samedi 7 août 2021

FIRE POWER #13 - 14, de Robert Kirkman et Chris Samnee


Je sais, j'avais dit que j'arrêtai Fire Power. Et j'ai tenu... Un mois. Je suis faible, j'ai craqué, replongé. Et je ne le regrette pas car le début de cette deuxième "année" de la série écrite par Robert Kirkman et dessinée par Chris Samnee me plaît bien. Avec une nouvelle menace, un casting mieux utilisé, du potentiel. Presqu'une nouvelle série en fait.


Au lendemain de la guerre entre le Temple du Poing de Feu et du Clan de la Terre Ecorchée, Owen Johnson, sa femme et leurs enfants sont rentrés chez eux, espérant renouer avec une vie plus tranquille. Mais Owen reste soucieux.


Au Temple, Wei Lun a repris les commandes et l'entraînement des élèves. Chou Feng est enfermé dans une cellule. Ma Guang lui rend visite pour lui rappeler son échec. L'ancien maître du Temple est accablé, mais comme son ancien disciple, il ne remarque pas la présence d'un serpent dans sa cellule.


Doug Johnson est renvoyé de l'école après s'être battu avec un autre élève tandis que sa soeur, Haley, voit son meilleur ami, Tyler, l'éviter. Owen les entraîne et consent à leur apprendre à générer des boules de feu. Contre toute attente, Haley y arrive, mais sans maîtriser ce pouvoir.


Kellie Johnson revient du travail, où elle a patrouillé avec Reggie et appréhendé un forcené. Mais l'ambiance est lourde. Elle sait, comme Owen, que tout n'est pas revenu à la normale et s'inquiète pour le futur...


J'ai décidé de rédiger une seule critique pour les n°13 et 14, ce dernier épisode étant sorti ce Mercredi 4 Août.


Haley tente à nouveau de générer des boules de feu - sans succès. Owen la réconforte en lui expliquant que c'est un long apprentissage qui l'attend. Au même moment, au Temple, Wei Lun et Ma Guang découvre Chou Feng dans sa cellule, mordu par un serpent et visiblement possédé.


Kellie interroge Owen pour savoir s'il est heureux, après avoir vécu toutes ces aventures. Il lui répond que ses années passées au Temple n'avaient rien de paisible et il préfère sa vie actuelle, en famille, avec les enfants, auprès d'elle.


Le lendemain soir, Haley alerte sa mère alors qu'une horde de serpents encerclent son lit. Kellie sauve sa fille en sautant avec elle par la fenêtre de sa chambre, enroulées dans une couverture. Doug tente d'écraser les serpents dans le jardin mais les reptiles prennent alors forme humaine.


Kellie attaque la femme-serpent avant que Ling Zan ne surgisse pour l'aider. Elle met en difficulté cet adversaire qui disparaît en jurant qu'elle reviendra pour éteindre le feu. Owen arrive et reconnaît Ling Zan, dont il avait caché à Kellie qu'elle était toujours en vie...

Le Prologue et les douze premiers épisodes de Fire Power constituaient, de l'aveu même de Robert Kirkman, l'équivalent de la "saison 1" de la série, ou plus exactement sa première année. Je ne reviendriai pas sur ce que j'avais dit de sa conclusion : elle m'a déçu, surtout au niveau du rôle joué par Owen Johnson, le héros de la série, présenté comme le sauveur, l'élu, et qui, en vérité, n'a guère pesé sur l'issue du conflit entre le Temple du Poing de Feu et le Clan de la Terre Ecorchée lors de la grande bataille qui couvrit les n°10 à 12.

J'avais donc décidé d'en rester là, convaincu que Fire Power n'était pas fait pour moi, estimant que Robert Kirkman avait failli, et aussi un peu agacé par la caractérisation d'Owen Johnson, dépeint comme un individu fuyant ses responsabilités de héros au profit de celles, non moins importants mais moins spectaculaires, de père de famille et mari.

Et puis... Un ami m'a filé le treizième épisode en m'assurant que j'avais commis une bêtise et que l'histoire repartait sur de bonnes bases, avec une intrigue accrocheuse. J'ai résisté à replonger et, une fois lu cet épisode, à écrire une critique. J'attendais une confirmation. Et pour l'avoir, j'ai passé commande du quatorzième numéro.

En le découvrant Mercredi dernier, j'ai bien dû reconnaître qu'effectivement c'était bien fichu, très prenant. Le nouvel arc qui se dessinait était engageant, avec une menace entrevue auparavant mais qui prenait vite de l'ampleur, mais aussi une caractérisation plus dynamique, une meilleure gestion, plus équilibrée, du casting. Et toujours de superbes dessins. J'ai craqué.

J'espère bien sûr maintenant que cela va se confirmer sur le long terme, je reste prudent sans être méfiant. Il faut admettre quand on s'est trompé. Quoique, en l'occurrence, il ne s'agit pas tant d'une erreur de ma part que d'une vraie déception sur la conclusion des derniers épisodes de la "saison/année" 1 de la série - avant cela, j'avais apprécié l'expérience.

Pour ce qui est du contenu de ces deux nouveaux chapitres, Kirkman la joue plus subtil que d'habitude : il souligne avec à-propos que les Johnson reviennent de loin, au sens propre et figuré. Et dans un premier temps (#13), il s'attarde sur les répercussions des douze premiers épisodes. Quand on revient de la guerre, même si on l'a gagné, peut-on vraiment dire que tout va mieux, faire comme si tout était fini, derrière soi ? A l'évidence, non. Une succession de saynètes prouve le contraire : Kellie reprend son travail avec Reggie, Owen repart travailler. Mais vite de nouveaux soucis surgissent avec les enfants : Doug se bat avec un autre élève (qu'il corrige grâce aux arts martiaux que lui a enseigné son père), Haley voit son meilleur ami, Tyler, l'éviter (il a été témoin des attaques des assassins de Chou Feng).

Owen compose avec tout cela, en l'absence de Kellie, et consent à enseigner à ses enfants l'art de générer des boules de feu, bien que préoccupé par avance à la perspective que ce soit son fils qui réussisse. Mais il n'est pas plus rassuré quand c'est Haley qui y parvient. En tout cas, le résultat introduit plusieurs pistes intéressantes : comment à présent réagir à cela ? Est-ce que Owen et sa fille ne seraient-ils pas des élus, capables de générer des boules de feu, et donc les parents d'Owen avaient-ils aussi ce don ? Et surtout est-ce vraiment un privilège, un don, ou une malédiction ?

Mais Kirkman n'a pas oublié le Temple du Poing de Feu et il y introduit la menace qui va certainement courir sur tout le prochain arc, voir toute la "saison 2". Il s'agit du Présage du Serpent, qu'on a vu à l'oeuvre dans les épisodes précédents, mais sans rien savoir de son origine, de son objectif. On va apprendre qu'il s'agit d'un nouveau clan, rival à la fois de celui de la Terre Ecorchée et du Temple du Poing de Feu, dont le projet est de supprimer les créateurs de boules de feu. Pourquoi ? Il faudra encore attendre pour le découvrir.

Mais le volume de l'intrigue atteint un autre palier dans l'épisode 14 où Kirkman accélère sensiblement : les scènes se succèdent sur un rythme soutenu, on va et vient entre la maison des Johnson et le Temple, les serpents prennent possession de Chou Feng incarcéré, Haley est attaquée, Ling Zan surgit. Et à cette occasion Kellie Johnson apprend que l'ex de son mari est toujours en vie et qu'il avait omis de le lui dire ! Tout cela augure de tensions dans le couple Johnson car désormais il ne fait guère de doute que va s'établir une sorte de triangle amoureux avecc Owen au centre, Ling Zan dans le rôle de la tentatrice et Kellie dans celui de l'épouse craignant pour son couple tout en étant furieuse après son mari. Sans oublier les enfants car il est évident que Haley va devoir apprendre, peut-être en intégrant le Temple et l'enseignement de Wei Lun, à maîtriser son pouvoir. Suscitant peut-être la jalousie de son frère...

De manière efficace, Kirkman fait phosphorer le lecteur, le pousse à imaginer comment le récit va évoluer. Contrairement à l'année 1 de la série lors de laquelle tous les événements convergeaient vers un duel entre le Temple du Poing de Feu et le Clan de la Terre Ecorchée, avec quelques retournements de situations pour pimenter l'affaire, ici on a droit à une progression plus rapide mais aussi plus stimulante car les protagonistes sont dos au mur, dépassés par des événements personnels, tandis que l'ennemi progresse plus discrétment. Le lecteur est plus sollicité et il mord volontiers à l'hameçon car ça bouge de tous les côtés en même temps. Il y a peu de chance que Owen puisse cette fois repousser son destin de héros car ce n'est plus seulement son ancienne école qui est en danger, sa famille est en ligne de mire, au centre de l'attention, et l'adversaire est beaucoup plus trouble.

Visuellement, Chris Samnee continue à enchaîner les épisodes avec une qualité et une régularité qui laissent pantois. Son style a évolué depuis qu'il se consacre à Fire Power, allant vers plus de simplicité. Dans les dialogues entre lui et Kirkman qui bouclent chaque numéro, on apprend (pour ceux qui ne le savaient pas encore) que Samnee n'aime pas vraiment dessiner : certes il gribouille son découpage puis crayonne ses planches, mais il ne pousse pas le procédé, comme s'il s'économisait pour passer à l'encrage. C'est l'étape-clé chez lui.

Kirkman demande par exemple à Samnee s'il lui faut plus de temps pour réaliser une planche avec beaucoup d'à-plats noirs ou plus lumineuses. On pourrait penser qu'en noircissant des zones entières d'un plan, cela est plus simple pour un artiste car cela le dispense de détailler les décors, les arrière-plans. Mais  Samnee ne conçoit pas son travail comme cela : ce qui le préoccupe le plus, c'est la lisibilité de l'image, et en l'occurrence, plutôt de composer en termes d'ombres et de lumière, il pense en termes de source lumineuse. C'est ce qui va définir le plan et même la planche, sur la durée de la scène.

Les influences de Samnee sont multiples et assumées : il lit des comics, mainstream et indés, de la BD européenne, et des mangas. Ces derniers l'inspirent au moment de dessiner les scènes d'action, pour l'illusion du mouvement, les transitions, la sensation de vitesse (même si Samnee n'abuse vraiment pas de certains trucs comme les traites de vitesse). Pour la BD européenne, c'est le souci de l'expressivité, de la clarté qu'il retire : il apprécie par exemple le travail d'Alain Dodier (Jérôme K. Jérôme Bloche). Et évidemment, pour les comics, c'est le sens de l'ellipse, le fait d'aller à l'essentiel, la gestion du temps pour tenir les délais, sans jamais sacrifier la qualité, il est de l'école Toth, où l'économie du trait et des effets va de pair avec une exigence de raconter intelligemment.

Appliquées à Fire Power, ces influences produisent des pages qui peuvent décevoir ceux qui adoraient le Samnee de Daredevil ou Black Widow dans la mesure où il épure encore davantage, flirtant parfois avec le cartoony (mais moins que pour Jonna and the Umpossible Monsters). Sans doute est-ce une conséquence du fait qu'il dessine deux séries simultanément, mais en même temps il a démarré Fire Power avant Jonna..., et donc cela exprime bien une volonté de simplifier son trait.

Kirkman a des marottes (comme les baskets que porte Wei Lun, et qui tracasse Samnee, moins fan de ce genre de détail ; ou des splash-pages qui peuvent servir à souligner l'expression d'un visage en gros plan ou à représenter un mouvement de plusieurs personnages). Mais Samnee imprime sa narration et son scénariste lui laisse de la liberté car il a conscience qu'il a un partenaire solide, expérimenté. Cettec complicité transpire et réjouit le lecteur. Songez quand même que le premier Mercredi de chaque mois, on lit du Alvaro Martinez, du Pepe Larraz, du Chris Samnee : qui a dit "c'était mieux avant ?".

Bref, c'est reparti pour un tour de Fire Power.     

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