vendredi 23 octobre 2020

GUARDIANS OF THE GALAXY #7, de Al Ewing et Marcio Takara

 

Avant toute autre chose, pour apprécier ce septième épisode de Guardians of the Galaxy, assurez-vous d'avoir lu la saga Empyre, sinon vous serez complètement largués. C'est à la fois le charme et l'inconvénient de la notion d'univers partagé lorsqu'un scénariste, comme Al Ewing en l'occurrence, qui avait co-écrit cette saga, décide d'en explorer les conséquences dans une de ses séries. Il est une nouvelle fois associé à Marcio Takara pour ce récit en forme de whodunnit, plaisant mais qui du coup élude les questions censées être posées.



En sa qualité d'ambassadeur de l'Utopie Kree, Marvel Boy doit participer à une réunion extraordinaire entre plusieurs représentants de l'univers, suite à l'officialisation de l'alliance Kree-Skrull. Les Gardiens, qui le convoient, sont toutefois priés de rester en retrait à bord de leur vaisseau.


Nova représente la Terre et introduit Noh-Varr auprès des autres délégués. Parmi eux, un seul est absent : l'empereur Stote des Zn'rx est parti se soulager aux toilettes. Les discussions commencent malgré tout sans lui et Kl'rt, le super-skrull, et la capitain Val-Lorr, son adjoint, sont sous le feu des questions.


Il s'agit de règler le problème de l'armement Kree-Skrull, en particulier du Bûcher. Kr'lt et Val-Lorr jurent que leur empereur, Hulkling, en a interdit définitivement l'usage. Du moins tant qu'il règnera sur l'alliance. L'assemblée choisit de s'en satisfaire, Nova et Marvel Boy se portant garants de Hulkling.


A son tour, Marvel Boy se rend aux toilettes et là, surprise funeste, il trouve l'empereur Stote mortellement blessé. Avant de succomber, ce dernier souffle qu'un métamorphe s'est glissé parmi les représentants pour tromper les autres. Val-Lorr surgit et arrête Noh-Varr qu'il croit être le tueur.


Marvel Boy élimine Val-Lorr juste avant que Kr'lt arrive à son tour. Coupable évident, Noh-Varr est sur le point d'être exécuté sans procès lorsque Nova s'interpose. Il convainc tout le monde de confier l'enquête à un tiers impartial...

Je dois bien avouer que cet épisode ne m'a qu'à moitié convaincu et plu. En effet, je ne suis pas très friand du principe qui veut que l'auteur (le co-auteur précisément) d'un event ou d'une autre série poursuive ce qu'il a entamé dans un autre titre. Cela oblige le lecteur à lire ce qui a précédé, donc parfois à se plonger dans une histoire antérieure pas forcément réussie (comme ce fut le cas d'Empyre) : c'est pour moi la grande limite de ce qu'on appelle l'univers partagé des comics.

De manière générale, je me méfie toujours des tenants de la continuité. Cela équivaut à raconter des histoires pour des fans experts, qui connaissent des intrigues parfois anciennes. Idéalement, j'ai toujours estimé qu'un comic-book devait pouvoir se lire comme si c'était le premier pour tout le monde, sans avoir besoin de références. J'aime le côté reader's friendly, l'accessibilité.

Là, cet épisode de Guardians of the Galaxy me dérange parce que je me mets à la place du lecteur qui n'a pas lu Empyre et je sais qu'il ne comprendra rien à cette réunion d'ambassadeurs chargés de discuter de l'alliance Kree-Skrull officialisée au terme de cet event. C'est dommage. Et Al Ewing aurait dû être plus précautionneux envers ce lecteur dans la mesure où, donc, il a co-écrit Empyre.

Mais bon, je suppose aussi que si vous êtes en train de me lire, vous n'êtes pas non plus complètement à la ramasse, vous vous tenez informés grâce à mes critiques ou via les sites spécialisés, les forums, etc. Donc, vous savez à peu près ce que racontait Empyre. Donc je m'adresse à des lecteurs avertis. Désolé pour les autres.

Toutefois, mes réserves ne concernent pas que les points précités. D'autres éléments dans cet épisode me paraissent inaboutis, mal fichus. Pour commencer, dans la première scène, on assiste à un dialogue télépathique entre Moondragon et Phyla-Vell, sa femme et co-équipière : Moondragon vient de fusionner avec une entité provenant d'une réalité parallèle, sans consulter Phyla. L'ambiance entre les deux est tendue, on comprend Phyla. Problème : comme avant lui Donny Cates, Al Ewing ne s'attarde pas sur Phyla. De fait, depuis sept épisodes, c'est, nettement, le personnage auquel il accorde le moins de temps. D'importance, même. C'est un peu beaucoup pour une héroïne qui est présente dans l'équipe depuis donc dix-neuf épisodes (si l'on compte les runs de Cates et de Ewing). Et c'est dommage parce qu'elle mérite à l'évidence mieux que de piloter le Bowie (le vaisseau des Gardiens) ou de protéger Rocket Raccoon en mission. Ou de servir de faire-valoir à Moondragon.

Ce manque d'égards envers Phyla-Vell déçoit de la part de Ewing qui, par ailleurs, n'esquive pas la sexulaité de ses héros (dans Empyre, il a marié Hulkling et Wiccan, et dans Guardians..., il a créé le couple Marvel Boy-Hercule). Le couple que forme Moondragon et Phyla devrait donc l'inspirer, mais il n'en fait rien.

Ensuite, l'épisode s'intitule Let's talk politics : c'est approprié puisqu'il s'agit d'interroger l'alliance récente entre Kree et Skrulls lors d'une réunion au sommet. Mais là encore Ewing va un peu trop vite. Il expédie les débats sur un ton badin pour leur préférer un whodunnit qu'il présente comme une comédie policière avec Rocket dans le rôle d'Hercule Poirot. Le whodunnit est un genre en soi dans le polar : un meurtre est commis, un innocent accusé à tort, une enquête est instruite pour démeler le vrai du faux. Marvel Boy joue le coupable. Rocket le détective. Les ambassadeurs les suspects. Et bien entendu, le Proscenium, la station où se déroule le sommet, est le théâtre de cette pièce.

J'ai, pour part, eu l'impression que Ewing avançait avec un programme pour mieux cacher son intention véritable (traiter des répercussions politiques de l'alliance puis introduire une affaire criminelle en huis-clos sur le ton de la comédie). Le souci, c'est que, sachant que Marvel Boy n'est pas le coupable, et que les suspects ne présentent qu'un intérêt très relatif, il y a peu de chance que l'intrigue soit passionnante et que sa résolution soit étonnante. En vérité, tout cela donne l'impression que Ewing gagne du temps avant de faire revenir Star-Lord dont il a également échoué à nous convaincre qu'il était vraiment mort lors de la bataille des Gardiens contre les Olympiens. D'ici à ce que Peter Quill ne revienne providentiellement pour résoudre cette affaire de meurtre, je ne serai qu'à moitié étonné, mais aussi très déçu car ce serait une ficelle grosse un cable.

Pour la seconde fois d'affilée, c'est donc Marcio Takara qu supplée Juann Cabal. J'aime beaucoup Takara, avec ses défauts et qualités, ce n'est pas un problème. Il s'acquitte du job avec professionnalisme, même si, cette fois, ses planches sont assez fades dans l'ensemble (à l'exception, tiens, tiens, du dialogue entre Moondragon et Phyla au début). Il se contente d'illustrer platement les échanges d'un épisode bavard, et se montre moins à son avantage dans la dernière partie, lorsque ça s'anime. Les couleurs de Federico Blee n'appportent rien de consistant, sa palette est trop douce, trop uniforme pour que les ambiances s'en ressentent, surtout quand la situation devient plus corsée.

La série est en vérité trop dépendante de Cabal et de ses prouesses visuelles, qui en relèvent le niveau de façon spectaculaire. Là où le bât blesse, c'est que, récemment, Marvel a présenté en grandes pompes sa nouvelle promotion de jeunes artistes sur laquelle elle compte miser dans l'avenir proche. On y trouve Joshua Cassara, Natacha Bustos, Carmen Carnero, RB Silva, Iban Coello et, plus drôle, Patrick Gleason (qui n'a rien d'un nouveau venu après un long et riche parcours chez DC), mais aussi donc Cabal. On peut dire que ça la fout un peu mal quand un artiste fraîchement mis dans la lumière apr son éditeur n'est même pas présent sur l'épisode du mois correspondant à sa promotion.

 Bref, sans dire que tout est à jeter, il n'y a quand même pas grand-chose à retenir de ce numéro qui passe à côté de son sujet, de ses personnages. Souhaitons que Ewing se resaisisse vite car Guardians of the Galaxy est une série séduisante qui mérite plus re rigueur et de régularité.

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