dimanche 27 décembre 2020

JUGGERNAUT #4, de Fabian Nicieza et Ron Garney


Bien qu'il soit sorti depuis le 9 Décembre dernier, j'avais gardé ce quatrième épisode de Juggernaut sous le coude pour cette fin d'année où le nombre de sorties est réduit. La mini-série touche à sa fin (elle se conclura le mois prochain) mais Fabian Nicieza a gardé des munitions. Ron Garney délivre quelques planches épiques aussi.


L'analyse des particules de Sable Mouvant après sa tentative de rapt contre D-Cel a permis à Damage Control  de déterminer qu'elles avaient été irradiées. Le Fléau est largué au-dessus d'un bunker souterrain, où Sable Mouvant aurait été captive.


Une fois dans la place, le Fléau est vite repéré et attaqué par Primus, un androïde créé par Arnim Zola, le savant nazi. Maîtrisé, Cain Marko est conduit devant le maître du lieu qui lui a tendu un piège pour attirer D-Cel.


Quelques mois auparavant, Cain Marko retrouve la gemme de Cyttorak en morceaux. Il récupère ses pouvoirs malgré tout et comparaît devant son maître. Mais le Fléau refuse de le servir plus longtemps et quitte sa dimension pour réintégrer la notre, ignorant la colère de Cyttorak.


D-Cel devinant que le Fléau est en difficulté le rejoint dans le repaire de Arnim Zola. Ensemble, ils neutralise Primus et font parler le savant. Celui-ci mentionne les Architectes du Dongeon pour lesquels ils travaillent et avec qui le Fléau décide de règler se comptes définitivement...

Les mini-séries, quand elles arrivent à leur terme, diffusent toujours un sentiment de frustration, surtout quand elles comptent peur de numéros (je ne parle donc pas des productions à douze épisodes comme en produit DC). On sait que la conclusion ne satisfera personne, si on s'est attaché au héros, ou bien parce qu'il aura manqué des numéros pour qu'on s'y attache vraiment.

Soyons honnêtes et lucides : avec Juggernaut, nos espoirs se sont évaporés quand Cain Marko a reçu la "visite" de son demi-frère, Charles Xavier, à l'hôpital pour apprendre qu'il ne serait pas admis sur Krakoa puisqu'il n'est pas un mutant. Dès lors, les perspectives du personnage et de son retour ont paru dérisoires, son aventure était condamnée à n'être que ça (une aventure, une passade), san avenir, sans lendemain.

Pourtant au crédit de Fabian Nicieza, il faut reconnaître que cette mini-série aura permis de redéfinir proprement, dignement, le Fléau, en en faisant un personnage plus profond, ambivalent, humain. Ce n'est ni l'histoire d'un super-vilain surpuissant, ni celle d'un repenti ou d'un héros qui a pris les mauvaises décisions. C'est plutôt le portrait d'un homme qui a eu accès à un pouvoir immense et terrifiant, qui trouve un certain salut et cherche à convaincre le monde qu'il n'est plus une menace. C'est aussi un individu dépendant à ce pouvoir, qui ne peut se s'en passer, presque un toxicomane, pathétique.

Dans cet épisode, on a droit à une scène, spectaculaire, où le Fléau fait face à Cyttorak et refuse de le servir plus longtemps, d'être une force destructrice. C'est un point de bascule, qui, développé dans une franchise comme celle des X-Men, aurait pu aboutir à un récit passionnant. Mais Nicieza est comme son personnage, un outsider, il ne fait pas (plus) partie du club des auteurs sur lesquels Marvel est prêt à miser en l'intégrant à la collection mutante, en plein boum, et donc, comme Cain Marko, Nicieza repart et va terminer sa mini-série, visiblement sans illusions (comme il l'a dit en interview, il sait pertinemment que ses efforts pour redonner du lustre au Fléau seront respectés jusqu'à qu'on collègue décide qu'il est préférable d'en faire à nouveau un super-vilain).

Et donc, comme il n'ira pas sur Krakoa (où je l'aurai bien vu dans une série comme X-Force), le Fléau continue son enquête. La série procède par bonds et rebonds, elle ne présente guère d'intérêt en soi. Cette fois, Cain Marko rencontre Arnim Zola, un méchant attaché habituellement à Captain America, mais Zola lui-même travaille pour une organisation, les Architectes du Dongeon. Le dernier épisode mettra donc en scène, de manière très prévisible, le combat entre le Fléau et ces commanditaires de Zola, qui n'en ont pas après lui mais après D-Cel.

D-Cel, une création de Nicieza pour cette mini-série, ne restera pas dans le mémoires, on ne la reverra sans doute jamais ensuite. C'est une béquille scénaristique, imaginée pour justifier la rédemption du Fléau. Il l'a sauvée, elle le suit, il la protège, elle lui permet de redorer son blason. Le duo fonctionne bien même s'il est totalement artificiel. Chaque épisode n'aura été qu'une étape pour souligner à quel point leur relation est providentielle et mécanique, avec une opposition spectaculaire à chaque fois (Hulk, Sable Mouvant, Zola). Sans doute qu'avec un personnage déjà existant mais jouant le même rôle, la série aurait été plus consistante, moins anecdotique, mais là, le lecteur sait que D-Cel n'est rien d'autre qu'une astuce, un gimmick, un faire-valoir.

Cette artificialité rejaillit sur tout le projet et l'affaiblit. Visuellement, on pouvait croire qu'avec Ron Garney, on allait en prendre plein la vue, mais l'histoire écrite par Nicieza donne peu d'occasions au dessinateur de briller. Le point fort de Garney, c'est son énergie, dans l'action, le mouvement, or ici il est clairement bridé. Quand il peut lâcher les chevaux et illustrer la puissance du Fléau, c'est toujours bref et un peu forcé, comme un passage obligé, conventionnel.

Comme il est un grand pro, Garney sait raconter une histoire en images même quand celle-ci le contraint à rester sobre. Et donc, lorsque le Fléau est largué d'un hélicoptère au-dessus d'un bunker ou défie Cyttorak, ses planches renouent avec cette espèce de grandiose un peu bourrin où il est à son avantage. Cependant, Garney dessine cela avec un style suffisamment fort pour que qu'on l'apprécie : il a "digéré" Miller et Buscema et ce drôle de mélange produit des plans mémorables, que la colorisation de Matt Milla sublime. Sinon, on devine que l'artiste trouve un peu le temps long (et nous aussi).

Marvel a un vrai souci avec ce format de la mini-série, qu'il publie comme des bouche-trous au lieu de les concevoir comme des projets prestigieux, adultes (comme chez DC avec le "Black Label"). C'est dommage, mais pas nouveau tant l'éditeur semble avoir renoncé à toute ambition supérieure autre que de produire et faire fructifier des franchises.

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