jeudi 6 août 2020

EMPYRE #4, de Dan Slott, Al Ewing et Valerio Schiti


Parlons peu, parlons bien : ce quatrième épisode de Empyre n'est tout simplement pas bon. Après le coup de théâtre final du #3 (où on apprenait que Tanalth la Kree était en fait R'Kll, la grand-mère Skrull de Hulkling), on pouvait espérer que la suite immédiate s'emballerait. Ce n'est pas le cas, et il faut maintenant espérer que Dan Slott et Al Ewing mettent le paquet pour les deux prochains et derniers chapitres. D'autant que Valerio Schiti, lui, continue d'assurer.


Contre toute attente, après un bref repos, Hulkling annonce qu'il est prêt à utiliser le Bûcher pour éliminer la menace Cotati. Même si cela signifie sacrifier la Terre. Evidemment, ce revirement ne convient pas à Johnny Storm et Captain Marvel, aussitôt éloignés.


Ils sont téléportés chez Billy Kaplan, alias Wiccan, le mari de Hulkling. Cependant, à la Montagne des Avengers, Reed Richards met Tony Stark au courant de l'évolution de la situation. Au Wakanda, la bataille fait rage et les Cotati dominent à présent l'armée de Black Panther.


Non loin, Quoi s'impatiente lorsque Mantis, accompagnée de Sue Richards, Ben Grimm et She-Hulk, surgit pour parlementer avec son fils. She-Hulk attaque ses alliés et il apparaît qu'elle a été remplacée par un double Cotati.


De retour chez Wiccan, celui-ci a sondé l'esprit de Captain Marvel et révèle une surprise encore plus inquiétante provenant de l'alliance Kree-Skrull...


Jusqu'à présent, Empyre se distinguait de bien des events par son excellent dosage entre intrigue et action, permettant même une caractérisation des belligérants plus fine qu'on n'en a l'habitude. La complémentarité de Dan Slott et Al Ewing, tous deux connaisseurs de l'Histoire des Avengers et des Fantastic Four, donnait lieu à un récit riche, dense mais efficace, rythmé.

Ce quatrième épisode, hélas ! fait déchanter le lecteur qui commence à trouver le temps long et a l'impression de plus en plus prononcée que les auteurs prennent un peu trop leur temps, comme prisonniers des références qu'ils arrivaient si bien jusqu'à présent à intégrer à leur scénario.

Lorsque l'épisode démarre, on est (encore !) dans la salle de commandement du vaisseau amiral de la flotte Kree-Skrull et Hulkling change subitement de braquet en annonçant qu'il ne va plus hésiter à détruire la Terre si cela permet d'éliminer la menace Cotati. Malgré une brève résistance de Captain Marvel et la Torche Humaine, la messe est dite et les importuns dégagés.

Entrée en scène de Wiccan. Il était temps : en effet il s'agit quand même du mari de Hulkling et on se demande pourquoi il n'intervient qu'après autant de temps. La logique aurait exigé qu'il soit un des premiers, si ce n'est le premier averti de l'arrivée de Hulkling dans les parages. On retombe dans les travers des sagas impliquant les Avengers qui pensent pouvoir tout règler seuls, sans la contribution de personnages pourtant plus compétents. En effet, on découvre qu'un magicien aurait été bien utile auparavant quand Billy Kaplan sonde l'esprit de Carol Danvers et lui révèle le pot-aux-roses dans le camp adverse. Du coup l'effet de surprise tombe un peu à plat : ça fait deux fois que Slott et Ewing nous font le coup quand même !

Un event, c'est aussi une certaine fréquence à respecter dans le grand spectacle, donc la mise en scène de batailles épiques, et mine de rien, Empyre en est assez avare jusqu'à présent. Depuis le coup de force de Quoi à la fin du premier épisode, on ne peut pas dire qu'on ait été noyé sous des tonnes de baston (une double page la semaine dernière lors de l'arrivée des Cotati au Wakanda). A l'évidence, une fois encore, en multipliant les tie-in, Marvel prive sa saga principale d'action : on évoque Captain America et la résistance difficile qu'il mène sur Terre, la quête de Thor pour aider ses amis (ce qui est franchement ballot puisque, justement le tie-in Empyre : Thor a été annulé !), mais n'aurait-il pas été plus judicieux de consacrer une ou deux doubles pages pour nous montrer cela au lieu, par exemple, de cette scène inutile entre Reed Richards et Tony Stark à la Montagne des Avengers où Tony fulmine encore et se construit une nouvelle armure.

En comparaison avec les deux derniers events qui m'ont plu, à savoir Fear Itself et Infinity, Empyre prend trop souvent le parti de laisser ces grandes batailles hors-champ. Dans Fear Itself, la menace était grossièrement développée mais les méchants en faisaient baver aux héros. Dans Infinity, Jonathan Hickman réussissait à orchestrer une gigantesque campagne militaire dans l'espace à la manière d'une suite de tableaux impressionnants tout en consacrant assez de place à ce qui se jouait entre Thanos et les Inhumains sur Terre. Empyre est bien plus frustrant sur ce plan-là.

De la parlotte pénible et finalement inutile (prévisiblement inutile !), il y en a encore avec la scène où Mantis cherche à raisonner son fils. Qui plus est, ce passage comporte une erreur stratégique incroyable de la part des héros puisque Mantis est escortée par rien moins que la Femme Invisible, la Chose et She-Hulk, autant de poids lourds absents aux côtés de Black Panther pourtant archi-dominé par les Cotati. Le twist concernant She-Hulk est bienvenu mais en même temps artificiel (peu de risque qu'elle soit vraiment morte et là encore les héros se montrent bien peu observateurs : elle avait recouvré ses esprits grâce à un marteau confiée à elle par Swordsman et là, elle ne le porte plus bien qu'elle reste calme. Pas la peine d'être bien malin pour deviner qu'il y a un loup...).

Une telle sortie de route narrative, une telle accumulation de fautes, d'erreurs plombent la belle entreprise qu'était Empyre jusqu'à maintenant. Tout n'est pas perdu, il reste deux épisodes pour redresser la barre (et même trois puisqu'un numéro spécial sera publié en Septembre pour dresser un bilan de toute cette histoire), mais bon, ce n'est pas satisfaisant du tout.

A quoi se rattraper pour, malgré tout, lire ce chapitre décevant ? Au dessin de Valerio Schiti, qui, lui, assure comme un chef. L'italien fait son boulot en grand professionnel et évite au bâteau de sombrer complètement. Grâce à lui, à son découpage très tonique, à l'expressivité qu'il sait insuffler aux personnages, on ne s'ennuie pas. De ce point de vue, c'est assurément l'event le plus solide depuis Fear Itself dessiné par Immonen, dont Schiti est à la fois un admirateur et un émule. Mais enfin, c'est un peu du gâchis que de disposer d'un tel artiste pour lui faire mettre en image un matériau aussi maladroit...

Je ne veux pas donner l'impression que Empyre est perdu. Je crois Slott et Ewing capables de se racheter sur les deux derniers épisodes, et on n'aura pas à attendre pour savoir si cet espoir est fondé. Croisons donc les doigts. 

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