mercredi 10 février 2021

FUTURE STATE : DARK DETECTIVE #3, de Mariko Tamaki et Dan Mora, Matthew Rosenberg et Carmine di Giandomenico


L'avant-dernier numéro de Future State : Dark Detective est aussi la pénultième étape avant la conclusion de la mini-série. Mariko Tamaki impressionne toujours dans la conduite de ce récit dessiné magistralement par Dan Mora. En complément de programme, on assiste à la conclusion tout aussi remarquable de Grifters par Matthew Rosenberg et Carmine di Giandomenico.


Gotham, 2027. Bruce Wayne apprend l'assassinat de Carl Bennington, le patron de Plexitech, dans les locaux duquel il avait trouvé les nano-drones surveillant toute la ville. Il examine un des engins pour tenter de le pirater et y parvient difficilement.


Seulement cette manoeuvre le fait repérer par d'autres drones de surveillance du Magistrat et l'oblige à fuir de nouveau. Il tombe sur le nouveau Batman qui lui conseille de faire profil bas, suggérant qu'il désire frapper un grand coup, seul.


De retour chez son logeur, Noah, Bruce achève son piratage d'un nano-drone et comprend que le Magistrat surveille absolument tout le monde en permanence. Venue visiter son père, la fille de Noah reproche à Bruce de le conforter dans son délire paranoïaque et il la prend en filature.


Ainsi découvre-t-il qu'elle se rend dans l'immeuble qui abrite le siège du Magistrat. Bruce ne peut croire à un hasard et retourne chez Noah dont il scanne à distance l'immeuble pour découvrir qu'une nuée de nano-drones l'espionne. Le Magistrat sait donc où est Bruce et que Batman n'est pas mort.

Saud retournement de situation extrêmement défavorable dans le dernier épisode, Future State : Dark Detective sera la meilleure production de cet événement. En trois épisodes, le niveau n'a non seulement pas baissé mais, au contraire, il s'est maintenu et a progressé.

C'est de très bon augure pour la reprise de Detective Comics par Mariko Tamaki le mois prochain car elle écrit Batman d'une main experte. Elle a en outre parfaitement su exploiter le contexte futuriste et cauchemardesque pour pousser le héros dans ses retranchements et ainsi founrir au lecteur une histoire palpitante.

Ce qui épate, c'est la constante lisibilité du scénario : on n'est jamais perdu, on suit tout l'intrigue à travers le regard de Bruce Wayne, on a peur pour lui, on jubile à chacun de ses progrès, c'est parfait. La réflexion qui accompagne l'histoire sur la vidéo-surveillance comme arme décisive de l'organisation para-militaire de Gotham offre un écho à notre société et bien que tout cela se passe en 2027, donc dans pas si longtemps, c'est tout à fait crédible déjà aujourd'hui.

Surtout ce qui me ravit, c'est que Bruce Wayne se débat avec un ennemi invisible. Et donc son combat a une dimension pathétique, dérisoire : il lui faut remonter le fil et, ce faisant, il se se rend compte qu'il a participé à la création de ce régime de terreur. Batman devient son pire ennemi : peut-il venir à bout de la menace quand il l'a lui-même conçue en quelque sorte ? Fascinant.

Alors que Future State exploite parfois paresseusement son ambiance dystopique, comme un décor de circonstances, une sorte de test pour ses personnages, le récit de Tamaki ne se perd pas en route et montre comment le meilleur détective cu monde (des comics) doit revenir à l'essentiel, en étant démuni (technologiquement, physiquement), pour non seulement se sauver mais aussi, peut-être sauver la ville, le monde.

Bien entendu, cette réussite ne serait pas aussi éclatante sans le dessin de Dan Mora. Il produit des planches spectaculaires et généreuses, avec un soin remarquable apporté au décor justement. Sa Gotham City est ouvertement inspirée par l'esthétique de Blade Runner, avec ses façades illuminées de néons, ses couleurs aveuglantes. A priori tout le contraire de ce qu'on attend d'une histoire de Batman, héros nocturne, louvoyant dans l'ombre.

Mais Dan Mora réussit lui aussi un tour de force en parvenant à ménager des ténébres dans cet environnement. Et par ce constrate, il installe une ambiance intense, où Batman doit plus que jamais se cacher, agir discrètement. Un exemple saisissant réside dans la scène où il essaie d'attraper des nano-drones pour ensuite les pirater : les appareils explosent, mais Batman réussit à les hacker, sans toutefois empêcher d'être ciblé.

Dark Detective permet aussi à Dan Mora de mettre en scène une des rares rencontres entre deux personnages de séries estampillées Future State. Bruce Wayne croise brièvement la route du Next Batman et le dessinateur croque habilement la méfiance entre les deux hommes, qui ne se connaissent pas même s'ils agissent dans le même camp.

Le trait puissant et expressif de Mora capte les émotions violentes qui animent les personnages et illustrent les tensions permanentes dues au contexte, comme lorsque la fille de Noah passe un savon à Bruce ou que Bruce s'aperçoit de la surveillance effective de l'immeuble de Noah (démontrant ainsi que sa parano est fondée). Des moments forts qui ponctuent le récit et sont idéalement représentés.

C'est un sans-faute.

*


Gotham, 2025. Grifter reçoit une raclée de Huntress pour avoir emmené jusque chez elle Luke Fox. Ce dernier réussit à la calmer en lui tendant sa carte bancaire, au moyen de laquelle il paiera pour qu'elle l'exfiltre de Gotham.


Mais Huntress doit abandonner sa planque quand des policiers du GCPD surgissent. Grifter et Luke Fox la suivent jusque dans le territoire de Veil, qu'ils doivent traverser pour quitter la ville. Mais Veil a afrronté avec son gang Grifter il y a moins d'une heure.
 

Encore une fois, c'est l'argent qui offre une solution au problème. Cole Cash sacrifie sa paie pour que Veil les guide, lui, Fox et Huntress, jusqu'aux docks de Gotham. Sur place, une énième mauvaise surprise les attend quand un traître parmi eux est identifié alors que le GCPD resurgit...

Suite et fin de Grifters aussi dans ce numéro et c'est une autre réussite. J'avoue que je n'attendais rien de cette back-up, dont l'équipe artistique m'inquiétait. Ma surprise est d'autant plus agréable que, en deux épisodes, le scénario et les dessins ont été parfaits.

Matthew Rosenberg écrit Cole Cash de telle sorte qu'on espère vraiment revoir fréquemment le personnage dans un avenir proche. Il mériterait assurément sa série, car c'est un anti-héros comme les fans les adorent, archétype du cool & tough guy, qui prend des coups mais ne lâche jamais l'affaire, filou évident mais au bon fond, avec un vrai sens de l'honneur. Doit-on souhaiter le retour des WildC.A.T.S. du même coup (comme c'était prévu, sous la houlette de Warren Ellis, avant que celui-ci ne tombe en disgrâce) ? Je ne sais pas, mais Grifter a le potentiel pour exister sans son ancienne équipe.

Dans cette conclusion, qui va à cent à l'heure, prime est donnée encore une fois à l'action et Rosenberg ne lésine pas sur les courses-poursuites, explosions, fusillades, bastons. Il y a un côté popcorn comic-book évident, mais assumé et très bien exécuté. Inutile de bouder son plaisir. Et le twist final, avec la trahison d'un des protagonistes, est efficace. Quant à la fin de l'épisode, elle a une petit goût amer pas désagréable, qui montre qu'une défaite a des allures de victoire personnelle pour Cole Cash.

Carmine di Giandomenico livre lui aussi une copie impeccable. Son trait est beaucoup plus lisible et simplement séduisant que d'habitude. Il a fait un effort très notable. Il tient bien ses personnages et les fait évoluer dans ses décors fouillés. Son découpage est très nerveux mais constamment clair, avec notamment une grande variété dans les angles de vue et des compositions très élaborées.

Il y a quelque chose de grisant dans un récit d'action quand il est aussi bien produit et les efforts de Rosenberg et di Giandomenico sont à saluer. Si un editor chez DC les laissait continuer à jouer avec ces jouets-là, on pourrait très bien avoir un succès surprise. Avis aux intéressés !

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