Cette semaine, nous entrons, pour de bon, cette fois, dans le deuxième acte de X of Swords avec ses chapitres 12 et 13, correspondant à X-Men #14 et Marauders #14. Les scénarios sont écrits respectivement par Jonathan Hickman et Gerry Duggan + Benjamin Percy, les dessins sont signés par Leinil Yu et Mahmud Asrar puis Stefano Caselli. On commence par X-Men, pour un épisode qui à la fois recycle (graphiquement) tout en délivrant la vérité sur le passé d'Arakko et Genesis.
Genesis retrouve son époux Apocalypse dans un jardin de la citadelle de Saturnyne et offre de lui expliquer pourquoi et comment elle en est arrivée à jouer le rôle d'Annihilation. Il s'agit de justifier la volonté des Arakki de conquérir Krakoa et la Terre après ces millénaires dans l'Outremonde.
Contrairement à ce qu'avait raconté l'Invocateur à son grand-père, Genesis a battu Annihilation lorsqu'elle accepta l'invitation à la rencontrer, via sa soeur Isca. Elle découvrit que les Arakki prisonniers d'Amenth avaient enfanté des hybrides mi-mutants, mi-démons pour leur armée.
Refusant d'abord de porter à son tour le casque d'Annihilation, Genesis a assisté au massacre des Arakki par la horde d'Amenth, avant d'en prendre la tête. Puis les Invocateurs ont rouvert le passage vers notre réalité scellé par Apocalypse. Aujourd'hui, Genesis veut refonder Okkara, à tout prix.
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L'pisode de Marauders se déroule la veille du tournoi : Saturnyne a organisé un dîner fastueux auquel elle a convié les champions de Krakoa et d'Arakko plus des représentants des royaumes de l'Outremonde. Une étrange veillée d'armes...
Avant d'être réunis dans la grande salle à manger, chacun se jauge, avec plus ou moins d'amabilités. Puis les convives s'installent. Magik et Gorgone tentent de percer à jour les Arakki, nullement impressionnés. Wolverine, comme l'a remarqué Tornade, est d'humeur sombre.
Tandis qu'Ororo entame une valse avec Mort, qui est intriguée par la déesse n'ayant jamais connu la mort qu'à travers la perte d'êtres chers, Wolverine interpelle Captain Avalon. Il fait valoir que si Brian Braddock donnait à Saturnyne ce qu'elle désire, le tournoi n'aurait pas lieu et le sang ne coulerait pas.
Mais Braddock lui rappelle qu'il est marié. Saturnyne invite chacun à s'attabler. Wolverine s'installe entre elle et Guerre, qui tente discrètement d'empoisonner le repas de Logan. Celui-ci, excédé par les manières de son hôtesse, sort les griffes...
X of Swords est un crossover qui ne fait décidément rien comme les autres. L'histoire prend son temps, un acte entier a été consacré à la révélation des champions de Krakoa et/ou à la recherche de leurs épées pour le tournoi organisé par Saturnyne dans l'Outremonde afin de décider si les champions d'Arrako pourraient aller sur Krakoa pour la conquérir.
Après l'épisode interlude Stasis, le récit est entré comme dans une salle d'attente avant la bataille. Et les deux épisodes de cette semaine poursuivent dans cette direction. On pourrait penser que les auteurs gagnent du temps, au risque d'exaspérer les plus patients. En vérité, il s'agit de faire monter la température. Ce n'est pas le lecteur qu'il faut exaspérer mais bien les personnages. Et le contrat est bien rempli.
Dans X-Men #14, Jonathan Hickman va malgré tout certainement s'attirer les piques (voire les foudres) des lecteurs car l'épisode recycle visuellement pas moins d'une vingtaine de pages du n°12. En effet, Mahmud Asrar ne produit que six planches originales, le reste provient du matériel dessiné par Leinil Yu précédemment.
Arnaque ? Pas vraiment. Certes, on peut considérer le procédé un peu paresseux. Mais ce que Hickman fait ici, ce n'est pas nous resservir deux fois le même plat. Comme on pouvait s'en douter depuis la trahison violente de l'Invocateur qui a blessé gravement Apocalypse avec les quatre cavaliers (dans X of Swords : Creation), son récit sur la chute d'Arakko (après que En Sabar Nur avait scellé le passage reliant ce royaume à notre dimension) n'était certainement pas entièrement vrai. Lorsque à la fin de X of Swords : Stasis, Apocalypse a découvert que Genesis, sa femme, était désormais Annihilation, la chef de la horde d'Amenth, nos soupçons se confirmaient. Mais où se situait la vérité ? Comment, pourquoi Genesis est-elle devenue Annihilation et a-t-elle entrepris d'attaquer Krakoa pour refonder Okkara, par tous les moyens nécessaires ?
Fallait-il reprendre tout le récit de l'Invocateur avec cette fois la narration de Genesis ? Peut-être pas, honnêtement. Mais au moins, cela a le mérité d'être clair. Et donc on apprend que Genesis n'a pas été tuée par Annihilation mais bien que la première a tué la seconde. Et ceci après avoir découvert que les prisonniers Arakki capturés par la horde d'Amenth avaient servi à enfanter une progéniture monstrueuse, mi-mutante mi-démoniaque, constituant une armée considérable et quasi-imbattable. Dans un premier temps, Genesis refuse de porter le masque d'Annihilation, qui contrôle celui qui le revêt et le consume. Mais en assistant au massacre des Arakki par la horde, elle y consent. Puis les Invocateurs rouvrent le passage autrefois scellé par Apocalypse et Genesis décide de réunifier Arakko et Krakoa.
Les rapports que lui trasmet l'Invocateur lui révèlent la nature de la société de Krakoa, le rôle qu'y joue Apocalypse. Ce dernier avait promis une armée pour retourner sauver les Arakki, mais n'a jamais tenu sa promesse. Pire : le conseil de Krakoa ignorait tout de cette histoire passée. Genesis, de toute façon, a jugé Krakoa : c'est une société faible, trop diplomate avec le reste de la Terre. Elle décide donc de conquérir Krakoa avec la horde, puis la Terre. Les époux sont désormais adversaires et Apocalypse tient le destin de Krakoa dans ses mains avec les champions de l'île. Converti à la cause et aux méthodes de Charles Xavier, il ne veut plus dominer les autres mutants mais les protéger, y compris de leurs ancêtres et semblables de l'autre moitié d'Okkara.
Hickman donne une justification au conflit très probante. Tout réside dans les différences sociétales de Arakko et Krakoa. Krakoa est une utopie patiemment construite, une union sacrée, avec une diplomatie qui communique avec le reste de la Terre. Arakko est une terre de survivants dont Genesis souhaite refonder Okkara par la force et imposer sa loi au reste du monde car elle considère la politique terrienne comme faible et encore trop en défaveur des mutants. Face-à-face, on a deux figures tragiques, des amants désormais adversaires qui ne tolèrent ni l'un ni l'autre les positions de chacun. La guerre est inévitable et le tournoi décidera si Arakko pourra conquérir Krakoa.
Six pages, c'est maigre pour juger la contribution de Asrar, mais l'artiste livre six pages superbes, à la fois suspendues et tendues. Apocalypse et Genesis disposent de designs magnifiques (En Sabah Nur arbore une tenue différente, un véritable habit de cérémonie, de combattant, plus élégant et évoquant ses racines), Genesis affiche une séduction implacable indéniable. On mesure le fossé qui s'est creuse entre eux mais aussi, surtout, la position qu'ils occupent désormais, des leaders, des meneurs de troupe. Apocalypse porte en lui une douleur poignante face à son épouse. Celle-ci est déterminée et même dédaigneuse (elle qualifie Krakoa comme son mari de "faibles"). Asrar n'a pas besoin de beaucoup de place pour suggérer tout cela grâce à la gestuelle retenue des personnages, la manière de les cadrer, les expressions de leurs visages (à la fois fermés et éloquents).
L'épisode de Marauders voit le retour à l'écriture de Gerry Duggan assisté de Benjamin Percy et les scénaristes sont en très grande forme. Il est loin le temps des premiers numéros de la série, bancals, maladroits. Désormais, l'écriture est maîtrisée, serrée, même si elle ne renonce pas à quelques traits d'esprit. Duggan et Percy, surtout, réussissent parfaitement (mais alors vraiment parfaitement) à animer les personnages au coeur de scènes à la fois savoureuses et incroyablement denses.
La couverture (sublime, de Russell Dauterman) met l'accent sur la danse de Tornade et Mort, et ce n'est pas immérité car la scène en question est magnifiquement mise en scène par Stefano Caselli. Le dessinateur en exploite l'étrange sensualité qui troublera tous les lecteurs tout comme le dialogue ciselé entre les deux adversaires. Mort est fasciné par Tornade (qui ne le serait pas ?) et leur échange tourne autour de la peur et la connaissance de la mort. Tornade n'a (du moins à ma connaissance) jamais été tuée (une rareté chez les mutants), elle n'a donc connu la mort qu'à travers la perte de proches, d'amis, de co-équipiers. On apprécie d'autant mieux son rôle récent de maîtresse de cérémonie quand elle réintroduit les mutants ressucités devant le peuple de Krakoa, et l'énergie qu'elle y met. Ce n'est donc pas tant qu'elle ne redoute pas la mort qu'elle s'y habituée, certainement au point d'envisager la sienne avec philosophie (peut-être même fatalisme). Son statut de déesse ajoute à cette appréhension si personnelle car comme toute divinité, son rapport au temps et donc à sa finalité diffère des "simples mortels". Cela intrigue Mort - et promet une confrontation tout à fait spéciale.
Pourtant, si on est tout à fait juste, celui qui cristallise l'attention dans cet épisode, c'est Wolverine. Et sur ce point, on peut dire que Duggan et Percy animent le personnage avec brio. Logan a été montré par Percy en rupture avec l'idéal de Krakoa en tant que société et en tant qu'entité. Il ne croit guère à la pérennité de l'utopie mutante et a exprimé franchement ses sentiments à l'île elle-même depuis qu'il a compris qu'elle voulait renouer avec sa moitié Arakko.
On comprend dès lors fort bien que Logan soit d'humeur ombrageuse non seulement à la veille du tournoi mais encore plus au moment de s'attabler avec les champions d'Arakko et Saturnyne. Cette dernière a exprimé son mépris pour le mutant mais Wolverine ne lui en veut pas que pour cela. Tout est concentré dans un échange avec Brian Braddock/Captain Avalon qui, selon le griffu, s'il cédait aux avances de Saturnyne, la convaincrait facilement d'annuler le tournoi, de renvoyer les Arakki chez eux, et donc, surtout, d'empêcher que du sang innocent ne soit versé.
Le raisonnement de Wolverine est sans doute simpliste, mais certainement pas entièrement faux. Il fait peu de cas du fait que Brian est marié et ne souhaite pas tromper (ou carrément abandonner) Meggan. Ce qui compte ici, c'est surtout que Duggan et Percy trouvent le ton juste pour le personnage, on comprend que ce soit Wolverine qui pense et dise ça. Mieux : on aimerait qu'il ait raison.
Caselli grâce à son trait très expressif se régale visiblement, et c'est communicatif, à dessiner Logan. Il lui donne une présence sensationnelle, une posture très crédible, des mimiques épatantes. C'est une véritable cocotte-minute, prête à exploser. Et c'est ce qui se passe effectivement, avec un cliffhanger terrible, inattendu, qui relance complètement la partie, qu'on ne voit absolument pas venir et qui en même temps apparaît inévitable tellement Wolverine est à cran (et Saturnyne exaspérante).
On se délectera aussi, visuellement et narrativement, du passage en revue effectué par Magik et Gorgone (un duo irrésistible au moment de sonder les adversaires) - la scène avec Isca est jubilatoire. Vraiment, cet épisode est un régal.
Je le répète : X of Swords ne fait rien comme les autres. Mais c'est tant mieux. Et on cherche en vain ce qui pourrait faire dérailler cette saga. J'avais peur de son ampleur, de sa longueur, de son traitement. Mes doutes se sont envolés. Quel bonheur !
Le marauders #14 est écrit par Gerry Duggan et Benjamin Percy.
RépondreSupprimerCorrigé.
RépondreSupprimerLa couverture de ce n° m'a induit en erreur puisqu'elle ne mentionne que Duggan. Mais les crédits intérieurs précisent en effet la contribution de Percy.