samedi 24 octobre 2020

HIDDEN SOCIETY #4, de Rafael Scavone et Rafael Albuquerque

 

Il n'y a pas eu de miracle :  ce quatrième et dernier épisode de Hidden Society confirme le crash total de ce projet. Oh, je ne me faisais aucune illusion après ce lent et inéxorable naufrage, mais tout de même, quel gâchis... Rafael Scavone a tout à prouver comme scénariste. Et son compère Rafael Albuquerque, malgré son prodigieux talent, devrait mieux choisir dans quoi il s'investit.



Jadoo, Laura, Orcus et Mercy interviennent au somet de l'Etna pour empêcher la confrèrie de Nihil de réveiller le terrible dragon qui dort dans le volcan de resurgir. Pour cela, il leur faut délivrer le sorcier Ulloo, otage des frères.


Pour cela, l'équipe doit agir comme un seul homme. Leurs efforts paient puisque la confrérie est perturbée. Mais le sort qu'il tire d'Ulloo et des fantômes des anciens membres de la Société Secrète réveille quand même le dragon.


N'ayant pas eu le temps nécessaire pour conjurer un tel adversaire, Jadoo n'est pas en mesure de pallier l'incapacité d'Ulloo. Mercy décide de recourir à un moyen radical : elle abat le sorcier et ainsi brise le sort qui a réveillé le dragon. La bête retourne s'endormir au coeur du volcan.


La confrérie espère qu'en manipulant Jadoo elle pourra remédier à cela. Mais les anciens sociétaires sont réincarnés et maîtrisent leurs ennemis définitivement. Ils intronisent ensuite Jadoo comme remplaçant du défunt Ulloo et quittent Catane avec la bande.


Seule Mercy ne fait pas le voyage. Elle a rendez-vous avec le démon Belial avec qui elle a passé un pacte. Et qui n'accepte de le rompre qu'en l'obligeant à une dernière mission...

Je me suis engagé dans la lecture de Hidden Society sans grande ambition. Et c'est sans doute ce décalage, entre mes espoirs et ceux des auteurs, qui signent l'échec le plus cruel de cette entreprise. Car cette mini-série visait plus haut que le lecteur.

Dans ce cas de figure, il ne faut pas se rater et frapper fort et vite. Avec quatre épisodes annoncés, en guise d'amuse-bouche puisque le projet était promis à une suite, Rafael Scavone et Rafael Albuquerque semblaient sûrs d'eux. Et, au début, admettons-le, c'était prometteur.

Des personnages accrocheurs, variés, une mission à haut risque, une petite mythologie en arrière-plan, voilà qui mettait en appétit... Mais voilà, tous ces ingrédients appétissants n'ont jamais été convertis par les auteurs en un plat à la hauteur. Tout est vite tombé à plat, la faute à une intrigue sans substance, à l'image de ses protagonistes, séduisants, mais creux.

Cette histoire de dragon, que voulait réveiller une confrérie, rivale d'une société secrète de magiciens, n'a jamais pris. Scavone n'est jamais arrivé à en faire une menace suffisamment puissante pour qu'on vibre à son évocation. Et son attelage de héros improbables manquait trop de personnalité pour convaincre au-delà de l'idée de les réunir. Ni le jeune Jadoo, dont on devinait immédiatemetn qu'il allait succéder au vieux sorcier Ulloo, ni Laura et son génie Orcus, ni la tueuse Mercy n'avaient vraiment d'esprit, d'âme et de chair : ce n'étaient que des archétypes, vus et et revus, dont les designs accrocheurs ne pouvaient compenser l'absence de substance.

Quant aux méchants de la série, cette confrérie de Nihil, elle est encore plus transparente. Aucun des trois frères n'existe, ils ne sont là que pour balayer ces débutants réunis par Ulloo et extraire du vieux mage un sort pour réveiller leur dragon de fin du monde endormi dans le coeur de l'Etna. S'ils étaient si redoutables, auraient-ils besoin du dernier des membres vivants de la Société Secrète pour mener leur plan à terme ? Non, vraiment, ça ne fonctionne pas. 

Ce théâtre de poche et de fantôches fait en définitive peine à voir. Oublions Scavone, scénariste sans souffle, et attardons-nous sur Albuquerque. Voilà un dessinateur épatant, qui s'est bâti une réputation solide en quelques années. Sa rapidité pour produire des planches, le dynamisme jubilatoire de son dessin, ses associations avec des auteurs hype, tout cela l'a placé dans une situation enviable, où il peut choisir ses projets car il est désiré par tout le monde. Il peut même se payer le luxe de créer son propre délire SF (Eight) dont pourtant personne n'a gardé le souvenir.

Mais Albuquerque risque, en manquant de discernement, d'épuiser son crédit. Il a collaboré avec Mark Millar pour deux mini très inégales (le symapthique Huck et le désastreux Prodigy), et avec Scott Snyder pour la saga American Vampire (et quelques épisodes de Batman, période New 52). Mais à part ça, il n'a rien produit de personnel et de mémorable. Il n'est pas devenu un phénomène comme Sean Gordon Murphy, alors qu'il a largement le même potentiel. Albuquerque préfère visiblement se consacrer à des projets foireux comme cette Hidden Society entre deux volumes d'American Vampire et une collaboration avec Millar. Pas de quoi lier son nom à quelque chose d'historique.

Ce sentiment de gâchis, c'est à lui qu'on le rattache. Parce que Albuquerque a un talent immense, c'est un narrateur, un designer fantastique, mais qui semble se contenter de choses faciles, qui ne lui demandent pas d'efforts particuliers. J'aimerai le voir illustrer des scripts plus exigeants, par des scénaristes plus stricts, dans des univers moins familiers. Je suis sûr qu'il y imposerait sa griffe sans problème. Mais, lui, en a-t-il envie ? Pas sûr. Et c'est regrettable.

Hidden Society se termine sur une fin ouverte (un nouveau contrat pour Mercy qui devrait l'amener à croiser de nouveau ses anciens camarades). Dark Horse commandera-t-il un nouveau volume. Peu importe, je ne le lirai pas. J'attendrai, sans doute vainement, que Albuquerque s'engage dans quelque chose de plus palpitant que ses histoires de vampires avec Snyder. Et comme l'océan est plein de poissons, je découvrirai à la place d'autres comics.

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