jeudi 1 octobre 2020

X OF SWORDS CHAPTER 2 : X-FACTOR #4, de Leah Williams et Carlos Gomez

 

C'est donc à la série X-Factor, récemment relancée, d'ouvrir le bal de X of Swords après les événements relatés dans Creation la semaine dernière. On entre dans le vif du sujet et dès lors, le récit va circuler d'une série à une autre. Leah Williams s'acquitte de cette tâche avec énergie, en devant gérer beaucoup d'informations, sans éviter le trop-plein. Carlos Gomez met cela en images sans génie, lui aussi un peu dépassé par la densité de l'histoire.



Le groupe de mutant qui a accompagné Apocalypse dans l'Outremonde rentre en catastrophe à Krakoa. Rictor se meurt, touché par une flèche de Pestilence. Apocalypse agonise, pourfendu par les quatre cavaliers et l'Invocateur. Rockslide est décédé.


Saturnyne scelle le passage entre l'Outremonde et Krakoa, ce qui fait perdre connaissance à Polaris dans l'esprit de laquelle elle a glissé des indices sur le tournoi à venir. Rachel Summers et Monet St-Croix tentent de les décrypter, sans succès. Polaris revient à elle et se rend auprès du Pr. X et des Cinq.


Apprenant ce qui s'est passé, Xavier ordonne aux Cinq de ressuciter Rictor et Rockslide mais l'opération se passe mal pour ce dernier car son esprit et con corps ont été corrompus en mourant dans l'Outremonde. Les différents casques Cérébro de Xavier sont grillés. Egg fait détruire ses oeufs.


Le conseil de Krakoa se réunit en urgence et il est décidé de suspendre les résurrections puis d'interdire les voyages dans l'Outremonde. Polaris entre en transe et se met à réciter une prophétie, suggérant quels doivent être les champions de Krakoa dans le tournoi qui va les opposer à ceux d'Arakko.


Magneto et Xavier au chevet d'Apocalypse lui reprochent ses manoeuvres qui ont mis tout Krakoa en danger. Polaris érige un autel avec les restes de Rockslide en suivant les instructions que lui a transmises Saturnyne. Magik est la première à prendre place pour le tournoi à venir tandis que Cypher et Krakoa déduisent les noms des autres champions de l'île.

On ne peut guère reprocher à Leah Williams de décevoir un peu après l'éblouissant premier chapitre de X of Swords, Creation. Il est difficile de passer après Jonathan Hickman et Tini Howard et de maintenir le niveau. A cet égard, on peut donc s'étonner que le crossover se poursuive avec une série aussi récemment lancée que X-Factor.

Dans la collection Dawn of X, X-Factor est un titre un peu curieux qui rassemble un groupe hétéclorite de mutants devant vérifier le décès de leurs semblables avant de procéder à leur résurrection. L'équipe travaille donc en étroite relation avec les Cinq et le Conseil de Krakoa. Parmi ses membres, on trouve Rachel Summers, Vega, Polaris, Daken, Prodigy et Eye-Boy : cela ressemble un peu/beaucoup à un fourre-tout pour des X-Men que personne n'utilise, c'est le problème d'une franchise que l'editor Jordan White et Marvel veulent à tout prix développer au risque de produire des titres gadgets avec des castings sortis d'on-ne-sait-où.

Cela se traduit très concrétement dans cet épisode où en effet X-Factor est peu présent, en dehors de Rachel Summers (une scène et demi) et Polaris. On assiste au retour des mutants ayant accompagné Apocalypse dans l'Outremonde et obligé de battre en retraite après le piège que leur a tendus l'Invocateur et des attaques des quatre cavaliers. Le bilan est très lourd : Apocalypse a été éventré, Rictor empoisonné, Rockslide tué. Et c'est le sort de ce dernier qui va totalement bouleverser la donne, de manière très habile.

En effet, quel est l'élément le plus déterminant dans le nouveau statu quo des mutants depuis House of X ? Sans doute (en dehors du fait que Moira McTaggert a oeuvré en coulisses avec Charles Xavier et Magneto pour refonder la Nation X) le fait que la mort a été vaincue grâce à un protocole maîtrisé par cinq mutants et le Pr. X. Jonathan Hickman a expliqué qu'il avait imaginé cela parce qu'il considérait que l'astuce scénaristique qui consistait à tuer des héros qui seraient tôt ou tard de retour parmi les vivants avait fait son temps, les lecteurs n'y croyaient plus, et donc cela ne suscitait plus ni suspense ni  surprise.

A l'aube d'une bataille qui doit décider de qui gouvernera vraiment Krakoa réunie avec Arakko, le fait d'avoir à faire à des mutants par définition désormais immortels posait un problème semblable au fait d'avoir des héros mortels mais qu'on ramenerait d'une façon ou d'une autre à la vie. Il fallait à nouveau que les mutants soient en danger pour que le lecteur de X of Swords croient à la menace des quatre cavaliers et de la horde d'Amenth.

Pour cela, Leah Williams fait de Rockslide une victime "utile", c'est-à-dire un personnage dont la mort soit réellement irréparable et dont l'irrévocabilité serve le récit dans son ensemble. Concrétement : il a été tué par l'Invocateur mais surtout dans l'Outremonde, qui est le nexus de toutes les réalités. Cela corrompt le protocole de résurrection et empêche de le ramener parmi les vivants. Mais surtout en essayant de le ressuciter, les Cinq et Xavier voient toute la procédure "grillée" : les casques Cérébro sont court-circuités dans une réaction en chaîne au moment où le Pr. X tente de rendre son âme à Rockslide et Egg craignant que tous ses oeufs soient infectés demande à Elixir de les détruire. Conséqience directe : plus aucune résurrection n'est possible jusqu'à nouvel ordre et tout déplacement dans l'Outremonde prohibé (d'ailleurs Saturnyne a condamné le portail externel qu'avait ouvert Apocalypse).

La notion de vulnérabilité est restaurée parmi les mutants. Les voilà à nouveau fragilisés et ils vont le rester car le tournoi qui opposera leurs champions à ceux d'Arakko se déroulera dans l'Outremonde (en terrain neutre). On peut d'ailleurs dès à présent supposer que les champions d'Arakko sont également exposés et que si l'un d'eux est blessé ou tué dans l'Outremonde, il en périra pour les mêmes raisons que celles qui ont été fatales à Rockslide.

Sur ce point, l'épisode est exemplaire, très didactique certes, mais à bon escient. Le problème narratif est ailleurs.

Leah Williams doit composer avec un nombre important d'informations à communiquer entre les personnages et au lecteur, et on sent qu'elle y parvient au forceps. La faute à un vrai point de vue : pendant la majeure partie de l'épisode, l'auteur prend à l'évidence Polaris pour son relais, mais c'est, me semble-t-il, une erreur car, dans le même temps, Lorna Dane subit énormément les événements tout en culpabilisant beaucoup sur ce qui s'est passé dans l'Outremonde (en particulier la mort de Rockslide). Saturnyne ayant glissé dans l'esprit de la fille de Magneto des indices cruciaux concernant les champions de Krakoa, mais inacessibles aux télépathes, cela fait quand même beaucoup pour un seul individu.

A contrario quand elle délégue l'action à des personnages tiers, comme Charles Xavier, Leah Williams aère sa narration et permet au récit de conserver son intensité dramatique sans accabler la seule Polaris. On assiste alors à des scènes bien meilleures comme le moment où le Pr. X se rend compte avec les Cinq de la compromission du protocole de résurrection, l'échange tendue entre Xavier et Emma Frost lors du conseil de Krakoa, ou la visite de Xavier et Magneto au chevet d'un Apocalypse mal en point mais responsable de cette débâcle.

Trop souvent, Polaris souffre d'être seule ou placée au centre de scènes où elle est instrulentalisée (comme quand elle entre, opportunément, en transe, en pleine réunion du conseil). Leah Williams aurait été mieux inspirée en entourant son personnage, notamment par Havok (qui a eu lui aussi récemment, dans la série Hellions, des différends musclés avec les leaders de Krakoa, et qui a été longtemps l'amant de Lorna Dane). Cypher aurait aussi pu être davantage exploité dans l'épisode puisqu'il délivre, in fine, des précisions bien utiles sur les champions supposés de Krakoa et leurs épées.

Ce déséquilibre narratif et dans la caractérisation n'est en plus pas rattrapé sur le plan visuel. je redoutais la lecture de X-Factor car les trois premiers épisodes de la série ont été dessinés par David Baldeon, un des pires artistes de la franchise (et de Marvel à mon avis). En voyant qu'il cédait la place à Carlos Gomez, j'étais à moitié rassuré car je ne connaissais pas ce dernier.

Il faut s'y attendre, par son envergure et le nombre de titres impliqués, X of Swords sera graphiquement très inégal. Et malheur à qui passera après les numéros illustrés par Pepe Larraz. Gomez en fait les frais ici car il est très, mais alors très en dessous de son confrère espagnol. Rarement ai-je eu autant l'impression de voir un dessinateur aussi dépassé par tout ce qu'il devait représenter.

Gomez donne régulièrement le sentiment de ne pas savoir comment cadrer les scènes et il opte abondamment pour les pires solutions, comme lorsqu'il utilise des contre-plongées au moment où les personnages sont pourtant en pleine panique (la contre-plongée suggère au contraire un ascendant du personnage sur la situation). Autre faiblesse révélatrice : l'emploi de plans en plein pied sans justification autre que l'intention manifeste d'émoustiller le lecteur avec la plastique féminine (voir la page ci-dessus où Polaris rejoint le Pr. X où l'artiste met l'accent sur les courbes de la mutante plutôt que sur son désarroi : on a l'impression qu'elle défile, un peu timide, pas du tout qu'elle va annoncer quelque chose de terrible).

Enfin, Gomez n'a de toute évidence pas un bagage technique fou comme en témoigne une autre scène vers la fin quand Xavier et Magneto sont au chevet d'Apocalypse pour lui expliquer séchement qu'il a mis tout le monde dans le pétrin. Ce moment dramatique, à la fois poignant (car Apocalypse est vraiment dans un sale état) et cruel (compte tenu de la dureté des paroles des deux leaders mutants), est découpé en cases occupant toute la largeur de la bande et avec une luminosité réduite, censée, je suppose, souligner sa théâtralité. Or, rien de de tout ça ne provoque une émotion adéquate chez le lecteur. Il aurait fallu oser des plans plus variés, sans doute aussi plus nombreux et rapprochés, comme un crescendo, sans doute sous la forme d'un "gaufrier", pour atteindre l'objectif visé.

Ces maladresses accumulées ruinent l'épisode visuellement. Heureusement, malgré quelques faiblesses dans la rédaction, tout n'est pas perdu. L'exercice était compliqué (gérer l'immédiat après-Creation, introduire la réalité de la vulnérabilité mutante, avancer sur le sujet des champions et du tournoi). Avec une salve de trois nouveaux chapitres la semaine prochaine, tout devrait être plus équilibré. A suivre donc, dans les pages de X-Force #13, Marauders #13 et Wolverine #6.




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