samedi 22 août 2020

DECORUM #4, de Jonathan Hickman et Mike Huddleston


Vous me trouvez bien embêté au moment de résumer et critiquer ce quatrième épisode de Decorum. Nous voici donc à la moitié de cette mini-série et j'avoue humblement n'avoir pas compris grand-chose à ce que je viens de lire dans ce numéro. Accrochez-vous au pinceau, je retire l'échelle.


Il est donc à nouveau question de cet oeuf cosmique en possession des Mères Célestes. Son début d'éclosion a provoqué une brêche détectée par l'Eglise de la Singularité, ennemie des Mères Célestes et qui convoite aussi l'oeuf. Ro Chi, le chef de l'église, ordonne à sa flotte entière de partir.


Direction : Bidur Faul, où se trouvent donc les Mères Célestes et l'oeuf. L'arrivée de la flotte ne passe pas inaperçue et les Mères Célestes décident de filer en laissant l'oeuf (dont l'une a préalablement tranché un bras qui en était sorti), afin que l'Eglise de la Singularité pense avoir gagné.


Ro Chi découvre l'oeuf dans un cratère de la planète et voit en sortir un humanoïde. Déçu, il le fait brûler vif. Ailleurs, les Mères Célestes se disputent sur leur stratégie : autrefois des milliers, elles ne sont plus que quatre et leur sacrifice n'aboutit à rien


L'une d'elles, la plus jeune, offre de jouer les mères porteuses et la plus vieille lui insémine un échantillon à partir du bras tranché. Reste à attendre le fruit de cette gestation...


Vous noterez donc d'emblée que ni Imogen Smith-Morley ni Neha Nori Sood n'apparaissent dans cet épisode. Inutile d'attendre la suite de la formation de Neha comme tueuse, après son introduction hilarante dans le centre de la planète Tempest. Et ça, c'est déjà décevant.

Depuis le début de Decorum, Jonathan Hickman va-et-vient entre ses deux héroïnes, aux caractères bien trempés, et une intrigue parallèle, nettement plus nébuleuse, impliquant cette Eglise de la Singularité, les Mères Célestes et cet oeuf cosmique. Sur cette seconde partie, difficile, pour ne pas dire impossible de se faire un avis.

En effet, rien ne relie les deux récits, même si on devine (on espère) que Hickman a quand même un plan à cette fin. Mais enfin, ça paraît de plus en plus fumeux : qu'est-ce qui pourrait rapprocher une tueuse professionnelle, son élève (malgré elle) et des forces supérieures comme celles précitées ?

Surtout, Jonathan Hickman ne fait vraiment rien pour aider le lecteur à saisir son propos. Et le dessin de Mike Huddleston ne facilite pas la tâche. Ro Chi et les autres membres (très rares) de l'Eglise de la Singularité sont des créatures à peine humanoïdes, entièrement noires, aux lignes acérées. Les Mères Célestes ne sont guères plus avenantes, tour à tour blanches ou rouges, avec néanmoins des visages humains, des silhouettes un peu moins grossières.

Les décors sont réduits à leur plus simple expression. Ils traduisent à eux seuls la radicalité graphique de cette partie de l'histoire puisque Huddleston les remplace par des camaiëux de couleurs, des masses chromatiques, tantôt austères, tantôt bariolées. On flirte puis on est submergé par des abstractions qui abolissent tout repère spatio-temporel.

Peut-on apprécier quelque chose qu'on ne peut identifier et même qu'on peine à comprendre ? C'est un vieux débat. J'emploie à dessein le terme d'abstraction car on est souvent devant les pages de cet épisode comme devant un tableau de peinture abstraite. Les éléments figuratifs y sont  comptés ou carrément absents. L'artiste invite le lecteur à une expérience immersive où la sensation se substitue à la grille de lecture traditionnelle.

Ainsi dit, Decorum, aussi bien dans le texte que dans l'image, ressemble à une oeuvre exigeante, à la limite de l'hermétisme, où il faut accepter de laisser au vestiaire ses habitudes, qui se défie du formatage. Au risque, bien entendu, d'être impénétrable.

Pour ma part, le texte de Hickman comme les dessins de Huddleston m'ont souvent laissé sans voix, à la fois par leur beauté mais aussi par leur l'impossibilité que j'ai eu à les comprendre, à les déchiffrer. C'est donc un sentiment très divisé, et quand même assez rebuté. J'ai touché mes limites.

Hickman fait de Decorum un laboratoire, il tente, mais peut aussi vous décourager. C'est à l'évidence un pari pou cet auteur qui adore tester son public et s'aventurer dans des territoires que lui seul, à l'évidence, maîtrise. Il ne vous engloutit pas vraiment sous un jargon abscons mais vous entraîne dans un univers tellement détasbilisant qu'il faut produire un sacré effort. Huddleston est, de ce point de vue, un partenaire de jeu idéal pour lui car, esthétiquement, ses planches sont aussi une épreuve et un ravissement. Leur design est réellement, de mon point de vue, fabuleux, mais on achève la lecture de l'épisode sans trop savoir ce qu'on a vu et lu.

Paradoxalement, Decorum, par son jusqu'auboutisme, motive. Puisqu'il y a une part ludique là-dedans, et aussi peut-être par fierté, on a envie de relever le défi des auteurs, de ne pas abdiquer parce qu'un épisode comme celui-ci vous laisse perplexe. En espérant quand même que la suite sera un brin moins corsé. La couverture du #5 autorise l'espoir puisqu'y figurent Imogen et Neha, dont l'aventure est nettement plus accessible.  

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