jeudi 3 juin 2021

BATMAN #109, de James Tynion IV et Jorge Jimenez


Comme souvent, en début de mois, les éditeurs lâchent leurs comics les plus attractifs pour attraper les lecteurs par le col. Marvel lance le nouvel event X, DC répond en sortant le nouveau n° de Batman. James Tynion IV y poursuit l'intrigue qu'il a mis en place depuis le mois de Mars et qui se présente comme le préambule à Future State - ou du moins au crossover Fear State pour cet Automne. Jorge Jimenez suit le cadence de cette histoire dense et haletante avec maestria.


Encore troublé par la conversation qu'il a eu avec Molly Miracle, Batman renoue le contact avec Oracle. Barbara Gordon lui fait son rapport sur l'Epouvantail qui continue d'entretenir un climat de terreur en ville. Elle est chargée de trouver le lien qui unit le criminel à Simon Saint et d'appeler Ghost-Maker.
 

Mais ce dernier fait la sourde oreille. Il veille sur Harley Quinn, suivant les ordres de Batman, en l'emmenant à son luxueux repaire. Le justicier est intrigué par l'ex-complice du Joker et ses motivations pour se racheter car lui-même fait le même chemin après avoir été un vigilant aux méthodes extrêmes.


Leur discussion est interrompue par Bella, la Jardinière, partenaire de Poison Ivy. Elle a déjoué le système de sécurité du repaire de Ghost-Maker pour prévenir Harley que Ivy se cache dans les souterrains de Gotham, prête à faire s'effondrer la ville. Harley est requise pour l'aider.


Cependant, Batman s'est introduit dans le building de Simon Saint qu'il interroge sur l'Epouvantail. Mais le Gardien de la Paix 01 surgit et malmène le dark knight qui doit battre en retraite. Avant de comprendre que, pour sortir de cet endroit, il devra l'affronter...

J'enchaîne les critiques car il y a beaucoup de comics sortis cette semaine que j'ai achetés, trop en fait pour pouvoir en faire le commentaire à raison d'un numéro par jour. Ce calendrier chargé ne doit rien au hasard : les "Big Two" sont plus que jamais sur le pied de guerre pour gagner des parts de marché, entre annonces tonitruantes, teasers accrocheurs, et relances de titres avec des équipes créatives attractives. Je tâcherai de faire un point là-dessus dans quelques jours.

Pas de hasard donc. Et c'est pourquoi il ne faut pas s'étonner que la même semaine où Marvel lance le nouvel event mutant (Hellfire Gala), DC réplique avec le 109ème épisode de Batman. On le sait désormais, ce que développe actuellement James Tynion IV va aboutir à un crossover cet Automne, Fear State, impliquant les séries Batman, Detective Comics, Catwoman, et Harley Quinn (a priori Nightwing sera épargné, croisons les doigts). 

Le scénariste, devenu une valeur sûre de l'éditeur, a hérité de son mentor, Scott Snyder, le goût de préparer les choses très en amont et aussi celui de vouloir tout connecter. Fear State se présente comme une sorte de prequel à Future State, l'event de Janvier-Fèvrier dernier qui montrait un futur possible du DCU, notamment celui de Gotham placé sous le régime du Magistrat, une force de police privée avec ses Gardiens de la Paix et sa chasse aux masques. Bruce Wayne y figurait, ruiné, traqué, et mourait en combattant le Gardien de la Paix 01.

Peu de risque que Fear State aille aussi loin, sauf incroyable twist. Mais il faut reconnaître à Tynion le talent de nous faire douter parce que, depuis le début de son run sur Batman le scénariste s'est employé à malmener durement Batman, amputant substantiellement la fortune de Bruce Wayne (même s'il est encore plein de ressources, pas encore aussi diminué que dans Future State), devenu ennemi public, et même suspect n°1 dans une affaire de meurtre (dans Detective Comics). Par ailleurs, Simon Saint, un nouveau personnage, est entré en scène et, de manière très méticuleuse, prépare ce qu'on a lu dans Future State : Dark Detective, puisqu'il est l'instigateur du programme Magistrat.

Le mois dernier, la série a presque fait une pause en confrontant Bruce Wayne à Molly Miracle, membre du Collectif Insensé, un groupuscule anarchiste qui veut renverser la table. Mais à cette occasion, Bruce a appris que Simon Saint finançait cette organisation, et il est également convaincu que ce milliardaire est en affaires avec l'Epouvantail pour entretenir un climat de terreur en ville, propice à l'instauration de ses projets policiers.

L'épisode est découpé en deux : d'un côté, Batman va vouloir tirer les vers du nez de Saint ; et de l'autre, une longue séquence centrale est consacrée à deux seconds rôles de la série, Harley Quinn et Ghost-Maker. Tynion dresse un parallèle habile entre ces deux-là, des psychopathes en quête de rédemption aux côtés de Batman. Il en profite aussi pour introduire un nouveau personnage (encore un), la Jardinière, une ancienne partenaire de Poison Ivy qui voudrait que Harley l'aide car (comme on l'a vu récemment dans Catwoman) elle vient de subir un traumatisme important, qui pourrait la pousser à détruire Gotham.

Ce formidable réseau de plots est superbement illustré par Jorge Jimenez qui livre une prestation très énergique. Difficile de résister à ses dessins très fouillés, avec des compositions fournies et spectaculaires. La visite du repaire de Ghost-Maker impressionne autant Harley Quinn que le lecteur tout en informant sur le personnage, arrogant, envieux, et curieux (dommage qu'il soit vêtu d'un costume aussi ridicule - le point faible de Jimenez dont les characters designs sont parfois limites).

Avec Jimenez, les personnages occupent l'espace avec beaucoup de présence, il leur donne corps, matière, de façon bluffante. Son Batman est très athlétique, mais l'apparition du Gardien de la Paix 01 est également puissante, assez pour qu'on admette que c'est un adversaire dangereux (alors que là aussi, c'est une création récente). D'un autre côté, Jimenez est un dessinateur capable de camper une femme charismatique immédiatement comme Bella, la Jardinière, avec son costume rose vif, très élégant. Et pour ne rien gâcher, les couleurs de Tomeu Morey sont divines.

C'est très bien fait, très intense, très efficace. James Tynion IV m'a souvent paru très inégal, mais son Batman est grisant, porté par le dessin virtuose de Jorge Jimenez. 

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