Otis appelle Maeve mais tombe sur sa messagerie : il s'excuse et lui dit qu'il l'aime toujours. Mais Isaac efface le message avant que Maeve ne l'écoute.

Normalement, je n'ai plus l'âge pour apprécier ce genre de série, je ne suis pas le "coeur de cible" car Sex Education vise un public plus jeune que le quadragénaire que je suis. Pourtant la série écrite et pilotée par Laurie Nunn est un plaisir qui ne se refuse pas et offre de quoi satisfaire aussi bien les "djeun'ss" que les "vieux" comme moi par son casting abondant et varié, ses intrigues à la fois légères et émouvantes, et sa production soignée.

Nous vivons une drôle d'époque : Netflix, qui a longtemps profité d'un état de grâce en finançant des séries audacieuses comme House of Cards, The Crown, Mindhunter ou The OA (pour n'en citer que quelques-unes), est aujourd'hui sous le feu des critiques pour la standardisation de son offre, alignée sur les algorithmes qui proposent du contenu à ses abonnés. Victime de son succès en quelque sorte, la plateforme de streaming doit à présent contenter un public toujours plus vaste, en adoptant une stratégie mondialisée, donc en évitant de froisser quelques sensibilités. 

Il est évident que Netflix  ne fait pas tout bien, mais ses concurrents (à qui certains prêtent désormais toutes les vertus) non plus. Cela force du coup le téléspectateur à être plus vigilant, plus sélectif, peut-être aussi plus routinier en allant plus directement vers ce qu'il est sûr d'aimer au lieu de tenter l'aventure.

Dans ce cadre-là, Sex Education est à la fois une série "doudou", confortable, qu'on a plaisir à suivre, à retrouver, dont on attend chaque saison avec impatience, et en même temps elle reste une sorte d'ovni, avec son mélange de comédie pour ados, de franchise, de moments d'émotions, de diversité dans la caractérisation. C'est un petit phénomène avec ses fans irréductibles et fidèles et même pour les autres, ce titre reste une curiosité dans le paysage formaté de Netflix.

Cette deuxième saison date de Janvier 2020 et je ne sais pourquoi, à l'époque, j'avais complètement oublié d'en parler ici, alors que j'avais beaucoup aimé la première saison. Peut-être avais-je la tête ailleurs, trop occupé à écrire sur d'autres choses, ou alors j'ai jugé qu'elle ne proposait pas suffisamment de nouveauté pour m'y attarder. Je l'ai donc revue avant de découvrir la saison 3, récemment mise en ligne, et j'ai voulu rattraper mon retard avec cette critique (la critique de la saison 3 ne tardera pas).

On renoue donc avec l'univers de Moordale, ce lycée britannique dirigé par Mr. Groff, dépassé par la sexualité débridée des adolescents qui y suivent leurs études, ignorant que l'un d'eux, Otis Milburn, fils d'une sexothérapeute réputée, dispense ses conseils en toute clandestinité dans le bâtiment des anciennes toilettes de l'établissement. Otis est aidé par Maeve Wiley, qui se charge de diriger vers lui des "patients" contre rémunération. Otis est ami avec Eric, un jeune garçon d'origine nigérianne et homosexuel, qui a longtemps été la tête de turc d'Adam Groff (le fils du directeur) avant que celui-ci ne soit inscrit dans une école militaire. Une romance est née entre Otis et Maeve, qui a échoué, puis le jeune homme s'est épris de Ola, la fille de Jakob, le nouvel amant de sa mère.

Durant ces huit nouveaux épisodes, personne n'est oublié et c'est une des forces de la série : Laurie Nunn réussit à s'occuper de tout ce monde avec une attention égale, se servant des problèmes sexuels rencontrés par les ados et les adultes pour alimenter le quotidien de Otis, Maeve, Eric et compagnie, souvent en écho à leurs propres tourments existentiels. On rit beaucoup, on est aussi étonnamment émus, souvent surpris. Les nombreux rebondissements assurent à Sex Education un rythme soutenu mais la narration est maîtrisée et on ne s'égare jamais.

Surtout rien n'est tabou et tout est abordé avec intelligence : nous sommes ici à des lieues des pantalonnades navrantes du genre American Pie et autres comédies débiles sur les ados. Laurie Nunn traite de l'homosexualité, de l'hétérosexualité, de l'âge, des agressions sexuelles et de bien d'autres choses encore avec tact, distance et pertinence. Jamais on ne sent que tel sujet est abordé pour satisfaire à un quota, la représentation d'un milieu, une mode. Il y a un mélange détonant entre l'aspect "maison de poupées", que symbolise Moordale, et la vie qui déborde une fois sorti de ce lycée. Les sentiments y sont complexes, les situations franches, les solutions difficiles. Rien n'est manichéen dans Sex Education et de vraies conséquences apparaissent au terme des confrontations (la fin de la saison bouleverse nombre de ses protagonistes).

Surtout on s'attache aux personnages, qu'il s'agisse d'Aimee (Aimee Lou Wood) dont le traumatisme fournit un arc narratif particulièrement poignant, ou Jackson (Kedar Williams-Stirling) qui subit de plein fouet la pression de sa famille et s'en délivre au prix fort. Adam (Connor Swindells) bénéficie d'une évolution épatante. Le trio formé par Otis (Asa Butterfield), Eric (Ncuta Gatwa) et Maeve (Emma Mackey) procure à la série un coeur vibrant. Mais encore une fois, c'est la prestation fabuleuse de Gillian Anderson qui créé la sensation : l'actrice est formidable en psy et mère de famille-amante qui veut tout maîtriser et se laisse déborder de toutes parts. Sans elle le show ne serait pas aussi jubilatoire : elle rayonne et fait rayonner ses partenaires.

La troisième saison monte encore d'un cran, en offrant à la série ce qui lui manquait, un véritable antagoniste, qui renouvelle profondément les enjeux du récit. Il a fallu attendre pour la découvrir mais c'est bien la preuve que Sex Education en a sous le pied et existe à part dans le catalogue pléthorique de Netflix.

lundi 27 septembre 2021

DES NOUVELLES NOUVELLES TOUTES FRAÎCHES

L'Automne est là... Mais l'industrie des comics ne fait pas de pause. Nous sommes Lundi et c'est donc le jour où je reviens sur les annonces communiquées par les éditeurs américains qui ont retenues mon attentiion. Cette semaine, Marvel domine (une fois encore l'actualité) mais ça bouge aussi chez DC et ailleurs.

MILLARWORLD / IMAGE COMICS / NETFLIX :


Mark Millar ne reste jamais longtemps sans faire parler de lui, encore moins depuis que son label Millarworld a été acheté par Netflix et que le scénarsite développe désormais chacun de ses projets sous la forme de comics et de séries pour la plateforme de streaming. Certains n'aiment pas cette façon de faire où la BD ne serait là que pour préparer des adaptations live, mais au moins ça a le mérite d'être clair et surtout Millar n'oublie pas que tout part du livre.
Il a ainsi annoncé sa nouvelle série, Night Club, dont le pitch laisse pour le moins songeur : il s'agira d'une histoire sur des ados qui deviennent des vampires mais veulent profiter de leurs pouvoirs pour devenir non pas des prédateurs mais des super-héros.
Le dessin promotionnel qui accompagne cette annonce est signé par Greg Capullo, mais ce n'est pas lui qui dessinera la série, à laquelle aucun artiste n'est pour le moment attaché - mais Millar a comme d'habitude promis que ce serait un dessinateur exceptionnel qui s'en chargerait. Tout cela sortira l'an prochain (sans plus de détails).

*
DC COMICS :


On va débuter les news DC par un départ puisque Ram V a déclaré que ses runs sur Catwoman et Justice League Dark s'acheveraient en même temps au mois de Décembre prochain. Si son départ (qui coïncidera peut-être avec l'annulation de) Justice League Dark ne m'a guère surpris, le titre étant cantonné au rang de back-up de Justice League, en revanche son retrait (si je puis dire) de Catwoman m'a fait l'effet d'une douche froide car il me semblait engagé dans un plan à long terme.
Peut-être que le scénariste n'a pas apprécié de devoir composer avec le crossover Fear State qui a pu parasiter ses intrigues ? Ou est-ce d'avoir perdu Fernando Blanco qui l'a refroidi ? C'est en tout cas fort dommage car il accomplissait un travail remarquable, ayant redressé spectaculairement le titre après le run très inégal de Joelle Jones. Tout sera donc à refaire pour Selina Kyle, à moins que DC ne nous réserve une surprise (serait-ce la série que Tini Howard ca écrire ?).
 

Du côté de Nightwing, Tom Taylor et Bruno Redondo ne sont pas du tout disposés à écourter leur aventure, le scénariste répétant souvent qu'il est là pour longtemps avec son dessinateur. Ce dernier est actuellement remplacé par Robbi Rodriguez le temps des épisodes attachés à Fear State mais il reviendra en Décembre. Et pas qu'un peu 


Car Taylor et Redondo nous mijotent un numéro exceptionnel : en effet le #87 sera composé d'une seule action traduite à l'image par des plans-séquences, sans découpage, sur des doubles pages ! Ce que, moi, j'appelle de la continuité séquentielle, c'est-à-dire que les mouvements des personnages dans les décors sont décomposés dans un plan unique par page.


Ce procédé, qui exige une sacrée maîtrise, n'est cependant pas nouveau : déjà dans des tableaux de Boticelli on assistait à cette espèce de décompression narrative et visuelle. Plus proche de nous, Winsor McCay l'a adapté dans Little Nemo. Puis des artistes comme Frank Quitely, J.H. Williams III ou le français Cyril Pedrosa l'ont exploité.


Le résultat (visible ci-dessus) procure une sensation irrésistible, très dynamique et avec un effort porté sur la représentation du mouvement et du décor. Pour la série Nightwing, c'est un pas de plus vers une virtuosité qui rappelle le run de Matt Fraction et David Aja sur Hawkeye ou celui de Mark Waid et Chris Samnee sur Daredevil et Black Widow.

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MARVEL COMICS :


Comme je l'écrivais en préambule, Marvel a encore une fois beaucoup fait parler de lui cette semaine, une manière d'occuper le terrain en permanence, comme pour donner le rythme à toute l'industrie, quitte à saturer le lectorat. Et l'éditeur voit loin puisqu'il annonce un premier projet pour l'été 2022.


Il s'agira d'un roman graphique intitulé Captain America : The Ghost Army. Sous ce titre qui fait penser à du Hellboy, on a en effet une histoire qui évoque l'inspirationde Mike Mignola puisque Steve Rogers, lors de la seconde guerre mondiale, est envoyé en mission en Europe avec Bucky et va affronter des zombies et autres monstres.


Le scénario est signé par Alan Gratz, un romancier spécialisé dans la littérature young adult, et les dessins par le vétéran Brent Schoonover (dont on voit ici les characters designs), avec une couverture de David Aja. L'ambiance est résolument rétro. Ce qui intrigue est ailleurs...


D'abord, dans le choix du vilain : le Baron Mordo est l'adversaire du Dr Strange, c'est donc inattendu de le voir dans un récit avec Captain America, mais justement ça donne du piment au plat. Ensuite, on trouve aussi au casting une jeune femme au nom de famille familier...


Sofia Maximoff ! Une aïeule de la Sorcière Rouge donc. Marvel est un peu opportuniste puisqu'il s'agit évidemment d'exploiter le filon du succès de la série Disney+ WandaVision (comme le fait aussi actuellement la mini-série The Trial of Magneto autour du meurtre supposée de Wanda Maximoff). Enfin, ce projet est annoncé alors que Marvel ne communique toujours pas sur la relance de la série Captain America, arrêtée depuis la fin du run de Ta-Nehsi Coates en Juillet dernier...


La suivante, on ne l'avait vraiment pas vue venir ! Marvel a annulé Guardians of the Galaxy au #18, c'est-à-dire le numéro de ce mois de Septembre. On l'a découvert à la dernière page de l'épisode écrit par Al Ewing et dessiné par Juan Frigeri. Actuellement, la série était impliquée dans un crossover, The Last Annihilation, écrit par Ewing, et depuis quelques mois le scénariste avait repensé le titre sous la forme d'Avengers de l'espace (un terme qui renvoyait à la note d'intention originelle de Brian Michael Bendis quand il avait commencé à écrire la série). Le casting était devenu foisonnant au point de former deux groupes de Gardiens de la Galaxie, après des changements déjà importants (Star-Lord devenu plus puissant, Nova en chef d'équipe, etc.).
Toutefois, cet arrêt ne devrait pas durer longtemps car l'éditeur et le scénariste ont déjà prévu de relancer le titre en 2022 (sans être plus précis). Al Ewing a de toute façon la main sur tout ce qui est cosmique chez Marvel (comme Dan Abnett et Andy Lanning ou Jim Starlin en leur temps) et l'an prochain, il va certainement s'occuper de reconfigurer tout ça (avec Venom qu'il co-signera avec Ram V, et SWORD).


La franchise X va elle aussi entrer dans une nouvelle ère dès lMercredi prochain avec la parution du premier épisode de Inferno, le chant du cygne de Jonathan Hickman, jusqu'en Décembre. J'en parlais la semaine dernière avec la probabilité de l'arrêt de certaines séries (Marauders, New Mutants, Excalibur) avant des relaunches ou le lancement de nouveaux titres.
Parmi les nouveautés, il y aura, c'est sûr, le remplaçant de l'éphémère Way of X, toujours par Si Spurrier. Dans son dernier effort,  X-Men : Onslaught Revelations, il a en effet teasé son prochain titre qui s'appelera vraisembablement Legionaires. Et non, il n'y a pas de faute d'orthographe...
Car Diablo va former une nouvelle équipe avec Legion (David Haller), mais aussi Dr Nemesis, Pixie, Blidfold (tiens, tiens, une précog ressucitée...), Forgetmenot... Et le Fléau ! Cain Marko revient donc dans le giron des mutants après la mini-série de Fabian Nicieza et Ron Garney (où pourtant on nous expliquait qu'il ne pouvait résider sur Krakoa puisqu'il n'était pas un mutant).
Bon, je suis très moyennement chaud parce que Diablo est affublé d'un costume pas possible (et avec à nouveau la barbe...). Le casting de cette équipe ne me semble pas voué à attirer les lecteurs. Et je crains le pire pour l'identité du dessinateur, sans compter que Si Spurrier ne m'a jamais convaincu sur la franchise.


En Janvier prochain, donc tout de suite après Inferno, ce sera l'heure de X Lives/ X Deaths of Wolverine (lire : X = 10, comme dans Powers of X), sur lequel le scénariste Benjamin Percy a consenti à en dire un peu en interview cette semaine. Il s'agira d'un event (encore !) en 10 ou 12 parties. Comme HoX - PoX, les deux mini-séries seront interconnectées et voyageront dans le passé, le présent et le futur, via le personnage de Wolverine. Un dessinateur différent pour chaque série, Joshua Cassara et Federico Vicentini. Et un rythme de parution qui devrait être hebdomadaire (si j'ai bien tout compris).
Quelque réflexions par anticipation : je ne suis pas motivé pour ce projet car Logan redevient trop présent et que Percy m'a déçu sur X-Force (je n'ai jamais lu ses épisodes de Wolverine). Je trouve aussi que Marvel aurait pu attendre un peu après Inferno pour lancer un autre event. De toute façon, je suis de plus en plus méfiant sur les X-Men post-Hickman, je crois que la perte d'un auteur qui supervisait tout va être dommageable à la franchise (même si le statu quo Krakoa est garanti).
Bien entendu, je peux me tromper, je le souhaite même. Mais j'espère surtout qu'on en saura plus sur l'avenir de la franchise d'ici la fin de l'année.


Et peut-être que cela a été au centre des discussions du dernier X-Summit virtuel qui s'est tenu récemment. Ci-dessus, on peut reconnaître des auteurs familiers des mutants actuellement, comme Al Ewing, Benjamin Percy, Vita Ayala, Leah Williams, Jonathan Hickman. Mais que fait là Dan Slott (à moins qu'il ne se soit joint au chat sans raison valable) ? Et surtout qui se cachent derrière les deux avatars bleu et vert ?


Hé bien, pour au moins un d'entre eux, le site Bleeding Cool a réussi à percer le mystère et il s'agit de Kieron Gillen (ci-dessus). Depuis, les théories vont bon train : le scénariste actuel de Eternals (série qui ressemble beaucoup à X-Men de Hickman) va-t-il revenir dans la franchise mutante ? En effet, lors de la période Regenesis (c'est-à-dire après l'event Avengers vs X-Men), Gillen avait hérité de la série X-Men, précédemment écrite par Matt Fraction, pour un run, disons, inégal (sans dessinateur régulier, avec des intrigues liées au schisme entre Wolverine et Cyclope et l'île d'Utopia au large de San Francisco, etc).
N'empêche, depuis Gillen s'est refait la cerise chez Image Comics avec son hit The Wicked + The Divine et a fait son retour en grande forme grâce aux Eternels chez Marvel. Ce serait une excellente recrue pour la franchise X, quelqu''un qui pourrait avoir une vision globale et mythologique à la Hickman (Gillen est très friand de tout ce qui lie pop culture et Histoire). J'aimerai bien voir ce qu'il proposerait dans le contexte de Krakoa, Arakko et compagnie - sans qu'il lâche Eternals !


Et pour conclure, un mot sur l'affaire qui secoue le géant Marvel-Disney : en effet, représentés par l'avocat Marc Toberoff, plusieurs auteurs ou ayant-droit et héritiers d'auteurs attaquent en justice l'éditeur pour récupérer les droits d'exploitation de personnages emblématiques, estimant n'avoir pas été suffisamment rétribués pour leurs créations et leur utilisation sur différents supports (livres, films, jeux vidéos, etc).
Attention, Toberoff ne plaide pas pour des plumitifs inconnus : on parle là de Larry Lieber (le propre fère de Stan Lee), la famille de Don Heck, de Don Rico, de Gene Colan, de Steve Ditko qui ont donné vie aux Avengers, Thor, Iron Man, Black Widow, Ant-Man, Dr Strange, le Faucon, Carol Danvers, Hawkeye. Potentiellement, Marvel pourrait ne plus avoir la propriété de ces héros...
Mais, attention encore à ne pas trop se monter le bourrichon avec cette procédure. D'abord parce que Toberoff n'en est pas à son coup d'essai : c'est déjà lui qui défendait les intérêts des familles de Jerry Siegel et Joe Shuster, les créateurs de Superman, et au bout du compte DC a conclu un arrangement pour les utiliser en mentionnant les auteurs d'origine (et de beaux chèques de royalties). 
Ensuite, quels sont les risques réels de Marvel de perdre leurs droits sur ces personnages ? Quasiment zéro car Stan Lee les a co-créés, et que tout ça va certainement se conclure avec un accord sonnant et trébuchant grâce à Disney (qui ne peut se permettre de perdre ces poules aux oeufs d'or). 
On voit mal en outre ce que feraient les héritiers, ayant-droit et auteurs encore vivants de personnages qu'ils récupéreraient : c'est dans l'intérêt de tout le monde de résoudre ce litige rapidement et sagement.
Toutefois, ce qui est certain, c'est que cette affaire s'ajoute à d'autres, récentes, mettant en cause la pingrerie de Marvel (mais pas que) pour rétribuer justement les auteurs ou du dossier Scarlett Johansson : ça commence à faire beaucoup. Si ça n'empêchera personne de vouloir boisser avec Marvel ni les lecteurs d'acheter leurs séries, pour l'image c'est moins cool. Mais au fond, est-ce que Marvel (ou DC) s'en soucie-t-il ?

N'hésitez pas à réagir en commentaires. Prenez soin de vous. Lisez. Et on se retrouve bientôt pour de nouvelles critiques.

samedi 25 septembre 2021

BATMAN #113, de James Tynion IV et Jorge Jimenez - FEAR STATE


Fear State encore, mais cette fois-ci au coeur de la série Batman, où tout se passe, en tout cas l'essentiel. James Tynion IV est maître de son affaire dans ce titre et gère un casting foisonnant au gré de nombreuses péripéties; Peu de choses lui échappent, même si on déplorera quelques bizarreries et des facilités providentielles. Jorge Jimenez donne tout ce qu'il a au dessin, en sacrifiant parfois les décors mais au rythme où il produit actuellement, on le lui pardonnera.


Le chaos règne à Gotham et la Bat-family étendue ne sait plus où donner de la tête entre les machinations de Simon Saint, celles de l'Epouvantail, celles de l'Anti-Oracle et Sean Mahoney qui erre dans les rues, l'arme au poing et la tête en vrac.


Batman, que tout le monde croit mort, s'introduit dans le bureau de la détective Renee Montoya pour obtenir son aide. Elle la lui accordera si un membre du Collectif Insensé accepte de témoigner contre Simon Saint et s'il neutralise Sean Mahoney.


Batman retrouve Ghost-Maker et grâce à des casques de réalité virtuelle, ils se connectent pour savoir si l'Epouvantail n'a pas corrompu le cerveau de Bruce Wayne. Il apparaît que Jonathan Crane s'est toujours servi de Simon Saint pour procéder à un test à grande échelle sur Gotham.


Mais surtout, Ghost-Maker révèle à Batman qu'il avait croisé Crane bien des années avant et déjà il avait théorisé son "Etat de la Peur", avec pour objectif de trouver des financements et un bouc émissaire. Cependant, le Gardien de la Paix X appréhende Sean Mahoney...

Le rythme soutenu auquel paraît Batman (soit un épisode tous les quinze jours) durant Fear State permet à James Tynion IV de maintenir la pression autant sur ses personnages que sur le lecteur : on a à peine le temps d'intégrer ce qui s'est passé dans un épisode qu'on plonge dans le suivant. C'est efficace mais périlleux car le scénariste n'a pas le droit à l'erreur.

Or, dans ce numéro 113, Tynion IV commet quelques bévues et abuse de quelque facilités. Commençons par une bizarrerie : au début de l'épisode, Batman a un échange avec le détective du GCPD Renee Montoya. Celle-ci, jusque récemment, suivait les ordres du Maire Nakano avant de manifester ses réserves et son désaccord quand il a autorisé le programme Magistrat mis au point par Simon Saint (dans lequel elle voyait davantage un escalade de la répression policière qu'un moyen de règler le problème du vigilantisme).

Maintenant que le chaos règne, il est naturel que Batman et Montoya se retrouvent pour tenter de ramener le calme et la détective ne se pose plus en adversaire du justicier. Chacun a fait la paix avec l'autre par la force des choses.

Mais James Tynion IV n'est pas Greg Rucka. Il n'a pas la même affection pour Montoya que son confrère (qui, c'est vrai, adorait la détective, dont il animait les aventures dans Gotham Central, la maxi-série 52, plusieurs minis La Question, Batwoman, etc). Montoya, c'est une créature Rucka-ienne par excellence : brune, forte tête, dure-à-cuire. Il a même trouvé le moyen d'en faire l'héroïne de la mini-série Lois Lane. Mais surtout Tynion semble complètement occulter le fait que Renee Montoya est elle aussi une justicière masquée puisqu'elle agit sous l'alias de la Question (on l'a encore vue dans Event Leviathan de Bendis et Maleev).

Comment se fait-il alors que : 1/ Montoya soit devenue une contemptrice des masques et 2/ que cette femme, volontiers parano, n'ait pas deviné plus tôt que Nakano s'embarquait dans une alliance dangereuse avec Saint ? Tout cela est totalement évacué dans le Batman de Tynion et c'est vraiment maladroit (pour ne pas dire pire).

Ensuite, le scénariste utilise de chapitre pour revenir sur le fait que l'Epouvantail semble avoir trouvé un nouveau moyen (c'est-à-dire autre que ses fameuses toxines de la peur) pour contrôler ses adversaires. Batman a-t-il été compromis, corrompu par ce nouvel atout ? Il va chercher à le savoir avec l'aide de Ghost-Maker grâce à une espèce de casque de réalité virtuelle (mis au point par Wayne Tech), permettant de sonder l'esprit.

Bon, c'est très pratique, mais un peu grossier, surtout quand on voit à quoi ça aboutit. Soit : Ghost-Maker a rencontré Jonathan Crane des années plus tôt et celui-ci lui a fait assez confiance pour lui déballer par le menu sa fameuse théorie de l'Etat de Peur et comment il s'y prendrait pour le provoquer, en trouvant un mécéne assez naïf et un bouc émissaire. C'est un sacré coup de bol, ça ! Et pour un génie du mal, l'Epouvantail n'est finalement pas beaucoup plus malin qu'un méchant ordinaire qui ne trouve rien de mieux que de détailler la machination qui entraînera toute une ville dans les ténèbres. Le véritable énnemi des vilains, ce ne sont pas les justiciers, mais le fait qu'il ne tienne pas leur langue.

Heureusement, Jorge Jimenez est là et l'énergie phénoménale qu'il insuffle à ses dessins suffit prrsque à oublier ces boulettes. Toutefois, l'artiste tire un peu la langue lui aussi : alors qu'il se distingue par sa capacité à illustrer avec le même soin scènes d'action et scènes d'exposition dans des décors fouillés, on note bien cette fois que les décors sont plus esquissés, moins précis. 

La séquence en réalité virtuelle permet à Jimenez de s'économiser sur les arrière-plans, et de manière plus générale, le dessinateur joue avec l'environnement dans lequel se trouvent les personnages pour ne pas avoir à trop en dessiner. Le dialogue entre Batman et Montoya se déroule opportunément dans un pièce mal éclairée. A la fin, quand le Gardien de la Paix X est sur le point d'arrêter Sean Mahoney, la pluie qui tombe permet aussi de ne pas représenter trop minutieusement l'endroit où tout cela se joue.

Jimenez se rattrape sur l'expressivité des personnages, même si la valeur des plans qu'il leur accorde a tendance à hystériser leurs réactions, comme quand on voit Jonathan Crane jeune homme s'emporter sur une quasi-pleine page avant de se ressaisir pour expliquer son grand plan. Néanmoins, je serai indulgent avec Jimenez car dessiner comme il le fait à une telle cadence nécessite une sacrée forme et ses planches gardent une belle tenue. Il ira jusqu'au bout de ce run sans fill-in artist, ça mérite le respect.

Quelque part il vaut mieux que ce coup de moins bien se produise maintenant en souhaitant que Tynion soit plus inspiré pour la suite et fin. Cette saga a encore du potentiel et on peut accorder sa confiance à l'auteur, bien soutenu par son dessinateur, pour vite se reprendre.

vendredi 24 septembre 2021

CATWOMAN #35, de Ram V et Nina Vakueva - FEAR STATE


Catwoman était déjà impacté par Fear State depuis quelques épisodes, mais avec ce numéro Selina Kyke affronte la crise qui s'empare de Gotham directement. Ram V met en scène l'héroïne comme un animal blessé, mais qui doit puiser dans ses ressources pour ne pas s'effondrer. Au dessin, c'est Nina Vakueva qui a la lourde tâche de succéder à Fernando Blanco.


De retour au Nid, Catwoman trouve James Briggs, le collègue du détective Hadley, tué par le Père Vallée. Leo Carreras soutient Selina Kyle alors qu'elle vient d'évacuer sa soeur, Maggie, qui ne compte pas revenir à Gotham. Pour ne rien arranger, elle apprend par l'Anti-Oracle la mort de Batman.


Cependant, Gueule d'argile convainc quelques super-vilains de résister aux forces du Magistrat en défendant Alleytown où Catwoman les a accueillis. Cheshire, Killer Croc, Firefly se joignent à lui pour affronter les Gardiens de la Paix.


De leur côté, le Sphinx et le Pingouin renouent le contact. Oswald Cobblepot veut profiter du chaos pour reprendre le contrôle de Alleytown et il a un objectif encore plus précis : mettre la main sur Poison Ivy afin de commercialiser à nouveau la drogue de synthèse produite à partir de son ADN.
 

Catwoman repart dans Alleytown pour tenter d'en savoir plus sur la mort de Batman. Mais elle est rapidement encerclée par les Gardiens de la Paix. Elle réussit à les semer en abandonnant sa moto puis est rejointe par Shoes qui l'informe qu'on a piraté les communications d'Oracle pour semer la confusion...

Ce mois-ci et les deux suivants, Catwoman va donc se poursuivre au rythme de Fear State. Ce n'est pas une surprise car Ram V avait déjà introduit la menace dans les précédents épisodes. Alleytown est déjà depuis quelque temps sous la coupe du programme Magistrat et les Gardiens de la Paix de Simon Saint avec le GCPD font règner la terreur dans le secteur que le milliardaire allié à l'Epouvantail considère comme une zone de non-droit à purger.

On retrouve donc Catwoman après son combat contre le Père Vallée et Ram V nous montre que ce derneir n'a pas péri dans l'explosion qu'il a lui-même déclenchée dans le dernier numéro. Mais son sort attendra car, pour l'instant, Selina Kyle a d'autres chats à fouetter (pardon...).

Le scénariste dépeint l'héroïne comme un animal blessé, aux abois, et il appuie là où ça fait mal. Le détective Hadley est mort en prenant la balle que le Père Vallée destinait à Maggie Kyle. James Briggs, son collègue, tient Selina pour responsable. Elle l'admet : elle n'a pas su protéger Alleytown de ses prédateurs ni du danger que représente Simon Saint, ses "Strays" (la bande de gamins qu'elle a pris sous son aile) errent à nouveau dans les rues et sont persécutés par les forces de l'ordre.

Pire : alors qu'elle a évacué Maggie, Selina s'est vue expliquer par celle-ci qu'elle ne reviendrait pas à Gotham. Leo Carreras essaie de réconforter sa patronne - en vain. Enfin, elle apprend que Batman est mort, comme l'Anti-Oracle le prétend. 

Ram V multiplie les points de vue pour bien montrer à quel point le quartier est en feu : Gueule d'argile convainc des vilains de se rebeller contre le programme Magistrat, comme s'ils pouvaient se racheter en affrontant cet oppresseur. Puis le Pingouin et le Sphinx conspirent pour trouver Poison Ivy et profiter du chaos ambiant. Tout cela permet au lecteur d'appréhender comment chacun s'accommode (ou non) d'une crise profonde : en se battant ou en tentant d'en tirer bénéfice. C'est malin et efficace.

Le seul reproche qu'on peut formuler ici, c'est que finalement on voit assez peu Catwoman dans sa propre série et quand c'est le cas, elle est trop diminuée physiquement et moralement pour nous convaincre qu'elle peut renverser la situation. C'est un peu le même problème qu'avec Nightwing où rien ne peut persuader le lecteur que Dick Grayson contribuera de manière décisive à la résolution de la crise. James Tynion IV ne semble pas avoir fourni à ses camarades scénaristes un plan sur lequel s'aligner pour que son crossover ait une unité, une cohésion : c'est dommage. Catwoman est livrée à elle-même alors qu'elle aurait pu assister Batman (mais personne ne semble se rappeler ou vouloir se souvenir que Tom King avait construit tout son run sur la formation du couple Batman-Catwoman).

Ce n'est nénamoins pas désagréable à lire : Nina Vakueva au dessin se défend pourtant bien, elle a changé son style (qui, auparavant, ressemblait beaucoup à celui d'un Takeshi Miyazawa) pour une approche plus charbonneuse, plus brute.

Le résultat est plus convaincant que je le pensais et surtout convient bien à l'ambiance désespérée de l'épisode, de l'histoire. Ce n'est pas parfait, mais avec les couleurs de Jordie Bellaire, fidèle au poste, on conserve un esthétisme soigné. La vision de Alleytown en flammes est saisissante par exemple. C'est une des rares fois où Vakueva met le paquet sur les décors, alors qu'elle a tendance à les expédier par ailleurs. Un autre beau moment est celui des adieux entre Selina et Maggie, simple, poignant. Catwoman, héroïne superbe et orgueilleuse, est souvent plus humaine quand elle est confrontée à des épreuves qui l'engagent directement et ici, elle perd tout - son amour, sa soeur, son quartier.

Bon, il faut quand même avoir le moral pour lire ce crossover. Je regrette surtout qu'éditorialement un effort n'air pas été franchement produit pour que la saga de James Tynion IV n'ait pas été conçue de manière visiblement plus concertée car Ram V comme Tom Taylor semble plus subir qu'accompagner le mouvement.