dimanche 21 juin 2020

SUPERMAN #22, de Brian Michael Bendis et Kevin Maguire


Ce vingt-deuxième épisode de Superman marque la fin de l'arc Truth. Pour l'occasion Brian Michael Bendis renoue avec Kevin Maguire puisque Ivan Reis ne reviendra qu'au #25 (un numéro double, qui introduira une nouvelle intrigue et un nouveau vilain inédit). 


Le déroulement de l'épisode est très simple et découpé en deux parties qui se répondent : dans l'espace, à proximité de la Terre, Superman affronte Mongul qui a dirigé son énorme vaisseau sur notre planète pour la détruire, tandis qu'à Chicago, l'agent du FBI Cameron Chase discute avec Lois Lane du statut que s'est arrogé Superman devant l'assemblée des planètes unies en tant que représentant de l'humanité.


Bendis a expliqué dans une interview récente que Kevin Maguire, lorsqu'il a été sollicité pour dessiner l'épisode, lui a demandé de lui écrire beaucoup de scènes d'action car il souhaitait sortir de sa zone de confort (c'est-à-dire les scènes de dialogues dans un registre comique). L'artiste avait visiblement à coeur de prouver qu'il pouvait représenter une bataille épique entre Superman et Mongul et que dans cet exercice il pouvait suppléer Ivan Reis.


La mission n'est cependant qu'à moitié accomplie parce qu'on ne se refait pas : Maguire est un génie de l'expressivité et il n'est jamais meilleur que lorsqu'il faut traduire en mimiques diverses et variées les émotions des personnages. A cet égard, les échanges entre l'agent Chase et Lois Lane sont un régal.


Maguire s'acquitte néanmoins avec panache de la baston homérique entre Superman et Mongul et nous gratifie notamment de quelques plans très punchy (comme celui de la planche ci-dessus). Mais il n'est pas (et ne sera jamais) l'équivalent d'un Reis dans ce domaine. Le brésilien a un avantage indéniable par rapport à son confrère, c'est le sens de la composition et la puissance graphique, hérités de son idole, Neal Adams. On ne peut s'empêcher d'imaginer ce qu'il aurait fait de cet bagarre taillée pour lui, en échaînant de pages généreuses en détails et en envergure, là où Maguire se perd dans des cases réduites trop nombreuses qui étouffe justement l'action.


L'autre défaut de Maguire, c'est son association avec Alex Sinclair à qui il donne énormément de liberté pour un résultat souvent assez affreux. Comme je le disais plus haut, Maguire se distingue par un dessin au trait précis et expressif qu'il a appris à maîtriser au cours de sa longue expérience. Son brio en la matière lui permet de dire beaucoup avec peu, chez lui chaque effet est parfaitement dosé, chaque coup de crayon est pesé. Du coup, il encre légèrement et le coloriste a beaucoup d'espace à remplir : Sinclair ne se prive pas de le faire mais  en utilisant des teintes dont l'impression est laide, notamment avec un abus de bleu.

Les volumes sont ainsi curieusement soulignés là où le trait du dessin a cédé sa place, la tonalité générale des plans et des planches produit une sorte d'uniformité triste là où il aurait judicieux que ça pète. L'absence régulière d'à-plats noirs pour créer des contrastes prive l'image de zones permettant de renforcer l'impact des premiers et arrière-plans. Et enfin, Maguire varie trop peu ses angles de vue alors que la mise en scène d'une bataille de cette force impose des plongées, des contre-plongées, des plans rapprochés et d'autres plus larges. Comme quoi il ne suffit pas de se lancer des défis, encore faut-il les préparer, quitte à abandonner ses spécifités personnelles sur le plan visuel. Maguire n'est pas un dessinateur d'action, chaque fois qu'il s'y essaie, il se plante (déjà sur Supergirl, Eduardo Pansica avait démontré qu'il était supérieur à Maguire, sans pourtant être l'égal de Reis). A ma connaissance, le seul qui réussit à allier expressivité et composition dans cet exercice est Stuart Immonen, c'est dire si la barre est élevée.

Quant à Bendis, sa copie n'est guère plus convaincante en vérité. Dans cet arc en particulier, il a joué sur un ressort très prometteur mais en semblant ensuite l'effleurer seulement. Avoir "outé" Superman était un rebondissement suffisamment riche en conséquences pour ne pas l'encombrer avec un méchant comme Mongul (un autre malabar belliqueux comme Rogol Zaar, ce qui dénote d'un manque d'originalité dans le casting des adversaires). Malheureusement, qu'il s'agisse des questions éthiques (concernant le métier de journalisme de Clark Kent), extra-professionneles (le ressenti de la communauté super-héroïque et de la Justice League en particulier), ou vis-à-vis des autorités (avec l'intervention de Cameron Chase, qui retombe comme un soufflé - "No mistakes" ? Et après ? Que va faire le FBI ou une autre agence gouvernementale si Superman commet une bourde ?), Bendis survole mais n'explore pas (ou alors dans des numéros spéciaux, hors série, ce qui renvoie au défaut de son intrigue qui aurait dû être traitée dans la série et pas ailleurs). Dommage.

La parution de l'épisode a été de plus parasité par une annonce curieuse de Bendis qui a déclaré que son run sur la franchise de Superman touchait à sa fin. Aussitôt cela a interrogé sur la date de son départ et incidemment sur ce que Bendis avait chamboulé dans les séries (le vieillissement de Jon, son intégration à la Légion des Super Héros, son outing, son rôle de représentant de la Terre au sein de l'organisation des planètes unies, etc). Puis le scénariste a corrigé le tir en précisant qu'il ne partait pas non plus tout de suite (et même pas avant longtemps). Soupirs - de soulagement ou de résignation, selon que vous soyez fan ou pas... Mais c'est toute de même maladroit.

Pour ma part, ses dires m'ont plongé dans une certaine confusion parce que, entre ses deux prises de parole, j'a considéré son run et finalement, j'ai constaté que je n'étais pas aussi comblé que je le voulais. D'une manière générale, depuis son arrivée chez DC, les motifs de satisfaction sont rares concernant Bendis : ses creator-owned sont plaisants (pour ceux que j'ai suivis), mais sa Legion of Super Heroes m'a perdu, Young Justice m'a déçu, Action Comics m'a lassé, et Superman souffre d'arcs trop longs et inégaux. La vraie pépite, ce fut Batman Universe : or Bendis a toujours affirmé ne pas être venu chez DC pour écrire du Batman... Et pourtant c'est ce qui lui va le mieux, ce pour quoi il est fait. Mais c'est comme s'il voulait à tout prix esquiver.

Je ne sais donc pas si je vais poursuivre Superman. Le prochain épisode, encore dessiné par Maguire, abordera le problème du héros avec la magie, avec Dr. Fate en guest, puis donc à partir du #25, nouvel arc, nouveau vilain, retour de Reis. Mais à l'heure où j'écris ces lignes, l'envie me manque clairement.

La variant cover de Bryan Hitch

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire