vendredi 4 septembre 2020

GUARDIANS OF THE GALAXY #6, de Al Ewing et Marcio Takara


Guardians of the Galaxy version Al Ewing se distingue comme une série qui n'a pas de temps à perdre depuis que le scénariste en a pris les commandes. Pour en témoigner, des arcs courts, ponctués par des épisodes de transition, où tout le monde (héros, lecteur) souffle. C'est le cas avec ce numéro, centré sur Nova, et dessiné par Marcio Takara.


Sur le conseil de Hercule, Richard Ryder/Nova consulte un psy. Depuis toujours, il a ressenti un fort sentiment de culpabilité, au contact d'un père exigeant, puis du cadre rigide du Nova Corps, puis des guerres qu'il a traversées. Jusqu'au récent décès de Peter Quill/Star-Lord dont il se sent coupable.


Ne sachant par où commencer, Nova décide de récapituler les dix derniers jours, depuis la fin de la mission qui a réconcilié les deux parties des Gardiens de la galaxie. A cette occasion, Hercule et Marvel Boy sont devenus amants tandis que Moondragon révèlait sa nouvelle personnalité à Phyla-Vell.


Pour fêter la victoire, Nova prenait un verre dans un bar et a abordé Gamora, pour laquelle il nourrit toujours des sentiments amoureux. Ensemble, ils ont parlé des conflits qu'ils ont connus et de l'affection qu'ils se portaient.


Mais Gamora, qui avait trouvé une stabilité affective auprès de Peter Quill, tient toujours Nova pour responsable de sa mort...


La première réflexion que j'ai eue après avoir lu ce (remarquable) épisode m'a renvoyé à la saga Empyre dont j'ai parlée hier ici même. En effet, Al Ewing en était le co-auteur tout comme il signe le scénario de Guardians of the Galaxy. Et on ne peut s'empêcher de comparer la qualité des deux travaux.

Bien entendu, il ne s'agit pas de compter les points, pour la bonne raison qu'on n'évalue pas de la même manière six épisodes d'un event estival et une série au long cours. Mais vous aurez noté qu'il s'agit, ironiquement, du sixième épisode de Guardians of the Galaxy et cette comptabilité trouble la critique.

Ce qui a fait défaut, cruellement, à Empyre est brillamment géré dans la série cosmique dont il est ici question. Depuis qu'il a succédé à Donny Cates, Al Ewing s'est evertué à dépoussierer les Gardiens de la galaxie, d'une façon plus nette que son devancier (qui avait déjà introduit de "nouvelles" recrues, conservées depuis, comme Phyla-Vell et Moondragon). Cette volonté manifeste s'est traduite par la disparition de Peter Quill/Star-Lord, un acte fort (même si, en fait, personne n'est dupe : le leader emblématique de l'équipe n'est pas mort et reviendra).

N'empêche, ce choix a purgé la série, et a affirmé les intentions de Ewing. Brian Michael Bendis avait bâti son run sur la formation classique des Gardiens (celle qui a été popularisé par les films), en injectant des éléments inattendus (Kitty Pryde, la Chose, Venom, Angela). Tuer Quill, c'était en quelque sorte tourner la page Bendis et s'astreindre à recomposer le groupe.

Après cinq épisodes menés tambour-battant, Ewing ausculte les répercussions de cet événement, en prenant le temps. Pour cela, il donne la parole à Nova, un satellite des Gardiens depuis le run de Dan Abnett et Andy Lanning, durant les diverses Annihilations (évoquées ici). Richard Ryder est un personnage qui a été imaginé comme un équivalent à Green Lantern pour Marvel, mais la copie n'a jamais égalé l'original. Nova est resté un fan-favorite mais sans être une star.

Ewing prend cela en compte : il écrit le personnage ainsi, comme un héros à la marge, mais en lui ajoutant un gros complexe de culpabilité, remontant à l'enfance. Promis au meilleur, Richard Ryder a déçu, lui le premier. Et aujourd'hui il porte le deuil de son meilleur ami, Star-Lord, après que celui-ci ait décidé de se poser avec Gamora... La femme qu'a aimé Nova.

Si le prétexte de la séance de psychanalyse est facile, en revanche, Ewing tire le meilleur de la séquence qui réunit les amants de jadis. Gamora aussi a aimé Nova, puis lui a préféré Peter Quill. Le décés de ce dernier est le fait, indiscutable pour elle, de Richard Ryder car il l'a entraîné dans sa mission contre les Olympiens. Le fait que Nova appréciait vraiment Star-Lord ne fait que rendre plus terrible l'issue de l'aventure. Il n'y aura pas de réconciliation possible entre Gamora et Nova - qui en est donc quitte pour de nouvelles séances chez le psy.

Dans Empyre (bien que les torts soient partagés avec Dan Slott), Ewing a échoué, lamentablement, à faire vivre des équipes de héros, en les Avengers, fantomatiques dans cette saga. Ici, au contraire, même à travers la voix d'un seul personnage, il réussit brillamment à concilier intrigue et dynamique de groupe. La dimension familiale des Gardiens de la galaxie est parfaitement retranscrite, parfois avec une pointe d'ironie (quand Nova mentionne le côté soap opera de l'affaire via les romances Hercule-Marvel Boy ou Moondragon-Phyla-Vell), parfois de façon plus poignante (quand Gamora explique pourquoi elle a préféré Peter Quill). Ewing sait donner une voix singulière à chacun et c'est pour cela que ça fonctionne émotionnellement et narrativement (quand Empyre se plantait en beauté pour combiner états d'âme et grand spectacle).

Ce mois-ci, Juann Cabal se repose et laisse donc la place à Marcio Takara. C'est compréhensible quand on a lu les épisodes époustouflants mais exigeants en termes d'investissement graphique de Cabal.

Takara a un autre style mais c'est un artiste très correct et qui ne rechigne pas à jouer les pompiers de service (il le fait indifféremment pour Marvel et DC). A voir s'il continuera de jouer les doublures pour cette série, personnellement ça me conviendrait très bien.

Sa contribution ici est soignée. Il utilise un découpage très sobre, qui colle avec l'histoire, et recourt plusieurs fois à un "gaufrier" de neuf cases, et des "talking heads" - rien que de très normal pour un épisode-confession. Certes, Takara n'a pas le génie expressif d'un Immonen ou d'un Maguire, mais il fait passer habilement les émotions de ses personnages et parvient même à des effets stylisés efficaces (très belle case de Nova en gros plan, de 3/4 face, le visage presque dévoré par l'obscurité à un moment-clé du dialogue avec Gamora).

Takara sait aussi se lâcher quand il le faut et compose des doubles pages abouties (comme celle qui retrace l'évolution de Nova de ses débuts à nos jours avec un alignement de cases verticales) ou une splash-page explosive (renvoyant à la dernière mission des Gardiens). Ce qui manque le plus, c'est une qualité dans la finition car Takara a un trait un peu trop jeté, proche du croquis parfois. Par rapport à la minutie impressionnante de Cabal (égale à celle d'un Russell Dauterman), évidemment, c'est plus faible.

En prime, on a droit à une superbe couv' signée Rafael Albuquerque.

Bref, ce sixième épisode est parfait et confirme que Guardians of the Galaxy est une des toutes meilleurs productions Marvel actuelles. Un team-book impeccablement écrit, et graphiquement bien doté.

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