jeudi 13 mai 2021

WONDER WOMAN #772, de Becky Cloonan, Michael Conrad et Travis Moore


La saga nordique de Wonder Woman se poursuit tranquillement - en tout cas pour le lecteur, qui n'est guère bousculé par le rythme du scénario de Becky Cloonan et Michael Conrad et quelques effets un brin répétitifs. Néanmoins, cela reste agréable, notamment grâce aux superbes dessins de Travis Moore, et à l'apparition d'un personnage inattendu...


Avalée par le serpent Nidhogg, Diana trouve dan son estomac la clé de la forteresse des valkyries et réussit à sortir en poussant le reptile à vomir. Accompagnée de l'écureuil Ratatosk, elle rejoint le champ de bataille mais Sigfried lui apparaît fugacement pour la prier de renoncer à le retrouver.


Diana n'en fait pourtant qu'à sa tête et se joint à Thor et les autres asgardiens pour une énième bataille dans le Valhalla. A cette occasion, elle redécouvre qu'elle sait voler et d'autres vagues souvenirs remontent à la surface. Toutefois, cela la distrait et elle périt dans l'affrontement.


Comme à chacune de ses morts, Diana entend une voix d'outre-tombe lui réclamer d'abréger son séjour au Valhalla. Elle revient à la vie et découvre que cette voix était celle de Deadman, qui évoque la situation critique de l'Olympe. Wonder Woman veut pourtant atteindre les valkyries et sauver Sigfried.
 

Avec Ratatsok, elle s'enfonce dans la forêt sombre de Myrkvid où elle est confrontée à son double maléfique. Il s'agit d'une illusion du Dr. Psycho pour une fois encore la dissuader de rencontrer les valkyries. Diana accède à un embarcadère où Odin accepte de la déposer à la forteresse...

Depuis trois épisodes sous la direction de Becky Cloonan et Michael Conrad, la série Wonder Woman a pris le parti d'entraîner l'amazone dans un cadre inattendu, pour une aventure étrange - et pour cause l'histoire se passe au Valhalla (l'au-delà des dieux asgardiens) et Diana est morte à la fin de la saga Death Metal (de Scott Snyder et Greg Capullo).

Ce choix s'est avéré, à mes yeux, payant car les auteurs se sont affranchis avec bonheur des sempiternelles intrigues et des ennemis familiers de Wonder Woman. On a droit à un récit curieux mais plaisant, avec du mystère (qui parle à Diana pour qu'elle quitte cet au-delà ?), de l'action (une guerre sans fin - le Ragnarok et ses cycles), et une dose d'absurde (les mort à répétition sur le champ de batailles des dieux nordiques).

La contrepartie, c'est que tout se déroule sur un rythme pour le moins tranquille. Cloonan et Conrad préfèrent des épisodes fournis, avec une succession de scènes initiatiques, une progression cryptique, que sonner vraiment la charge et enchaîner des moments spectaculaires (les batailles sont abrégées par les morts successives de Wonder Woman). Par ailleurs, les scénaristes utilisent des versions alternatives de personnages divins familiers pour un lecteur de Marvel, comme Thor, Odin, ou plus généralement friand de mythologie (Sigfried), plus des éléments rattachés comme l'arbre-monde Yggdrasil, le serpent Nidhogg, l'écureuil Ratatosk.

Tout cela aboutit à une collection de chapitres solides et intéressants, mais aussi frustrants car on a l'impression que depuis trois épisodes on n'a pas avancé d'un iota, voire paresseux puisque le tempo n'est pas très vif. La répétition de certains effets narratifs a même tendance à devenir un peu lassant.

Ce numéro ne change pas vraiment la donne, mais présente tout de même l'avantage de bousculer un peu le statu quo de l'héroïne. En effet, à la défaveur d'un énième combat qui tourne court, Diana se souvient qu'elle est Wonder Woman et on apprend (enfin) qui est cette silhouette qui s'adressait à elle avant qu'elle ne ressucite. L'apparition de Deadman fait sens et c'est un plaisir de revoir ce personnage qui aurait dû devenir une vedette après la saga Brightest Day, où il tenait un rôle de premier plan, et durant le New 52, où plusieurs scénaristes se battaient pour l'animer (résultat : personne ne l'a écrit et comme tout ce qui avait été brillamment réhabilité durant Brightest Day, Boston Brand n'a échappé qu'aux oubliettes que grâce à Justice League Dark).

C'est le meilleur moment de cet épisode et sans doute de l'arc jusqu'à présent. Parce qu'il faut bien convenir qu'à part ça Becky Cloonan et Michael Conrad écrivent ensuite Wonder Woman d'une manière qui devient horripilante, têtue au possible et contre toute logique, fonçant droit dans la gueule du loup pour une raison qui défie l'entendement (sauver Sigfried sans qu'on sache jamais pourquoi cela lui tient tant à coeur et contrariant de manière puérile le cycle de Ragnarok alors qu'elle n'appartient pas à cette mythologie). De ce fait, les péripéties qu'elle traverse ici ont la fâcheuse manie d'enfoncer un clou déjà bien planté, entre les avertissements de Sigfried, Deadman, Dr. Psycho, Odin, face à une Diana inflexible : tous la mettent en garde contre les valkyries, l'Olympe requiert sa présence à cause d'une crise importante, mais l'amazone s'en fiche.

Ecrire une héroïne entêtée à ce point, pourquoi pas ? Mais encore faudrait-il que les scénaristes nous expliquent sa motivation, ce qui n'est pas le cas. Tout juste peut-on supposer qu'elle brave le danger  parce qu'elle a, disons, l'habitude de ne jamais laisser un problème irrésolu. mais c'est un peu maigre comme justification.

Heureusement, c'est magnifiquement dessiné et cela nous console un peu, même si ça ne corrige pas tout. Travis Moore signe son avant-dernier épisode (il cédera sa place à Andy McDonald au #774) et livre une copie irréprochable. Son investissement dans chaque planche est total et le résultat est un plaisir pour les yeux.

On peut certes pinailler en notant qu'il est un peu avare sur les décors pour certaines scènes, mais dans l'ensemble, l'action est clairement situé et si l'environnement est sommaire, c'est parce que, tout compte fait, on suit Wonder Woman dans des endroits qui ne présentent pas d'intérêt visuel particulier, qu'il s'agisse de la grotte du serpent Nidhogg (logiquement sombre), le champ de bataille (désolé il se doit). En revanche, la forêt de Myrkvid et l'embarcadère où attend Odin (digne de Charon sur le Styx) sont impeccables, chargés d'une ambiance glaçante à souhait.

Pour ce qui concerne les personnages, j'ai été un peu déçu par le design de Thor et d'Odin, le premier étant vêtu d'un costume trop super-héroïque alors que l'ensemble des figurants porte des tenues plus conformes à des guerriers nordiques, et le second étant bizarrement habillé de guenilles indignes du Père-de-tout, roi d'Asgard (même si on comprend sur la fin que cette apparence modeste est une sorte de déguisement destiné à leurrer tout le monde). Il est évident que Moore a mis le paquet sur la tenue de Wonder Woman, dont le look est vraiment très détaillé (et amené à changer au prochain arc).

Moore ne fait pas de folie avec son découpage, c'est un narrateur sobre, qui dose ses effets et ne consent qu'à des cases plus grandes que pour souligner des passages précis (l'assaut durant la bataille, la traversée de la forêt, l'arrivée à l'embarcadère). La colorisation de Tamra Bonvillain est elle aussi mesurée, bien que parfois les carnations sont un peu trop rosées (peut-être à cause d'un problème d'impression - ce ne serait pas la première fois que DC néglige cet aspect avec Wonder Woman, en son temps Greg Rucka pestait déjà en réclamant que Diana est une peau plus bronzée comme une vraie amazone et le résultat était parfois catastrophique).

On verra ce que donne le conclusion de cet arc le mois prochain, en espérant que Cloonan et Conrad ne déçoivent pas. Après, je ne sais pas si je continuera la série, tout dépendra de la qualité des dessins de McDonald, qui aura fort à faire pour supporter la comparaison avec Moore. 

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