dimanche 23 mai 2021

NIGHTWING #80, de Tom Taylor et Bruno Redondo


Nightwing est la série qui met tout le monde d'accord. C'est un miracle. Mais il a une explication simple : ses auteurs actuels aiment leur personnage et ça se sent. Ce plaisir à animer le héros est communicatif pour le lecteur qui a plaisir à lire ses aventures. Tom Taylor et Bruno Redondo le prouveent une fois encore avec ce 80ème épisode, parfait, et qui se suffit à lui-même au point de ne même pas avoir besoin de fêter spécialement ce numéro.


Dick Grayson est réveillé par deux policiers de Blüdhaven qui l'accusent du meurtre de Martin Holt, l'homme à qui il avait offert (avec le reste du voisinage) à manger la veille au soir. Le fils de la victime est introuvable. Heureusement, Barbara Gordon fournit un alibi à Dick.
 

Pour résoudre ce mystère, Nightwing fait appel à Tim Drake/Red Robin. Il lui confie la mission d'infiltrer le campement sauvage qu'il a découvert et qui sert de refuge à plusieurs orphelins, qui, partagent le fait d'avoir perdu leurs parents à cause d'un mystérieux tueur en série.


Tim retrouve Eliot Holt, le fils de Martin mais deux hommes de main de Blockbuster viennent rançonner les enfants. Nightwing intervient avec Red Robin pour neutraliser ces fripuilles mais un incendie se déclare dans le campement.


Red Robin évacue les enfants tandis que Nightwing cherche à localiser le point de départ du feu. Lorsqu'il le fait, il tombe nez à nez avec le pyromane qui se trouve être le tueur en série, Heartless...

Et si le secret pour réussir une série et gagner le coeur de ses lecteurs résidaient dans le simple fait pour ses auteurs d'aimer leur sujet et leur héros ? C'est en tout cas l'explication la plus évidente quand on lit Nightwing depuis que Tom Taylor et Bruno Redondo l'ont pris en charge. La série revenait de loi, après des débuts pourtant divertissants au début de l'ère Rebirth sous l'égide de Tim Seeley, suivis par une prestation moyenne de Benjamin Percy et enfin un run à oublier commis par Scott Lobdell. Mais cette fois, c'est la bonne, les planètes sont alignées et tout le monde aime Nightwing.

Par hasard, cette semaine, le site spécialisé Newsarama a dévoilé un projet de reprise du titre en 2011 par James Tynion IV et Mikel Janin : à cette époque, à l'issue de l'event Forever Evil (de Geoff Johns et David Finch), Dick Grayson est censé avoir été tué par Owlman, membre de la Ligue d'Injustice. Tynion imagine une série où l'ancien sidekick de Batman adopte une nouvelle identité pour intégrer la police mais aussi poursuivre son activité de justicier pourchassant Owlman avant de découvrir l'existence d'un nouveau Nightwing. Mais le pitch est rejeté au profit de celui de Tim Seeley et Tom King pour Grayson, réinventant Dick Grayson en super-espion (Mikel Janin en assurera les dessins), une des grandes réussites de l'ère New 52.

Quand DC inaugure l'ère Rebirth, Tim Seeley poursuit son travail et organise le retour de Nightwing. Mais le scénariste semble à bout de souffle, en tout cas il ne renoue pas avec l'énergie de Grayson (on mesure alors certainement l'apport de Tom King). A la suite de Seeley, donc, rien de bien excitant.

Tom Taylor est lui devenu, entretemps, un auteur en plein boum chez DC, notamment grâce à l'adaptation du jeu vidéo Injustice, où il collabore déjà avec Bruno Redondo, puis avec son Elseworlds DCeased (et ses suites et spin-off). Marvel l'emploie aussi et il contribuera de manière essentielle à faire de Laura Kinney/X-23 une nouvelle version de Wolverine, au point qu'elle fera partie de l'équipe des X-Men dans la série à paraître en Juillet prochain.

Rien ne laissait deviner que Taylor s'intéressait à Nightwing, surtout après un run abrégé mais marquant sur Suicide Squad (toujours avec Redondo). Pourtant DC a eu le nez creux en lui confiant le personnage (alors que la rumeur courait que Scott Snyder le convoîtait). Car Taylor a eu à coeur, semble-t-il, de restaurer la réputation d'un personnage malmené : presque tout le monde avait oublié que Dick Grayson était là depuis 1940, ce qui en fait un des héros les plus anciens de DC.

Et c'est sans doute là le miracle : animer Nightwing comme s'il était un personnage tout neuf, totalement accessible, doté d'un passé mais jamais écrasé par lui. Tout dans les épisodes de Taylor possède une fraîcheur jubilatoire. D'ailleurs, ce n'est pas sans doute pas un hasard si l'intrigue tourne autour d'enfants perdus, privés de leurs parents à cause d'un tueur en série. Nightwing a trouvé une nouvelle jeunesse, qui le rend irrésistible. Pour moi, la série renoue avec l'esprit qui traversait le run de Mark Waid et Chris Samnee sur Daredevil, quelque chose de bondissant, d'aérien, mais aussi de palpitant, un parfum de Silver Age mais sans nostalgie.

Taylor invite ce mois-ci Tim Drake alias (Red) Robin pour prêter main forte à Dick Grayson : ce n'est pas juste une guest-star ou du fan-service, le successeur de Grayson auprès de Batman joue un rôle pertinent. Barbara Gordon est encore là et là aussi, Taylor le justifie, il aime le personnage mais l'utilise intelligemment, en lui donnant des scène savoureuses. L'action est dense, dynamique, avec des moments jouissifs. Comment ne pas tomber sous le charme ?

Et puis donc il y a Bruno Redondo. L'avantage, c'est qu'il connaît bien Taylor, leur duo est rodé, c'est évident. Le scénariste connaît les forces du dessinateur et ce dernier sait mettre en valeur le script de son partenaire. De ce point de vue, l'osmose est absolue : on a ce sentiment grisant d'assister à une sorte de ping-pong entre deux collaborateurs qui s'entendent parfaitement et cette complicité aboutit à des pages implacables.

Il n'y a pas une scène où Redondo ne touche pas juste. Sa maîtrise du découpage et de la composition lui autorise toutes les audaces, il prend son pied et nous aussi. Qu'il s'agisse du dialogue entre Babs, Dick et les flics (avec un "gaufrier" malin), de la traversée de Blüdhaven avec Red Robin, ou de l'affrontement contre les sbires de Blockbuster (une page suffit, mais quelle page), vous lisez ça avec un sourire permanent. C'est vrai du comic-book comme on l'aime, à son meilleur. Croyez-moi, dans ces moments-là, vous oubliez les guéguerres grotesques sur le fait d'être fan de Marvel ou DC et vous dégustez, vous savourez. C'est de la Haute Couture, de la grande cuisine.

J'adorerai que Marvel publie une série qui donne autant de fun, de joie, ça équilibrerait les choses, mais en ce moment je ne vois pas d'équivalent à Nightwing chez la "Maison des Idées". En prime, en se déroulant à Blüdhaven, Nightwing est préservé car elle ne se situe pas dans l'entourage des Bat-titles (donc elle ne sera pas impliquée dans le futur crossover Fear State). Tom Taylor et Bruno Redondo peuvent bosser tranquilles et continuer à nous régaler.

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