jeudi 27 août 2020

X-MEN #11, de Jonathan Hickman et Leinil Yu


Oserai-je dire que X-Men #11 est la seule sortie notable de la semaine ? En tout cas, c'est le seul comic-book qui a retenu mon attention et motivé un achat parmi les nouveautés disponibles. Pour la seconde fois consécutive, ne numéro est rattaché à la saga Empyre et fait suite aux événements du #10. Mais le talent de Jonathan Hickman accompagné par Leinil Yu rend l'exercice excitant. Au point qu'on peut légitimement se demander si l'event n'aurait pas eu plus de saveur avec ces deux-là aux commandes...


Anole entraîne Lao et Rockslide sur l'île annexe d'Arakko, malgré les consignes. Ils y rencontrent l'Invocateur qui les invite à jouer avec lui. Mais la partie débute sous de mauvais augures pour les mutants de Krakoa.


Un rapport rédigé par Cyclope prévient le Conseil de Krakoa des failles dans la sécurité constatées ces derniers temps. Il préconise un entraînement plus poussé des mutants et une redisposition des éléments offensifs pour parer à de nouvelles futures crises.


Ces indications resurgissent quand Krakoa est attaquée par les Cotati. Magik et Gorgone alertent Magneto de leur arrivée sur l'île et il prend le commandement des opérations. En commençant par se rendre sur le front et en entrant en liaison, via les Stepford Cuckoos, avec Sage, Iceberg et Magma.


Magman provoque une éruption volcanique qui projette des tonnes d'acier liquide dans l'air que Iceberg doit convertir pour Magneto. Les Cotati sont incapables de résister à cette riposte non organique. Magneto défie leur chef et le vainc.


Exodus raconte tout cela à de jeunes enfants mutants en soulignant l'héroïsme du maître du magnétisme, prêt à se sacrifier pour les siens mais aussi capable de terrasser l'ennemi par sa supériorité de stratège et sa puissance.

Je me rappelle qu'en lisant Infinity, le premier des events que Jonathan Hickman a écrit pour Marvel, je fus surpris par le parti-pris adopté pour l'histoire centrale en six épisodes. le scénariste livrait un récit dépouillé, concentré sur les hauts faits de la saga, en partageant la narration en deux parties égales (l'une avec les efforts de l'armée des Avengers dans l'espace contre les Bâtisseurs, l'autre en mettant en scène le duel Thanos-Inhumains sur Terre pour retrouver son fils, seul capable de le tuer).

Pour saisir toutes les subtilités de la saga, il fallait lire les épisodes de Avengers et New Avengers que signaitt aussi Hickman à l'époque. Tout cela prouvait à quel point Hickman construisait ses intrigues de manière synchrone et intriquée. Pourtant, en ne lisant que les six épisodes d'Infinity, on disposait déjà d'un matériau suggestif. En la matière, c'est certainement ce que j'ai lu de plus abouti, de plus complémentaire. Le scénariste Hickman s'y affichait déjà en grand ordonnateur, une ambition qu'il a parachevé ensuite avec Secret Wars et désormais, depuis House of X-Powers of X, avec la franchise X-Men.

Malheureusement, les X-Men sont une autre affaire que les Avengers et le succès de l'entreprise menée par Hickman ne lui permet pas d'écrire toute la collection de titres de la gamme. Il se concentre sur le titre emblématique de la marque, et a délégué le reste à des auteurs inégalement inspirés (Duggan, Percy, Howard...), sans qu'on sache trop à que point ils connaissent les véritables plans de la "Head of X" qu'est Hickman (suivant le crédit qui lui est attribué dans les revues).

Je parierai volontiers sur le fait que seul Hickman sait où il va et veut mener les mutants. La perspective du crossover X of Swords, dont la première scène de cet épisode se pose comme un avant-propos très allusif, nuance cela puisque Hickman l'a conçu avec Tini Howard (auteur de la série Excalibur). Mais au-delà...

Cet épisode est également rattaché, comme le précédent à Empyre, et prolonge d'ailleurs les événements du numéro paru le 29 Juillet dernier. Après que Vulcain ait tué plusieurs Cotati sur la Lune, un survivant informait un officier que le mutant avait parlé de l'île de Krakoa. Logiquement, on assiste donc à l'assaut sur le refuge mutant.

Après la scène d'ouverture, deux data pages font état d'un rapport émis par Cyclope (le Capitaine Commandeur qui dirige les autres Capitaines et répond de la sécurité de l'île devant son Conseil) sur les failles dans la protection des mutants. En effet, on a pu voir dans Marauders, X-Force et X-Men que Krakoa présentait des brèches importantes, on n'y pénètre pas comme dans un moulin certes mais certains ont trouvé la parade. Sans compter les mutants qui conspirent contre le régime en son sein.

Magneto est une fois de plus mis en avant (après le #4). C'est un personnage qu'apprécie visiblement Hickman, ce qui n'étonnera personne car il incarne une sorte de mâle alpha (et un mutant de niveau oméga), buriné par la vie, haut placé dans la hiérarchie mutante, une sorte de vice-président. L'épisode est narré par Exodus qui résume ce qui s'est passé sur l'île durant l'assaut des Cotati en insistant sur l'héroïsme de Magneto mais aussi, surtout, sur sa singularité de mutant, de stratège, de quasi-martyr. Le reste illustre cela à la perfection.

Pourquoi Leinil Yu, bien qu'il ne soit plus aussi flamboyant qu'autrefois, convient si bien à l'écriture de Hickman ? Yu n'a jamais brillé par la qualité dynamique de son dessin, il y a une rigidité dans son trait, même s'il l'a dépouillé de certains de ses attributs au fil des ans (le recours aux hachures notamment) et que ses coloristes peuvent l'habiller diversement (cette fois Rain Beredo supplée Sunny Gho avec brio). Mais justement, quand Hickman dispose de Yu, il sait tirer le meilleur de lui en puisant dans ce qu'il sait encore faire de mieux.

Yu, par exemple, excelle à représenter des personnages marmoréens, à la présence charismatique mais minérale, quasi-granitique, comme taillé dans pierre. Voyez comme il a dessiné Apocalypse dans l'épisode 7 : une masse impressionnante et en même temps mélancolique, impitoyable et triste. Magneto est du même acabit : c'est un doyen, un vétéran de guerre. Avec ses cheveux blancs, sa silhouette sèche, sa musculature de gladiateur (exhibé dans la scène où Gorgone et Magik viennent le solliciter - on notera d'ailleurs le regard brillant d'Ilyana Rasputin devant cet homme mûr mais bien conservé...), il a la carrure naturelle d'un leader, de ceux que Yu réussit à camper sans forcer.

Qu'importe en fait alors qu'ensuite l'action soit trop statique, figé, que le découpage se réduise à une succession de vignettes (souvent de la taille d'une bande occupant la largeur de la planche). A vrai dire, plus de mouvement n'aurait pas ajouté grand-chose. Magneto n'a pas besoin de s'agiter pour gagner, il est économe de son verbe comme de son geste, il est direct et efficace et Yu le montre ainsi. L'ingéniosité de son plan est radicale, spectaculaire, ne fait pas de quartier. Il ne gagne pas, il écrase, sa seule présence devient ainsi un atout pour galvaniser les troupes, s'il est là c'est déjà dans la poche.

Et, donc, au-delà de l'épisode, du tie-in à Empyre, ce que prouvent Hickman et Yu, c'est la formidable puissance des mutants, ces néo-dieux auto-proclamés mais dont on ne saurait discuter la supériorité en les voyant ainsi dominer le débat face à un ennemi que Avengers et Fantastic Four peinent à contenir dans l'histoire de Dan Slott et Al Ewing. Plus fort encore : Hickman donne une petite leçon à ses confrères en mettant en scène la guerre comme elle est et pas en en la relégant au second plan comme dans Empyre (où le conflit manque terriblement d'envergure). La différence d'intensité entre Black Panther seul face à ses adversaires au Wakanda et Magneto dirigeant les mutants sur Krakoa résume de manière cruelle qui est le vrai patron, et par ricochet quel est le scénariste le plus probant.

Je sais que certains fans des X-Men sont déroutés et même déçus par la direction imprimée par Hickman depuis un an. Ils ne retiennent que la description d'une "mutanité" transformée en communauté repliée sur elle-même, traversée par des rituels baroques, des personnages devenus moins sympathiques, etc. Ceux-là même rappellent, sans que ce soit un compliment, que Hickman est un storyteller qui préfère les histoires aux héros, et misent sur un twist qui expliquerait que tout ça, en vérité, est une ruse, un subterfuge, que ce ne sont pas les vrais X-Men, que c'est un "Elseworld".

Pour ma part, je trouve cette option passionnante. Qui a décrété qu'il ne fallait qu'écrire des séries avec des héros sympas ? Que les choix de Hickman n'étaient pas valables et logiques après des années avec des mutants acceptant de tendre l'autre joue ? Je préfère cent fois ces X-Men vraiment étranges aux Avengers d'Aaron, empêtrés avec leurs prédécesseurs préhistoriques, mais sans ligne claire, sans horizon vibrant. Les X-Men ont toujours été à part, la seule différence avec Hickman, c'est qu'ils le revendiquent, l'assument totalement et n'en ont rien à faire.

J'aime aussi particulièrement X-Men, la série, pour sa franchise, sa simplicité qui enrobe la complexité de sa rénovation. Même quand elle doit composer avec une saga en cours, elle en tire un avantage grâce à un scénariste ingénieux et un graphisme cohérent. Malgré l'énormité du crossover qui approche, tout cela rend confiant. Et c'est décisif. 

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