mardi 16 juin 2020

DECORUM #2, de Jonathan Hickman et Mike Huddleston


Elle aussi victime de l'interruption des publications, Decorum revient pour son deuxième épisode. La production de Jonathan Hickman et Mike Huddleston est toujours aussi folle. Après un premier numéro qui laissait croire à une histoire de tueuses à gages rencontrant une coursière dans un futur lointain, le scénario part dans des directions inattendues qui suggèrent une saga bien plus ambitieuse. Au risque de perdre le lecteur... Ou de le solliciter davantage ? 


Dans leur vaisseau, les Mères Célestes précipitent l'éclosion d'un oeuf cosmique, au coeur duquel est en gestation une force terrible. Ce geste ne passe évidemment pas inaperçu : l'Eglise de la Singularité, qui traque les Mères Célestes et convoîte cet oeuf, le remarque et le Grand Prêtre de cet ordre est averti.


Ce Grand Prêtre se nomme Ro Chi et il peut entrer en contact avec Dieu lui-même qu'il informe de la situation. Il lui promet l'oeuf, bien que ses prédécesseurs aient tous échoué à le récupérer.


Cependant, Morley, la tueuse à gages, rentre auprès de son mari, Master Morley. Celui-ci lui raconte l'étrange rêve qu'il a fait en cherchant à en trouver la signification - peut-être s'agit-il d'un pressentiment. Puis il s'enquiert des affaires de son épouse, qui lui confie s'être engagée dans un projet spécial.


Celui-ci concerne Neah, la coursière qu'elle a rencontrée lors de l'exécution de son récent contrat. Après avoir payé pour les soins du fils de cette dernière dans un hôpital luxueux, Morley dévoile ce qu'elle espère en retour : inscrire Neah dans la même école qui l'a formée. La coursière est libre de refuser pour trouver un autre moyen de rembourser sa bienfaîtrice, mais elle accepte.


De retour auprès des Mères Célestes, celles-ci s'aperçoivent qu'une anomalie se déroule avec l'oeuf, dont veut s'extraire une créature surpuissante et dangereuse. Elles arrivent à sceller l'ouverture, mais l'effort que cela exige de la Mère supérieure est si éreintant qu'elle doute de pouvoir le répéter.

Variant cover de Mike Huddleston

Ce résumé a du mal, je m'en rends compte après l'avoir rédigé, à traduire la bizarrerie extrême de l'épisode. Seule sa partie centrale, c'est-à-dire les scènes entre Morley et son mari et Morley et Neah, sont réellement descriptibles - et encore le rêve conté par Master Morley est cryptique à souhait.

De fait, c'est une légère déception qui nous étreint à la fin de ce copieux numéro. Sans doute parce qu'il souffre de la comparaison avec le précédent, où la densité des informations et le magistral final dégageaient quelque chose de particulièrement grisant. Ici, on a quatre-cinq scènes en tout, quelques data pages, mais l'ensemble marque un coup d'arrêt et on n'est pas certain d'avoir tout saisi.

Cependant, on ne peut retirer à Decorum d'être franchement dépaysant et peu commun. Ce n'est pas du Hickman pour rien. Qu'est-ce qui relie cette intrigue avec un oeuf cosmique, la manoeuvre des Mères Célestes qui précipitent d'abord son éclosion puis finalement le scellent à nouveau, la traque de l'Eglise de la Singularité, et le couple si curieux que forment Morley et Neah ? On n'en sait rien, mais le pari que s'est lancé Hickman d'unifier tout cela en seulement huit épisodes est audacieux et excitant.

Morley semble donc vouloir faire de Neah son éléve, peut-être son successeur ou son adjointe. Elle aurait pu se débarrasser d'elle après le carnage qu'elle a commis dans le premier épisode, mais elle choisit une voie intéressante en lui offrant une reconversion et une vie qu'elle promet meilleure - déjà les soins qu'elle paie au fils de la coursière assurent d'une amélioration certaine. Elle ne force pas la main à la jeune femme, bien que Neah, si elle refuse le deal, devra trouver un autre moyen de remercier sa bienfaîtrice.

Si l'épisode se contentait de cela, ça suffirait à combler le lecteur car la relation des deux femmes est accrocheuse. Avant cela, le dialogue, tout en flatterie amoureuse et en termes suggestifs, entre les époux Morley est aussi faussement badin et bien tourné. Ajoutez-y la surprise que représente le fait que Mike Huddleston donne à Master Morley les traits de Charles d'Angleterre (oui, oui, le rejeton de la Reine Elizabeth), et vous comprendez la malice que recèle cette scène.

Je ne ferai pas le malin en prétendant que le prologue et l'épilogue de l'épisode, toute cette partie cosmico-divine, ne m'est pas passée au-dessus de la tête. Par exemple, pourquoi accélerer l'éclosion d'un oeuf pour le refermer quand il éclot ? Et surtout sachant que faire cela va immanquablement attirer l'attention de l'Eglise de la Singularité ? Ou encore que contient exactement cet oeuf (on voit un bras en sortir, qui colle une beigne à une des Mères Célestes) ? Tout ça est fort mystérieux - fumeux peut-être. Mais c'est une sorte de sub-plot indéniablement palpitant, et qui donne une dimension épique à la série.

Decorum est bel et bien une mini-série hors du commun. Mis en images de manière exceptionnelle, et écrite avec un art consommé du dosage des effets et des contrastes des ambiances, on ne s'ennuie pas même si la quantité des questions sans réponses est frustrante. La suite annonce la couleur : les choses vont devenir encore plus étranges, indique la dernière page.

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