Il n'est de bonne compagnie qui ne se quitte et c'est donc la dernière critique de X-Force que je rédige. Je songeai depuis déjà un moment à abandonner cette série mais cette fois, c'est la bonne. Pourtant cet épisode m'a fait douter, à cause de son twist final et malin. Mais ce sera donc le premier titre X que je laisse tomber depuis la relance de la franchise.
Depuis qu'il est membre de la X-Force, Quentin Quire alias Kid Omega est celui qui est mort le plus souvent en mission. Et bien que les mutants puissent désormais ressuciter, il se demande quelle est la part de malchance ou de pulsion suicidaire dans tout ça.
Après avoir été envoyé sur un paquebot au large de Krakoa dont tous les passagers ont été mystérieusement tués - et lui avec - , Kid Omega veut des réponses et sa girlfriend, Pheobe Cuckoo est là pour l'aider à les trouver.
Ensemble, ils découvrent trois survivants du paquebot et sondent leurs esprits durant leur hospitalisation. Tous croient avoir été tués par des X-Men. Et l'un d'eux serait Quentin Quire lui-même. Kid Omega aurait-il commis l'irréparable sans s'en rendre compte, violant une des lois sacrées de Krakoa ?
Phoebe refuse de le croire et pense que Quentin refoule un traumatisme lié à son enfance car il a été adopté. Il faut qu'il opère sa mue et, pour cela, commencer par changer de look. Direction : la boutique de Jumbo Carnation...
Est-ce que je vous spoile ce fameux twist final ? Disons que qu'on découvre que Quentin Quire n'est littéralement pas le même que celui qu'on croit et que cela explique sa présence dans les deux derniers épisodes, alors qu'on l'avait vu capturé par Mikhail Rasputin et livré à l'organisation Xeno, qui désirait cloner ses immenses pouvoirs (rappelons que Kid Omega est, comme son surnom l'indique, un mutant de niveau oméga, donc un des plus puissants de sa communauté)...
Je dois admettre que ce coup de théâtre final est vraiment bien trouvé de la part de Benjamin Percy. D'autant plus que le scénariste ne le livre qu'à la toute dernière case de la dernière page de l'épisode, et ça suffit pour nous faire reconsidérer tout. C'est astucieux mais bien amené, totalement imprévisible. C'est un des des retournements dignes des films de M. Night Shyamalan, jubilatoires parce qu'on a été roulé dans la farine mais sans que ce soit vexant parce que rien, absolument rien ne permettait de le deviner. Une narration efficace tout simplement. Que je salue.
Mais si c'est épatant, ça ne saurait compenser le sentiment que m'inspire cette série depuis longtemps. J'ai lutté contre cette impression désagréable, mais je n'ai plus ce courage ni la patience maintenant. J'ai tenu 17 numéros, ce qui est bien. Et en fin de compte je préfère partir avant d'être plus mal à l'aise. Je n'aime ni perdre mon temps avec une série que je n'apprécie pas/plus, ni sombrer dans la critique acide pour le plaisir de casser.
Qu'est-ce qui ne me convient pas en fait ? Si je devais lister cela, je commencerai pas pointer le fait que Benjamin Percy ne montre aucune empathie pour ses héros. J'ai cette sensation, peut-être fausse, qu'il ne les aime pas beaucoup, ces mutants. Il y a une certaine honnêteté à exprimer le dégoût que lui inspirent visiblement ces agents de la CIA mutante et leurs missions, à montrer que leur boulot n'a rien de noble, qu'il expose la partie la plus trouble du renouveau de la nation X. C'est respectable et d'ailleurs partagé. Ce n'est en somme pas une BD aimable car ses héros ne font rien d'aimable.
En cernant cela, on cerne aussi ce qui cloche dans ce qui identifie X-Force. Avant Percy, d'autres scénaristes ont écrit cette émanation des X-Men de diverses manières. La plus intéressante et marquante reste sans doute celle d'Uncannay X-Force par Rick Remender où il exposait à la fois les basses oeuvres de l'équipe mais surtout ses conséquences sur ses membres : être une sorte d'espion-tueur laissait des traces profondes, traumatisantes, coûtait un prix exorbitant. Remender y allait franchement, parfois de façon très mélodramatique, brutale, mais c'était la qualité de son projet - et il l'avait prolongé dans Uncanny Avengers, sorte de suite hybride et plus ambitieuse, plus ample de UXF.
Avec le temps j'accorde de plus en plus d'intérêt à ce que j'appelle le propos d'une série. On peut très bien se contenter d'une série divertissante, ça n'a rien de péjoratif. Mais X-Force, quelle que soit la manière dont on l'écrit, n'a rien d'un divertissement : c'est le récit des aventures d'un groupe de mutants chargés de traquer, tuer, ce n'est pas léger. Et le statu quo actuel des mutants ne change rien à la donne - au contraire, il officialise la X-Force comme une agence de renseignements et de contre-espionnage, alors qu'auparavant c'était une équipe sur laquelle on fermait hypocritement les yeux. Dans le contexte actuel, la X-Force est approuvée par le Pr. X, le leader de la nation X.
Il faut alors, à mon sens, en faire quelque chose et établir une réflexion sur ce groupe, son programme, ses membres. Et cela Benjamin Percy s'en exonère. Le fait qu'aujourd'hui les mutants aient vaincu la mort et peuvent donc ressuciter est devenu chez le scénariste la matière à une collection de décès et de retours à la vie, quasiment comme un gag, et l'épisode de ce mois-ci entérine cela en revenant sur le sort de Kid Omega qui a connu la mort un nombre invraisemblable de fois - et j'insiste sur le "invraisemblable" car on parle d'un mutant de niveau oméga, donc qui ne devrait pas être si facile à tuer.
Percy suggère que Quentin Quire a peut-être des pulsions suicidaires, qui expliqueraient qu'il se fasse tuer si fréquemment. Cela trouverait se racines dans son enfance car c'est un enfant adopté, et aussi dans son caractère, volontiers fanfaron, prétentieux, qui dissimulerait une fragilité en écho à ses immenses pouvoirs. C'est pas mal pensé, même si c'est écrit au crayon gras, de la psychologie franchement pas subtile. Mais c'est aussi, surtout aussi vite avancé que peu creusé, car Percy a autre chose en tête. Son fameux twist final.
Tout comme on peut apprécier une BD comme étant un simple divertissement, on peut aussi distinguer deux formes de narration : character's driven ou story's driven. Percy est un adepte évident de la seconde. Pour lui, l'histoire importe plus que les personnages, qui sont des pantins interchangeables, ou du moins des héros recyclables à l'infini dans le cas des mutants. Qu'importe qu'ils se fassent tuer, même de la manière la plus grotesque, puisqu'on peut les ramener à la vie. Tout ça, au fond, semble un jeu, un jeu de massacre certes, mais un jeu. Pourquoi dès lors s'embarrasser à éprouver de l'empathie pour ces personnages ou donner envie au lecteur de les aimer ?
Cette façon de procéder tue tout propos de fond sur la série. Et cela se ressent dans les intrigues proposées jusqu'à présent : un enchaînement paresseux de menaces glauques, souvent végétales d'ailleurs, pas de réel méchant - l'organisation Xeno apparaît trop aléatoirement pour avoir une réelle consistance : elle voudrait être une entité dangereuse pour Krakoa, mais semble surtout une bande d'énièmes anti-mutants versée dans les manipulations génétiques ou les coups de forces. Si la X-Force était tout simplement mieux dirigée, ça ferait longtemps que Xeno ne représenterait plus rien. Et pour en revenir au propos, tout cela ne semble guère affecter les membres de la X-Force, en dehors de poussées de fièvre sporadiques, vite oubliées. Chez Percy, rien ne dure, tout doit avancer. Au détriment de l'émotion, du questionnement.
Ce qui interroge en revanche vraiment, c'est ce que fait le scénariste avec lesdits personnages, quand il en fait quelque chose de doncret. En 17 épisodes, il a fait de Hank McCoy, le Fauve, une ordure innommmable, insoupçonnable dans la refonte initiée par Hickman. Il a fait de Domino une mercenaire qui accepte qu'on lui lave le cerveau pour oublier ses pires souvenirs. Il a fait de Kid Omega un bouffon. De Forge un armurier peu scrupuleux. De Sage... Non, il n'a absolument rien fait de Sage, qui est un véritable fantôme. Wolverine reste le dur-à-cuire caricatural que détestent les fans de Cyclope. Et Jean Grey est partie, écoeurée comme nous par le comportement du Fauve, son impuissance à établir un soupçon d'éthique dans cette formation.
C'est pour cela que je pense que Percy n'a pas un grand amour, un grand respect pour ses héros : il sont tous écrits comme des archétypes risibles, ridicules. A côté de lui, Gerry Duggan est le roi de la nuance. Je me demande ce qu'en pense Hickman, même si X-Force est de fait le titre le plus éloigné de son projet en termes d'écriture et de propos. Hickman, pourtant, est lui aussi plutôt un adepte de la narration dictée par l'histoire plus que par les personnages, mais quand il dérange le lecteur (avec des éléments comme le Crucible, les sièges occupés au conseil de Krakoa par des mutants abjects, le côté sectaire de la communauté, etc.), il le fait de manière plus inspirée, moins gadgetisée. Et surtout il le compense par de grands moments réservés à certains protagonistes (comme Apocalypse qui a été l'acteur principal du premier acte de la relance).
Je n'oublie pas Joshua Cassara, qui, grâce à la périodicité mensuelle des titres X, assure maintenant le dessin de X-Force plus régulièrement. Sa contribution à la série a souvent été remarquable, suivant scrupuleusement et puissamment les scripts. Sans lui, les délires de Percy n'auraient pas eu la même force. Mais Cassara, c'est aussi un artiste très inspiré par Jerome Opena, la finesse en moins, et qui pêche sur certains points dommageables : ses femmes n'ont rien de fôlichon, et il vieillit maladoitement Kid Omega, lui ôtant du même coup une partie essentielle de son charme de sale gosse. Son Wolverine est bon, bien que peu original. Et le Fauve sous son crayon ressemble parfois trop à une version creepy de Sullivan dans Monstres & Cie.
Je ne peux pas dire que je n'ai jamais pris de plaisir à lire X-Force version Dawn of X, la série à ses débuts m'impressionnait même. Puis elle a tourné en rond, et aujourd'hui elle tourne comme un disque rayé, lassante, stupide. Je la quitte sans regret.
Bonjour
RépondreSupprimerPerso je n’ai pas compris la fin...ni le reflet de Quentin dans le miroir ni le cri de jumbo et j’ai totalement oublié qui est le personnage de la dernière case. Et pas envie de relire les épisodes précédents
Mon hypothèse : Quentin a été cloné par l'organisation Xeno (à laquelle appartient Mikhail Rasputin, le frère de Colossus) Mikhail a enlevé Quentin dans un précédent épisode (le 15 de mémoire) alors qu'il était gravement blessé et après qu'il ait glissé dans un portail de Krakoa.
RépondreSupprimerDONC : le Quentin qu'on voit dans cet épisode (et le précédent) n'est pas le vrai Quentin mais le clone créé par Xeno (qui détient toujours le vrai Quentin). Lorsqu'il voit son reflet dans le miroir, le clone est troublé, sans doute parce qu'il n'a pas la perception de son modèle. Quand à Jumbo Carnation, il semble être victime d'une attaque à déterminer.
Le personnage dans la dernière case est le leader de l'organisation Xeno, dont on ignore toujours l'identité, et qui se réjouit du tour qu'il vient de jouer puisque personne n'a remarqué qu'un clone remplaçait Quentin.
Merci pour les explications
RépondreSupprimerCe n’est pas ma série préférée et je lis ça d’un œil distrait 🙂