En deux numéros, la série créée par Dan Panosian a diffusé un charme certain. Ténu certes, convenu aussi, mais tout de même accrocheur. An Unkindness of Ravens ressemble à un mélange entre la teen-story et le fantastique, ce dernier élement étant traité de manière élusive. Dessiné avec charme aussi, par Marianna Ignazzi. Tout ce charme est fragile et cette fragilité montre ses premiers signes dans ce troisième épisode.
Accompagnée par son ami Ansel, Wilma répond à l'invitation de Scarlett Dansforth. Elle les reçoit dans la luxueuse demeure familiale pour faire connaissance et Wilma découvre que, comme elle, Scarlett est à Crab's Eye depuis peu, ayant été éloignée comme le vilain petit canard.
Au collège, la principale Andrews apprend où se trouve Wilma grâce aux Ravens et elle leur commande de partir pour veiller sur elle, même si la jeune fille a plus de ressources que ce qu'elle pense.
Il ignore qu'en en touchant un, il a blessé l'une des Ravens. Wilma et Ansel prennent congé. De son côté, Scarlett gagne la maison Abigail, un club où elle retrouve le détective Patterson, qui lui confie que l'enquête sur la disparition de Weaverly Good est sur le point d'être close...
La télé américaine nous montre régulièrement des teen dramas fantastiques en séries, c'est un genre en soi : ils ont pour titre Vampire Diaries, son spin-off The Originals, Sabrina the teenage witch, j'en passe et j'en oublie. Pendant longtemps, j'ai été un client de ces productions, même sans l'élément fantastique, comme Dawson, Les Frères Scott, etc.
C'est ce qui m'a plu en découvrant An Unkindness of Ravens : Dan Panosian évoluait dans un registre qui m'était familier et qu'il traitait sans mépris, en respectant les codes du genre, associé à une dessinatrice faite pour ça, Marianna Ignazzi.
Toutefois, le teen drama travaille une matière volatile : souvent interprété par des acteurs jeunes et au style de jeu maniéré, réalisé avec plus de compétence que de vrai talent, et rabachant volontiers les mêmes motifs avec des archétypes en guise de héros (l'héroïne ingénue, la peste, la rebelle, le garçon bienveillant, un autre plus mystérieux, des adultes en retrait mais souvent responsables des drames que vont vivre leur progéniture, etc), il est facile de s'en lasser aussi vite qu'on se passionne pour eux, justement à cause de ces effets répétitifs.
Hélas ! appliquées à la BD, les mêmes causes provoquent les mêmes conséquences comme le prouve ce troisième épisode, qui met volontiers les pieds dans le plat. Dès les premières pages, illustrées par Panosian (comme depuis le début), un mystérieux narrateur inscrit l'intrigue dans une longue généalogie, mais sans préciser en quoi elle est reliée aux jeunes héros qu'on suit ensuite. Cette façon de distiller une ambiance peut vite devenir agaçante car on a l'impression que la mythologie de la série est plus dense que l'histoire actuelle.
Et donc nous retrouvons Wilma et Ansel reçus par Scarlett, la gosse de riches de Crab's Eye, l'exemple type de la peste bourgeoise. Panosian manque tellement de nuance dans sa façon de l'écrire et d'enchaîner les scènes dans le manoir des Dansforth qu'on lève souvent les yeux, navré. Ce qui provoque aussi cette incrédulité irritée, c'est le manque de caractère dont fait preuve l'héroïne, Wilma, qui semble constamment tomber des nues et ne jamais avoir de ressort pour remettre quiconque à sa place. On l'a vu quand elle est avec les Ravens, on le revoit ici quand Scarlett l'interroge sans discrétion.
En parlant des Ravens, la principale Andrews n'est pas contente à l'idée que Wilma soit chez les Dansforth et elle envoie les jeunes sorcières roder près de leur propriété. On a vite la confirmation que les Ravens ne sont pas qu'un nom de bande car ces jeunes filles au look goth peuvent littéralement se transformer en corbeaux (en ravens donc). Cette révélation tombe à plat car elle est très mal amenée au terme d'une scène où Donald Dansforth tire sur ces oiseaux dont il craint qu'elle ne gâche la réception qu'il va donner dans son parc. Scène observée par Wilma et Ansel avec une passivité sidérante.
Marianna Ignazzi est une dessinatrice au style séduisant, c'est indéniable. Il y a une forme d'épure dans le trait qui convient à merveille à cette chronique, elle anime les personnages avec maîtrise. Ayant suivi son travail sur Instagram, je retrouve tout ce que j'y aimé. Mais en termes de narration graphique, elle semble bridée par un script qui ne lui permet pas d'exprimer tout son potentiel. A moins qu'elle n'affiche plus simplement ses limites.
Il est en tout cas flagrant qu'elle réussit mieux à représenter Scarlett que Wilma, visiblement plus inspirée par la première que par la seconde. Elle rend Scarlett plus aguicheuse, plus vénéneuse, la dote d'un look plus efficace et la fin de l'épisode, où on suit la jeune fille dans un drôle de club, est nettement plus aboutie que tout ce qui a précédé. La contrepartie de tout ça, c'est que Ignazzi comme Panosian ne parvient jamais à débarrasser Wilma et Ansel de ce côté exaspérant de spectateurs de leur aventure.
Alors que An Unkindness of Ravens semble conçue comme une ongoing, il est de plus en plus probable qu'elle aurait intérêt à n'être qu'une mini, ne serait-ce que pour qu'elle possède l'intensité qui lui manque tant et parce que je suis très dubitatif sur son potentiel sur le long terme. En tout cas, je vais tâcher d'aller jusqu'à la fin de ce premier arc, et j'aviserai ensuite pour savoir si je continue ou pas.