vendredi 7 mai 2021

MARAUDERS #20, de Gerry Duggan et Stefano Caselli


Jordan White, l'editor-in-chief des séries X, l'a annoncé depuis plusieurs mois : en 2021, de grands bouleversements attendent le personnage de Tornade. Dans cet épisode de Marauders, Gerry Duggan les acte autour d'un dîner entre les membres de l'équipe et la principale intéressée. C'est aussi l'occasion de revenir sur quelques hauts faits d'armes de la déesse, et aussi de savourer des planches magnifiques de Stefano Caselli, colorisées par Sunny Gho et Chris Sotomayor.


A bord du navire Mercury de Kitty Pryde, sur une mer démontée, se tient un diner en l'honneur de Tornade, qui vient d'annoncer aux Marauders qu'elle quitera bientôt l'équipe. Chaque convive revient sur un moment où la mutant africaine les a impressionnés, sans même utiliser ses immenses pouvoirs.


Pyro se rappelle d'une récente visite en Inde où elle a délivré une mutante exploitée par un démanteleur d'épaves. Bishop parle d'une négociation en Angola avec des rebelles armés qu'il a raisonnés en leur faisant croire à la présence de sa partenaire tandis qu'un orage grondait.


Iceberg se remémore un épisode après la bataille de Madripoor où Ororo Munroe a infligé une correction au Maître de la Haine au point de le dissuader de continuer ses activités. Callisto évoque à demi-mots sa résurrection après l'Epreuve où Tornade l'a aidée.


Kitty revient sur la fois où elle s'est cassée le nez sur le portail de Krakoa. Emma se souvient quand elle et Tornade avaient échangé leurs corps. Emma se retire et trouve Sebastian Shaw sur le pont où il mentionne la défunte Lourdes Chanel à la veille du gala du Club des Damnés...

La (superbe, comme d'hab') couverture de Russell Dauterman est une friandise adressée aux vieux fans des X-Men de Chris Claremont dans les années 80, quand Tornade arborait sa coupe mohawk, que Kitty Pryde se faisait appeler Shadowcat et que Diablo avait une romance avec Ororo Munroe. La mutante, maîtresse des éléments, semble contempler ce souvenir dans le soleil couchant (à moins que ce ne soit à l'aube). Tout cela rejoint l'annonce de Jordan White, l'editor de la franchise X, qui avait promis que 2021 marquerait une évolution spectaculaire pour Tornade.

Le script de Gerry Duggan met en scène un dîner à bord du navire Mercury, volé par Kitty Pryde au tout début de la série Marauders. Tornade annonce qu'elle va quitter l'équipe après le gala du Club des Damnés, sans préciser ses projets. Mais ceux-ci seront dévoilés bientôt et révéleront l'ampleur des changements dans sa vie (peut-être en relation avec la faveur que lui doit Xandra, l'impératrice Shi'ar, qu'elle a sauvée dans X-Men #17 ?).

Duggan n'a finalement guère utilisé le personnage de Tornade dans sa série, elle semblait ne pas entrer vraiment dans ses plans, et honnêtement sa présence ne semblait se justifier que par les liens quasi-maternels qu'elle entretient avec Kitty Pryde. Les interventions récentes et marquantes de Callisto fonctionnaîent bien mieux car la reine des Morlocks s'inscrit naturellement mieux dans le ton d'une série comme Marauders.

Le "problème" Tornade ne date pas d'hier. Peu de scénaristes savent bien l'écrire et encore moins savent l'employer à sa juste valeur. C'est souvent le souci de Marvel avec des personnages comme elle, trop puissants (en son temps, déjà, John Byrne, co-écrivant les épisodes de Uncanny X-Men avec Claremont notait que Jean Grey/Phénix avait été penséé comme l'équivalent de Thor chez les mutants avant qu'ils ne se rendent compte qu'elle était trop puissante pour permettre aux adversaires de l'équipe d'exister de manière assez menaçante). Tornade est qualifiée de "déesse", c'est une mutante de niveau Oméga, elle souffre du syndrome Phénix. Et plusieurs auteurs en ont fait une femme volontiers arrogante, même si elle a connu des épreuves terribles (une enfance misérable, la perte de ses pouvoirs).

Duggan fait pourtant preuve de subtilité au moment de rendre Tornade à qui voudra bien la prendre. Les convives du Mercury évoquent tour à tour un moment important qu'ils ont partagé avec elle et le scénariste se montre habile dans cet exercice, sans sombrer dans l'hagiographie, évoquant des scènes qu'on n'avait pas vues, d'autres où Tornade est carrément absente, d'autres encore où son rôle n'est que suggéré, enfin d'autres qui renvoie à un vieil épisode de la période Claremont-Cockrum (le souvenir de l'échange des corps cité par Emma Frost).

Ce qui est évident, c'est que Duggan aurait visiblement préféré écrire Ororo sans pouvoirs, car elle inspire curieusement plus de respect et d'intérêt à ses yeux. Le scénariste s'amuse à un petit jeu autour du goût et de l'adresse de Tornade pour les couteaux, chacun des convives pariant sur le nombre de lames qu'elle porte sur elle. Ainsi on peut deviner que, malgré ses immenses pouvoirs, Ororo s'arme encore comme si elle devait perdre ses capacités mutantes (comme à l'époque où une arme de Forge l'en priva et qu'elle portait sa fameuse coupe mohawk). Et tous les invités du repas conviennent que, effectivement, Tornade n'a guère besoin d'invoquer les éléments pour s'imposer face à l'ennemi ou asseoir son autorité. Cela peut inciter à se poser la question : Ororo se prêterait-elle à l'Epreuve (le "Crucible') si elle perdait ses pouvoirs pour les récupérer ? Pas sûr... Mais alors quelle serait sa place dans la nation X, à la table du conseil de Krakoa ? On comprend bien que ces interrogations sont partagées par le personnage et rencontrent sa décision de prendre du champ avec les Marauders.

Stefano Caselli dessine cet épisode de manière magistrale. Sa complicité avec Duggan est formidable, il dispose d'un script prompt à jouer sur ses points forts et il valorise le scénario à chaque page. Son trait très expressif rend compte de toutes les émotions qui traversent les personnages de l'épisode (même si Shinobi Shaw et Christian Frost restent muets - à vrai dire, on se demande ce qu'ils font là, même si Christian est le frère d'Emma et qu'on voit Sebastian Shaw sur le pont du Mercury à la fin).

Pour la première fois, Pyro, le crétin de service, aligne quelques répliques intelligentes et ne sert pas que de faire-valoir. Bishop affiche une mine rusée, savoureuse à souhait. Iceberg a droit à une entrée très bien vue. Kitty renvoie au tout début de la série. Mais celles qui brillent le plus, sous le crayon de Caselli, à l'évidence ses deux favorites, comme Duggan, sont bien Callisto et Emma Frost. Les différences entre ces deux mutantes sont indéniables, pourtant elles sont sans doute celles qui ont connu les expériences les plus intimes avec Tornade et aussi celles qui partagent avec elle cette même stature de chefs, de femmes de tête. Perso, j'adore absolument la Callisto de Duggan et Caselli, certes plus belle qu'à son apparition (pourtant dessinée par Paul Smith), mais qui a une présence à l'image, un charisme redoutable (elle me fait penser à la chanteuse Chrissie Hynde, qui, je crois, avait été le modèle initial du personnage, comme Debbie Harry avait inspiré Dazzler).

Exceptionnellement, l'épisode est colorisé par Sunny Gho et Chris Sotomayor, et j'ai l'impression que ce dernier s'est chargé de plus de pages que son collègue, car la palette est plus nuancée (notamment pour la carnation de Tornade - les fans avaient beaucoup reprocher à Federico Blee de l'avoir faite trop pâle alors qu'elle est originaire du Kenya). Le rendu est en tout cas superbe.

Pour son vingtième numéro, Marauders prouve que la série bat son plein. J'ignore encore quel sera son sort après le Hellfire Gala du mois de Juin, puisque Gerry Duggan écrira dès Juillet X-Men (qui sera renuméroté au #1). Le scénariste signera-t-il les deux séries ? Je doute toutefois que Marauders soit annulé (la data page finale rappelle la mission de l'équipe, parfois un peu reléguée hors champ), je ne l'espère pas en tout cas.

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