samedi 19 décembre 2020

NEW MUTANTS #14, de Vita Ayala et Rod Reis


New Mutants était devenue une série à la dérive. Lorsque Jonathan Hickman a lâché le titre (dont il s'était surtout servi pour préparer une intrigue dans X-Men), son successeur Ed Brisson n'a pas su être à la hauteur. Logiquement, les fans se désespéraient et ne vont pas regretter ce scénariste. Place donc à Vita Ayala, qui, elle, débarque avec des idées bien affirmées. Et profite du retour au dessin de Rod Reis.


Sur l'île de Krakoa, les jeunes mutants s'ennuient et se laissent aller, délaissés par les adultes et les dirigeants. Certains pourtant décident de jouer les guides pour leur génération, avec l'aval du Pr. X. Mais le malaise touche aussi leurs cadres, comme Karma qui confie à Mirage un cauchemar récurrent.


Les deux amies sont interrompues par les arrivées successives de Magik, Warlock, Félina et Warpath. Ceux-ci assument le rôle de guides pour les adolescents et enfants de l'île. Un exercice sur le terrain est d'ailleurs en cours.


Le résultat satisfait les Nouveaux Mutants mais ils indiquent à leurs élèves qu'il leur faut améliorer leur synergie. Pour le leur prouver, ils organisent entre eux une démonstration immédiate, qui impressionne leur public par la complémentarité dont ils font preuve entre eux, en situation de combat.


La leçon terminée, Honey Badger, clone de X-23, s'inquiète des dangers de la méthode des Nouveaux Mutants, et se demande si elle profitera de la résurrection comme les autres. Magik la rassure. Les élèves se dispersent. Quatre d'entre eux rejoignent une grotte où ils sont attendus par un intrus sur l'île...

Il y a eu, à l'évidence, un malentendu dès le départ avec la relance de New Mutants. Il ne s'agissait pas de raconter de nouvelles aventures avec le groupe d'origine mais bien de traiter de tous les jeunes mutants de Krakoa. Cette confusion a été entretenue par Jonathan Hickman qui, en écrivant le premier arc de la série, a utilisé les membres les plus emblématiques de la série (Mirage, Karman Solar, Cannonball, Cypher, Félina), y ajoutant quelques éléments par ailleurs superflus (Mondo, Chamber).

En outre, Hickman s'est surtout servi du titre pour préparer une intrigue qu'il terminerait dans les pages de X-Men. Pour écrire tous les autres jeunes mutants, sans les stars des Nuveaux Mutants, Marvel a confié la série à Ed Brisson, mais il s'est avéré incapable de raconter des histoires intéressantes, comme s'il ne trouvait jamais le ton juste. A ce rythme, on pouvait même penser que l'éditeur annulerait la série en profitant de X of Swords.

Finalement, une annonce a été rapidement communiquée sur l'avenir de New Mutants : Vita Ayala succéderait à Brisson et Rod Reis, qui avait dessiné les épisodes de Hickman, reviendrait comme artiste régulier.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que Ayala débarque avec ses idées. Elle n'a plus accès à Solar et Cannonball, à demeure dans l'empire Shi'ar ? Qu'importe. Que faire de tous les jeunes mutants, dont certains n'intéressent ni les fans ni le conseil de Krakoa ? Les employer comme un argument. Quel ennemi pour cette équipe ? Une vieille connaissance.

Détaillons : l'épisode s'ouvre par un flash-back sur les origines d'Amahl Farouk, alias le Roi d'Ombre, qu'on n'avait plus vu depuis les Astonishing X-Men de Charles Soule. Ayala suggère que, même coincé dans le plan astral, les pouvoirs mentaux extraordinaires de Farouk étant lié à l'entité du Roi d'Ombre lui permettent de s'en extraire. Il est désormais présent sur Krakoa et on peut légitimement penser que la scénariste expliquer plus tard comment il y est sans avoir été repéré par la sécurité de l'île.

Ensuite, de manière habile, grâce à une data page, Ayala revient sur l'état de la jeunesse de la Nation X. Délaissée par les adultes et les dirigeants, elle se laisse aller, au point pour certains de sombrer dans la dépression ou la violence. Une reprise en main s'impose. Les plus anciens des Nouveaux Mutants avertissent le conseil qui acceptent volontiers de leur confier le tutorat de cette jeunesse. L'idée est brillante : comme les X-Men avant eux, Magik, Karma, Mirage, Félina, mais aussi Warpath et Warlock deviennent à leur tour des formateurs.

Au passage, Ayala glisse une scène cruciale : Karma a un cauchemar récurrent, en relation avec la bataille qui a eu lieu dans l'Outremonde (à la fin de X of Swords), dans lequel elle voit un individu inquiétant mais sur lequel elle n'arrive pas à mettre un nom. Mirage la soutient. Mais les deux amies doivent différer la résolution de ce problème car, justement, c'est l'heure des cours.

La narration est très dynamique, Ayala alterne des scènes dialoguées jusque-là avec une séquence d'action où des jeunes mutants s'affrontent au cours d'un exercice. Puis les Nouveaux Mutants expliquent, démonstration à l'appui, les atouts d'un vrai travail d'équipe en conjugant leurs talents. La mise en scène des pouvoirs et leurs combinaisons sont ingénieuses. On comprend même pourquoi Warlock est présent sans Cypher (qu'il craint d'embarrasser maintenant qu'il est en couple avec Bei, combattante arakki). Puis la conclusion de l'épisode opère une boucle avec son prologue tout en suggérant que les cauchemars de Karma sont provoqués par le Roi d'Ombre.

Tout ça est vraiment rondement mené et les dessins de Rod Reis ajoutent au plaisir de la lecture. Cet artiste, qui assume pleinement l'influence de Bill Sienkiewicz, lequel a tant marqué visuellement la série à ses débuts, fait des merveilles. Il maîtrise parfaitement ce casting, l'environnement particulier de l'île. Son découpage des scènes est toujours plein d'inventions, qu'il s'agisse de montrer l'aspect inquiétant du cauchemar de Karma ou le chaos de l'affrontement organisé pour entraîner les jeunes mutants puis la leçon réalisée par les Nouveaux Mutants.

Surtout Reis parsème ses cases de détails savoureux, voire franchement drôles. La manière dont il anime Warlock est un régal. J'ignore si tout est indiqué dans le script d'Ayala, mais par exemple, voir Warlock imiter les mimiques de Warpath est hilarant, tout en voyant plus loin comment ces deux-là associent leurs talents pour prouver leur complémentarité face à Magik et Mirage. Comme Reis s'occupe aussi de la colorisation, il dose parfaitement chaque effet et on retrouve ses teintes vives grâce à la technique numérique qui l'autorise à manger l'encrage et à passer parfois en couleurs directes.

Enfin Reis respecte l'âge de personnages. Ils restent jeunes, pour les plus connus, mais sont désormais plus âgés que les ados et enfants dont ils s'occupent. Le dessinateur peut ainsi plus facilement justifier que Magik se balade dans une tenue plus sexy que ses camarades (encore avec leurs uniformes jaunes et noirs) ou que Warpath soit revenu à un costume plus traditionnel (simplement parce qu'il le trouve plus confortable). Le casting est majoritairement féminin (avec Magik, Mirage, Karma, et Félina), ce qui permet à Reis et Ayala de s'amuser avec la relation des filles vis-à-vis de Warpath, tout en suggérant peut-être des rapprochements plus sentimentaux entre certaines (comme Mirage et Karma, deux personnages à la préférence sexuelle jamais vraiment définie - et comme désormais sur Krakoa, le polyamour est monnaie courante, tout est possible).

C'est vraiment une épatante surprise. Pour ma génération, les Nouveaux Mutants ont une valeur particulière puisque nous les avons naître et parfois grandir, de manière très chaotique, toujours dans l'ombre des X-Men (alors que Claremont rêvait d'en faire leurs remplaçants). Sous la direction de Vita Ayala, la série retrouve des couleurs, une identité, qui lui manquaient cruellement. Et avec Rod Reis, un look attractif. Et si la série démarrait vraiment aujourd'hui ?

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